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Jimmy Lai: "ce n'est que le début d'une longue bataille"

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photo@Wikimedia Commons
Écrit par Claudia Delgado
Publié le 26 août 2020, mis à jour le 27 août 2020

Nous sommes le lundi 10 août vers 7 heures du matin lorsque, Jimmy Lai est arrêté chez lui. Les images de Lai menotté et emmené par la police ont fait le tour des réseaux sociaux et des médias.

Il est accusé de collusion avec un pays étranger, au titre de la toute récente loi sur la sécurité nationale, entrée en vigueur le 30 juin à 23 heures, juste avant l’anniversaire de la Rétrocession de Hong Kong à la Chine. Ces nouvelles dispositions stipulent que les crimes de sécession, subversion, terrorisme et collusion avec des forces étrangères sont passibles de peines allant jusqu'à la réclusion à perpétuité.

Plus de quarante heures après son arrestation, Jimmy Lai a pu être libéré sous caution, sans passeport, ni date de procès, ni non plus de précisions sur les chefs d’accusation, au-delà des simples allégations de "collusion avec des forces étrangères et complot d’escroquerie". C'est la troisième fois qu'il est interpellé cette année.

 

 

Une arrestation spectaculaire

Selon la page Facebook de son journal, plus d’une centaine de policiers ont fouillé la salle de rédaction du Apple Daily pour saisir plus de 25 boites de documents. Pendant une conférence de presse, dont plusieurs journalistes ont été exclus, le chef de la police hongkongaise, Steve Li Kwai Wah a déclaré que dix personnes entre 23 et 72 ans ont été arrêtées pour avoir enfreint la loi sur la sécurité, trois d’entre elles pour avoir dirigé un groupe demandant des sanctions étrangères vis à vis de Hong Kong, groupe resté actif après le 30 juin. Selon les dires de la police, les dirigeants d’un organe de presse (qui n’a pas été nommé) apportaient un soutien financier à ce groupe.  

Cette opération marque la première fois que la nouvelle loi est utilisée contre les médias. "La promesse des fonctionnaires assurant que la loi n’empiète pas sur les libertés civiles y compris la presse indépendante, a été invalidée par les actions de la police" a déclaré un porte-parole du Foreign Correspondents Club.  Le fait qu'Apple Daily ait, au mois de mai dernier, publié une série d'articles mettant en cause personnellement Chris Tang, le chef de la police de Hong Kong, et d'autres policiers dans des affaires de montages immobiliers illégaux n'est peut-être pas étrangère à la mise en scène du 10 août.

Qui est Jimmy Lai ?

Jimmy Lai est né en 1948 à Canton et est arrivé à Hong Kong à l’âge de 12 ans. À 25 ans, il crée une entreprise prospère dans l’industrie textile, où il fait fortune. Suite aux manifestations de la place Tiananmen de 1989, Lai se reconvertit dans le monde des médias, il devient un défenseur de la démocratie et un critique du gouvernement chinois. En 1995, deux ans avant que le territoire de Hong Kong ne soit rétrocédé à la Chine, il fonde le journal Apple Daily afin de promouvoir des valeurs démocratiques. Depuis lors, il est devenu une épine dans le pied du gouvernement central. Son quotidien fait partie du groupe Next Digital, la plus grande entreprise de médias à Hong Kong.

C’est un habitué de Washington où il a rencontré de hauts fonctionnaires dont le secrétaire d’État des États-Unis Mike Pompeo, le vice-président Mike Pence, et la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, pour rallier leur soutien en faveur de la démocratie à Hong Kong, ce qui lui a valu d’être qualifié de traitre par les médias de l’état chinois. Des visites qui auraient pu être considérées comme crimes de collusion, si elles avaient eu lieu après le 30 juin. Puisque ce n’est pas le cas, on ignore encore de quelle manière il a enfreint la loi depuis son entrée en vigueur.

 

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photo@Wikimedia Commons

 

Qui d’autre a été arrêté ?

Six autres personnes ont été arrêtés avec Jimmy Lai, dont ses deux fils et une partie de l’équipe du Apple Daily. Lors d’une deuxième opération, les activistes Agnes Chow Ting et Andy Li ainsi que le journaliste Wilson Li ont également été arrêtés, tous trois soupçonnés de complicité et de collusion avec des forces étrangères. Ils ont été libérés sous caution.  

Après sa libération, Agnes Chow a déclaré aux journalistes: "Il est tout à fait évident que le régime utilise la loi de sécurité pour réprimer la dissidence politique".  

Depuis que cette loi est entrée en vigueur, des étudiants ont été arrêtés à cause de publications sur les réseaux sociaux, des mandats d’arrêt ont été délivrés contre des activistes pro-démocratie à l’étranger, une douzaine de candidats pro-démocratie ont été disqualifiés des élections législatives et lesdites élections ont été reportées d’un an. 

Les réactions de l'étranger

Cette loi non rétroactive, s’applique à tous les Hongkongais et non-résidents et aux Hongkongais à l’étranger. Sa promulgation a poussé l’administration Trump à mettre un terme au statut particulier de Hong Kong comme région semi-autonome, en imposant également des restrictions de visas aux responsables de la répression et des sanctions contre onze fonctionnaires, dont la Chief Executive Carrie Lam. La Chine a, quant à elle, riposté en sanctionnant à son tour onze Américains, dont les sénateurs Marco Rubio et Ted Cruz. Les États-Unis se sont joints à la Grande Bretagne, l’Australie, le Canada et la Nouvelle Zélande dans une déclaration commune pour signifier que "la disqualification des candidats et l’ajournement des élections compromettent le processus démocratique qui a a constitué la base de la prospérité et de la stabilité de Hong Kong". 

Elections reportées

L'arrestation spectaculaire de Jimmy Lai intervient alors que les élections législatives prévues début septembre ont été repoussées d'un an par le gouvernement, officiellement au titre des risques sanitaires. Alors que la victoire du camp démocratique ne faisait pratiquement aucun doute, une série d'enquêtes à l'encontre de 17 candidats anti-Pékin s'est conclue par la disqualification d'une grande partie d'entre eux, les activistes Agnès Chow et Joshua Wong faisant l'objet d'arrestations au titre de leur participation à des manifestations illégales. Nathan Law, autre militant a préféré quant à lui s'exiler en Angleterre, plutôt que de risquer l'incarcération à Hong Kong. Il fait depuis l'objet d'une demande d'extradition de la part de la police hongkongaise, à l'origine de la fin des accords sur ce plan avec la Grande Bretagne.

C'est donc un vaste mouvement de répression de l'opposition qui est désormais en marche, la Chine ayant à ce stade réussi à mettre au pas la turbulente Hong Kong. Bien que Jimmy Lai risque une lourde peine, il a déclaré lors de la libération: "Ce n’est que le début d’un longue bataille". Il a appelé son arrestation un "exercice symbolique" des autorités locales et indiqué que bien qu’il espère ne pas passer le reste de sa vie en prison, il était prêt à l’accepter.

 

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