En incluant des articles concernant les media et de l’internet et en confiant sa supervision par le nouveau bureau géré par Pékin, la nouvelle loi de sécurité de Hong Kong donne un coup d’arrêt brutal à la relative liberté de la presse dont bénéficiait le territoire depuis la rétrocession. Chronique d’une reprise en main par Pékin
Media et ONG étrangères
Dans l’article 9 de la nouvelle loi de sécurité impose dans la nuit de Mardi à Mercredi par Pékin, il est indiqué: "The Government of the Hong Kong Special Administrative Region shall take necessary measures to strengthen public communication, guidance, supervision and regulation over matters concerning national security, including those relating to schools, universities, social organisations, the media, and the internet.”
On ne peut être plus clair quant à la menace qui pèse désormais sur les organismes d’information présents à Hong Kong, qu’ils soient locaux ou d’origine étrangère. Dès le 2 juillet, la présidente du Foreign Correspondant Club Judi Schneider faisait part dans une lettre ouverte au gouvernement de Hong Kong de ses craintes quant à la relative liberté dont bénéficiait jusqu’alors la presse à Hong Kong, même si l’on s’en souvient, son précédent directeur adjoint Victor Mallet s’était vu refusé son renouvellement de visa après avoir invité à débattre le représentant d’un parti indépendantiste en 2018. ICI
"Quand les cochons voleront"
Or la nouvelle loi met depuis Mercredi le suivi des questions liées à la presse, aux ONG et autres organisations étrangères dans les mains d’un nouvel organisme directement sous le contrôle de Pékin et dont les membres ne sont pas soumis à la Basic Law hongkongaise. Ce bureau de "protection de la loi de sécurité nationale" a été confié à un officiel chinois déjà connu pour ses positions dures, Zheng Yanxiong. Il est en particulier responsable de la répression intervenue en 2011 dans le village de Wukan, au Sud de la Chine, épisode qui a opposé pendant plusieurs mois les 20.000 habitants au pouvoir central dans un siège et bataille rangée, suite à des saisies abusives de terrains par le gouvernement local. À l’époque déjà, il accusait les villageois de “collusion avec l’étranger.” Une phrase lâchée à cette occasion "On pourra faire confiance aux media étrangers quand les cochons pourront voler" est restée célèbre.
Article 54: “The Office for Safeguarding National Security of the Central People’s Government in the Hong Kong Special Administrative Region and the Office of the Commissioner of the Ministry of Foreign Affairs in the Hong Kong Special Administrative Region shall, together with the Government of the Hong Kong Special Administrative Region, take necessary measures to strengthen the management of and services for organs of foreign countries and international organisations in the Region, as well as non-governmental organisations and news agencies of foreign countries and from outside the mainland, Hong Kong, and Macao of the People’s Republic of China in the Region.”
"Fake news”
Chris Yeung, président de la Hong Kong Journalists Association, indiquait Jeudi à notre confrère RTHK: “Certains articles de la loi précisent que le gouvernement va modérer, superviser les média locaux et étrangers. Cela semble annoncer plus de contrôles. Des propositions sont discutées au sein du camp pro-Pékin, telles que la surveillance des media en ligne, une loi sur les "fake news" et le durcissement des conditions d'obtention des visas pour les journalistes étrangers, qui pourraient bien bientôt voir le jour."
Contrôle de l’internet
Désormais aussi, selon l’article 43 de la nouvelle loi, l’internet de Hong Kong devra se soumettre aux requêtes de la police. Alors qu’une décision de justice était jusqu’alors nécessaire pour investiguer sur les comptes de suspects, la police n’a plus besoin de cette procédure et peut immédiatement exiger de se faire remettre les contenus d’un ordinateur ou les informations personnelles d’un internaute ou d’une organisation au titre de la nouvelle loi et sur simple demande. C’est ce qu’indique Lento Yip Yuk-fai, président de l’association des fournisseurs de service internet de Hong Kong. Lorsque l’on sait que le contrôle sur les réseaux en Chine est total, incluant des moteurs traquant et bloquant les publications selon certains mots clés, on comprend les enjeux de la modification des conditions de la protection juridique des données personnelles à Hong Kong.
Autocensure
Il est de bon ton pour les entreprises oeuvrant sur internet de faire des déclarations de bonne volonté pour garder la confiance de leurs utilisateurs. C’est ce qu’à fait LinkedIn ce Vendredi en assurant “vouloir créer un environnement sécurisé, professionnel et fiable”.
De même, les entreprises redoublent de précaution avant de se confier aux coreespondants de la presse étrangère, les représentants de chambres professionnelles recommandant le recours à des avocats spécialisés pour ne pas risquer de commettre un impair par rapport aux définitions floues de la nouvelle loi de sécurité. Ainsi Joe Chau Kwok-ming, president de la chambre des petites et moyennes entreprises de Hong Kong déclarait Jeudi dernier: “Les entreprises doivent redoubler de vigilance vis à vis des nouvelles règles du jeu et manoeuvrer prudemment. Elles peuvent s’aventurer en terrain miné sans même s’en rendre compte”
Pour les media qui diffusent à la fois à Hong Kong et en Chine et qui fonctionnent déjà sur les "standards chinois", la nouvelle loi ne devrait pas changer grand chose mais pour les autres, l’autocensure risque de devenir la norme.
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