Dans la nuit noire, le bruissement des vagues devient menaçant, les matelots essayent de garder le cap et s’escriment à scruter l’horizon à la recherche d’une lumière. Au loin, un scintillement accueille les marins, les voilà qui arrivent sains et saufs sur les côtes de Hong Kong grâce à l’éclat intermittent d’un phare.
Le mot "phare", dérivé du grec Pharos, fait allusion au nom de l’île où se trouvait jadis le phare d’Alexandrie. L’origine de ce terme sera conservée dans beaucoup d’autres langues, comme le français, l’italien, l’espagnol ou encore le portugais.
Les phares maritimes ont été le premier moyen pour les navires de repérer les zones dangereuses et les ports. Ils guident, aiguillent, et servent à éviter les écueils. Leur lumière se transforme en langage à travers son clignotement : tantôt, elle met en garde contre les menaces, tantôt, elle aide à calculer les distances. Une lumière blanche oriente vers la meilleure route, une lumière colorée indique un danger.
L’arrivée des premiers phares à Hong Kong
À Hong Kong, il ne reste que cinq phares datant d’avant-guerre. Revenons donc au moment où ils ont fait leur apparition. Leur arrivée sur le territoire a été tardive. À titre comparatif, le phare de Cordouan, le premier de France, a été mis en service en 1611, tandis que le premier de Hong Kong, au Cape D’Aguilar, voit le jour en 1875. Cette même année, le phare de Green Island est inauguré, suivi par celui du Cape Collinson, une année après.
En 1893, le phare de Waglan Island, construit par une compagnie française, vient remplacer celui du Cape D’Aguilar qui devient superflu et est abandonné en 1896. En 1905, une plus grande tour est édifiée à Green Island pour accueillir la lanterne du Cape D’Aguilar. Le dernier parmi ces cinq, érigé en 1912, est celui de Tang Lung Chau.
En 2000, le phare de Waglan et celui de Tang Lung Chau ont été déclarés monuments historiques. En 2005, c’est au tour du phare du Cape D’Aguilar d’être recensé, et trois années plus tard, en 2008, les deux phares de Green Island sont également listés comme monuments historiques.
Avant leur automatisation, les phares envoyaient un message retentissant : "des êtres humains sont ici", mais que sait-on des personnes qui y travaillaient ?
Après la signature de la Convention pour l’extension du territoire de Hong Kong, une habitude s’installa : la plupart des gardiens de phare avaient des origines eurasiennes. Ils étaient typiquement les fils de pères militaires britanniques et de mères chinoises. À l’époque, les Chinois n’étaient pas employés dans ces postes, mais cela changera dans les années 80.
La vie de gardiens de phare
Dans l’article Hong Kong’s lighthouses and the men who manned them, écrit par Louis Ha et Dan Waters, les auteurs donnent un aperçu de la vie d’un gardien de phare. C’était une tâche rude, on y menait une existence simple et austère, surtout les premières années où leurs gardiens passaient un mois en solitaire puis une semaine de congé à terre.
Plus tard, le régime a évolué avec un mois de service et deux semaines de trêves pour finir avec un roulement d’une semaine sur deux. Le premier gardien de phare, Archibald Baird, un trentenaire recruté en Angleterre est arrivé à Hong Kong en 1874 en qualité de Gardien principal du phare au Cape D’Aguilar.
Les phares étaient surveillés 24 heures sur 24, avec 4 heures de service et huit heures de repos. Le personnel comptait souvent un gardien principal, deux autres gardiens ainsi que cinq assistants, dont un cuisinier, mais cela pouvait changer par rapport à l’époque et au site.
Pour leur article, Ha et Waters ont interviewé d’anciens gardiens de phares qui leur ont confié leur train-train quotidien ainsi que les défis dans leur rôle de sentinelles de la mer. "Imaginez ceci", disait un interviewé : "se retrouver cloîtré dans un cylindre après une alerte au typhon de niveau 10 dans un endroit qui allait être touché de plein fouet, avec fenêtres qui ne s’ouvrent pas et sans climatisation. Ce n’est que dans les années 1970 que la tour de surveillance des phares est devenue climatisée".
La qualité de vie au sein d’un phare était liée avec les progrès technologiques. Dans les premières années, les gardiens faisaient le plein dans le garde-manger en stockant assez de nourriture pour toute la période de leur service. Plus tard, un frigo est venu faciliter la tâche. Les divertissements étaient limités pendant les premières années, mais à partir des années 80, les salles de jeux climatisées comptaient télé, radio, bibliothèque, fléchettes, ping-pong, mah-jong entre autres.
Pour certains, qui n’avaient pas accès aux puits ni aux sources, l’eau était limitée, les gardiens dépendaient des précipitations pour l’approvisionnement en eau qu’ils stockaient dans des citernes. Pour rester actifs, certains montaient les centaines d’escaliers qui allaient de la jetée au niveau de la mer jusqu’au sommet du building le plus haut, d’autres nageaient ou pratiquaient les arts martiaux.
Guerre et fantômes dans les phares de Hong Kong
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le phare de Waglan a été fortement endommagé par les bombardements. La réputation de lieu hanté vient de cette époque, car c’est à cet endroit que deux soldats japonais ont été tués par des bombardiers américains pendant leur déploiement. L’un d’entre eux a été enterré sous le sol de ce qui allait devenir la salle de jeux. À la fin de la guerre, des réparations ont été effectuées pour restaurer le phare, mais l’épithète de maison hantée est restée.
En 1989, le dernier gardien de phare, celui du Waglan, est parti. Dès lors, tous les phares ont été automatisés. Actuellement, ce dernier fait office non seulement d’aide à la navigation, mais aussi d’avant-poste pour recueillir des données météorologiques. Aujourd’hui, avec des systèmes plus modernes de navigation par satellite, l’utilisation des phares se raréfie, ils sont devenus superflus, mais pas inutiles, car aucun système n’est sans défauts et malgré l’apparition de nouvelles technologies, la lumière d’un phare rassure et réconforte quel que soit l’endroit et l’époque.
Edward Hopper, peintre féru des phares disait : "Le phare est un individu solitaire qui se confronte stoïquement à l’assaut de la société industrielle". Tel est le sort des phares, que ce soit ici ou ailleurs, ils sont la frontière entre la terre et la mer, la civilisation et la nature, des lieux de solitude qui symbolisent la terre ferme et la maison.
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