Après le terrible camouflet des élections locales qui ont vu les pro démocrates prendre le contrôle de 17 sur les 18 districts de Hong Kong, comment va réagir Pékin? Telle est la question qui se pose désormais alors qu’un certain calme règne enfin dans l’ancienne colonie britannique.
À l’écoute?
Dans un communiqué qui a suivi la publication des résultats de Dimanche, Carrie Lam a indiqué être “humblement à l’écoute” des différentes attentes des Hongkongais, discours hélas entendu maintes fois depuis le début de la crise et rarement suivi d'actions concrètes. Les événements ont en effet démontré les limites auditives de la Chief Executive alors que 2 millions de personnes sont descendues dans la rue que six mois de troubles ont suivi sa tentative de passation d’une loi sur l’extradition vers la Chine, se révélant par opposition "humblement" à l’écoute de Pékin, lors de la Foire de Shanghai, alors que Xi Jinping lui témoignait publiquement sa confiance. La question est donc bel et bien celle de la réaction de Pékin à la crise qui secoue Hong Kong et non les atermoiements de Carrie Lam.
Déni de réalité
Or, la victoire des démocrates a été telle pour les élections de districts que Pékin s’est retrouvé pris de cours, n’ayant de l'avis général pas anticipé un tel raz de marée. Ainsi pendant la journée de Lundi, bien que les comptes donnaient déjà 389 sièges sur 452 aux pro démocratie, on continuait de communiquer dans la presse pro-Pékin que la moitié des résultats n’étaient pas confirmés. S’en est suivi un silence de mort dans les media chinois pendant deux jours. Carrie Lam expliquait enfin de son côté que rien n’était changé puisque selon elle, toute les concessions possibles avaient déjà été faites sur les demandes de la rue, telles que la commission d'enquête sur les violences ou les amnisties, le suffrage universel ces derniers points étant rejetés.
Trump signe la loi sur Hong Kong
Dans le cas où Pékin choisirait de durcir encore le traitement infligé à Hong Kong, une nouvelle épée de Damoclès vient désormais contrecarrer ce plan. Donald Trump vient en effet de signer le "Hong Kong Human Rights and Democracy Act" qui prévoit d'imposer des sanctions en supprimer les avantages douaniers sur le commerce de l’ancienne colonie en cas de manquement au processus démocratique. Or aujourd’hui, 80% des flux financiers à destination de la Chine passent par Hong Hong. De même le commerce chinois bénéficie largement du statut spécial du Port des Parfums, ce qui signifie qu'un retrait de ces avantages aurait à la fois des conséquences économiques pour Hong Kong mais aussi des répercussions sur la Chine elle-même. Même si dans l’esprit de l’homme fort de Pékin, la priorité nationale l'emporte largement sur les considérations d'ordre économique, les revirements récents de position sur la guerre commerciale avec les États-Unis montrent qu'il est tout de même tenu à un certain pragmatisme pour maintenir son pouvoir.
Faire une pause
Bien entendu, Pékin ne va pas manquer de hausser le ton sur ce qu’il considère comme une ingérence dans les affaires intérieures de la Chine mais sur le terrain, le camp pro gouvernemental a intérêt à faire une pause. La croissance économique en berne de Hong Kong depuis le début de la contestation hypothèque à terme sa capacité de reprise et l'équilibre apporté par les grandes entreprises hongkongaises. La ville est déjà passée derrière des métropoles comme Shenzhen en terme de croissance, aussi l’accélération du projet de Greater Bay Area, permettrait de focaliser les esprits sur le développement régional et à terme d’intégrer Hong Kong dans un ensemble économique plus large contrôlé par la Chine. Cependant, les mois de colère ont grippé les ressorts de la confiance dans les institutions et initiatives chinoises tels que groupes financiers, immobiliers ou le tourisme, ce qui compromet ce projet à court terme.
Préparer les législatives
Côté pro-démocratie, le moment de la réflexion semble venu avec désormais un nouvelle carte inattendue. En effet, lors des prochaines élections au Legislative Council, le parlement de Hong Kong jusqu'alors totalement contrôlé par les pro-Pékin, les sièges réservés des districts s’additionneront à la minorité de députés pro-démocratie actuelle. Contrairement à ce qui pouvait être envisagé jusqu'alors, la modification des équilibres au sein du comité électoral à l'occasion du vote de renouvellement de la Chief Executive est donc théoriquement possible. Sur 1.200 sièges, il en faut à Pékin au moins 600 pour contrôler l’élection. Or, les 117 sièges attribués aux conseillers des districts tomberont sous l’escarcelle de l’opposition qui en contrôle déjà environ 350 actuellement. Avec près d’un tiers des voix, le camp pro-démocratie pourrait donc jouer un rôle décisif, d’autant plus que dans le camp pro-establishment, le puissant monde des affaires ne respecte pas toujours les consignes de vote de Pékin.
Le pouvoir pourrait dans ce cas, pour la première fois dans l'histoire récente de Hong Kong, échapper aux pro-Pékin. Au delà de la gestion des affaires courantes dans les districts, qui donnent aussi la possibilité de faire pression sur le volet logement et conditions de vie, le nouvel enjeu des pro-démocratie est bel et bien de peser dans les décisions prises au parlement. Reste à convaincre une partie des supporters du mouvement qui s'est habituée à ne pas attendre et souhaite continuer à faire pression par la rue.
À suivre
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