Hong Kong dans les films de Wong Kar-wai

Wong Kar-wai, le réalisateur emblématique de Hong Kong

Toujours accoutré de ses lunettes noires, Wong Kar-wai est l’un des grands maitres du cinéma asiatique et indéniablement lié à la ville et à l’histoire de Hong Kong. Né à Shanghai en 1956, il émigre à Hong Kong avec sa mère vers l’âge de 5 ans. Il réalise son premier film, As tears go by, en 1988 puis Nos années sauvages en 1990. S’en suivent Chungking Express (1994), Les anges déchus (1995), Happy together (1997) et son chef-d’œuvre In the mood for love (2000), sacré deuxième meilleur film du XXI^e siècle en 2016 par la BBC. En 2004, il sort 2046 et son dernier film, The grandmaster, sort en 2013. Tony Leung et Maggie Cheung figurent parmi les acteurs mythiques avec qui il travaille, ils sont notamment à l’affiche de In the mood for love.

Cartographie du Hong Kong de Wong Kar-Wai

Les films de Wong Kar-wai sont un condensé de lieux qui façonnent l’identité et l’histoire de la ville : emblèmes anglo-saxonnes (MacDo, 7-Eleven), restaurants locaux appelés caa caan teng, fast-food, couloirs interminables de stations de métro, centres commerciaux, chambres d’hôtel, marchés de rue avec étals de poissons, de viandes et de légumes, escalators, néons, ruelles sombres coincées entre deux immeubles, appartements exigus, parfois insalubres, autoroutes urbaines… On retrouve également de nombreux lieux identifiables et emblématiques comme le chaotique et frénétique Chungking Mansion à TST où se déroule le début de l’intrigue de Chungking Express. En contraste, la suite de l’histoire se déroule dans le quartier de Central aux alentours de l’escalator de Mid-Levels sur lequel donne l’appartement exigu du protagoniste et du snack-bar Midnight Express, situé à LKF et aujourd’hui fermé. Pour l’anecdote, à l’époque où Wong Kar-wai filme l’escalator – le plus long escalator en plein air au monde – celui-ci venait d’être mis en service, et c’était la première fois qu’il apparaissait dans un film.

Reflet d’une métropole en perpétuel mouvement et plus concrètement d’une augmentation incessante des loyers, la plupart des lieux présents dans les films de Wong Kar-wai ont depuis fermé. C’est le cas de l’iconique Goldfinch, steakhouse avec banquettes désuètes, tapisserie verte et ambiance feutrée, où se déroule la rencontre amoureuse dans In the mood for love et une autre scène de 2046. C’est aussi le cas du Queen’s Café à North Point où est filmé Nos années sauvages. Le wet market de Graham Street, à côté de l’escalator et que l’on aperçoit à plusieurs reprises dans Chungking Express, demeure presque intacte et reste l’un des témoins d’une époque révolue, coincé entre les gratte-ciels de Central.

L’ambiance des films de Wong Kar-wai

En 1998, Wong Kar-wai écrivait dans les Cahiers du cinéma « Hong Kong est un personnage ». Tout comme les personnages de ses films sont en quête permanente d’identité, c’est également cette crise identitaire qui caractérise la ville tout au long de son histoire et que le réalisateur retranscrit dans ses films. Ainsi, Wong Kar-wai ne filme jamais les monuments iconiques de la ville, il ne relaie jamais l’image cliché et panoramique de Hong Kong avec sa skyline et ses innombrables gratte-ciels. Au contraire, il s’attache à développer un Hong Kong du quotidien et anonyme au travers de plans rapprochés et de mouvements ralentis et accélérés de la caméra qui créent une ambiance si particulière. Dans le film Les anges déchus, c’est le quartier de Mong Kok avec ses rues bondées et ses marchés animés qui est au centre de l’intrigue, dans In the mood for love, c’est un Sheung Wan sombre et mélancolique qui est montré à voir. Avec ses films à l’ambiance nocturne, mystérieuse et anonyme, le réalisateur donne à voir une représentation subjective de Hong Kong qui a su s’imposer dans l’imaginaire collectif et qui fait encore aujourd’hui de ses films de superbes références à voir pour qui veut découvrir ou redécouvrir cette ville.