Xi Xi, dans ses poèmes, nouvelles et romans inspirés par sa propre expérience urbaine, porte un regard original et très personnel sur Hong Kong qu’elle décrit de façon détaillée et dans un style très imagé parfois teinté de magie.
Un jury international a sélectionné la poétesse et romancière hongkongaise Xi Xi, lauréate du sixième prix Newman pour la littérature chinoise. C’est la troisième femme à gagner ce prix et la première de Hong Kong. Ce prix est octroyé par un jury international tous les deux ans par l’université d’Oklahoma et récompense un auteur chinois vivant pour la qualité de sa poésie.
Xi Xi, nom de plume soigneusement choisi, exprime parfaitement le ton de son œuvre et sa personnalité. Formé du redoublement du caractère chinois Xi (ouest), il doit être vu comme un pictogramme et non pour son signifiant. “Un pictogramme, 西西, précise-t-elle, représentant une petite fille en jupe, les deux pieds plantés dans une case carrée. Le caractère redoublé comme les deux images d’un film dessine une petite fille jouant un jeu similaire à la marelle”.
Ce nom suggère un caractère enjoué que l’auteur tient à garder. Il confirme la fraîcheur de l’enfance dans le regard qu’elle pose sur la vie. D’origine cantonaise, Xi Xi ,nom de plume de Zhangyan, est née à Shanghai en 1937, lieu où elle a suivi l’école primaire. Arrivée à Hong Kong avec sa famille en 1950 après la prise de pouvoir des communistes, elle a poursuivi son éducation à l’école normale dont elle est sortie diplômée en 1958, avant de se consacrer à l’enseignement en tant qu’institutrice et de commencer en parallèle une carrière littéraire.
Ma cité, un portrait de Hong Kong sous le regard d’un enfant
Ma cité (wo cheng), paru en feuilleton dans le supplément littéraire de Hong Kong Express de janvier à juin 1975, l’un des romans qui marque le plus son œuvre, est un portrait de Hong Kong dans lequel le lecteur navigue à son gré. On peut le décrire comme un puzzle d’éléments juxtaposés sans unité stricte de temps ou de lieu, qui retrace la ville, ses habitants, ses coutumes et dans lequel flottent des morceaux d’Histoire qui l’ont marquée.
En raison de sa structure morcelée, le roman est souvent comparé à un célèbre rouleau de peinture de la dynastie Song, Le long de la rivière pendant le festival Qing ming de Zhang Deduan qui décrit la vie de l’époque avec ses personnages, animaux, activités artisanales, architectures et paysages de la capitale Kaifang le long de la rivière. L’exemple est d’autant mieux choisi que l’écriture de Xi Xi, très visuelle et imagée, offre une série de perspectives fragmentées plutôt qu’un seul point d’observation.
Le personnage principal est un petit garçon A Guo (Fruit) dont on suit le regard souvent émerveillé alors que les membres de sa famille et autres personnages semblent représenter le passé, le présent et le futur de la cité. Il faut souvent lire le roman avec attention pour retrouver trace des mouvements sociaux ou politiques souvent tragiques qui ont bouleversé cette période hongkongaise, comme la deuxième guerre mondiale, l’occupation japonaise, l’influx de réfugiés pendant la révolution culturelle de 1966 à 1976, l’arrivée des “boat people”, les réfugiés vietnamiens, les bombes qui exposaient dans les rues lors de la révolution culturelle, les rationnements d’eau. Ils sont évoqués de façon furtive par l’enfant au travers de ses observations ou d’histoires rapportées qu’il a entendues.
“La bouche se querelle toujours avec la main qui écrit”
Le style narratif de Xi Xi n’est pas sans évoquer le nouveau roman français avec de minutieuses description d’objets, emballages de vieux médicaments, bonbons de l’époque, allant lors d’un déménagement même décrire les vieux cure-dents délaissés au fond des tiroirs ou le cadavre desséché de cafards entre les vieux papiers, détails signifiants pour tous les habitants de Hong Kong. Xi Xi est une admiratrice des surréalistes – Breton, Miro, Magritte – et cela se ressent dans son écriture à la fois directe et naïve dans laquelle les objets sont parfois personnifiés ou capables d’émotions.
Ainsi, la montagne surmontée la nuit d’une lumière rouge suspendue au-dessus d’elle avertit-elle les avions : “Je suis une montagne” ou le drame des réfugiés est-il décrit non par eux-mêmes mais par le bateau qui les transporte et se voit interdire tous les ports où il tente de s’approcher. Le livre est une succession de tranches de vie quotidienne qui englobent vie domestique, loisirs des dimanches, jeux de majong dans des appartements exigus avec pour illustrer son style métaphorique “un homme qui marche comme une paire de ciseaux rouillés”. Ecole et problèmes d’arithmétique à s’arracher les cheveux, visites à la clinique, tous des moments plus ressentis par l’enfant que décrits réellement, ce qui fait le charme du récit et dessine un tableau imagé mais aussi très juste de la vie de la cité. Un style qui se confirme dans un autre récit, Une fille comme moi, recueil de nouvelles sur l’enfance, le jeu, l’amour et les amoureux, le village et la ville, la nature et le voyage où la petite fille a grandi.
Elle traite cependant aussi des problèmes qui touchent les hongkongais: l’identité, les passeports et les simples certificats d’identité pour ceux qui n’en ont pas et dont les déplacements sont de ce fait limités. Les problèmes suscités par les dialectes et une langue écrite différente sont un obstacle de plus à franchir : “la bouche se querelle toujours avec la main qui écrit”. Xi Xi est très appréciée à Hong Kong et a servi de modèle à toute une génération de jeunes écrivains.
My city, a Hong Kong story, XiXi, éditions Renditions, Hong Kong en traduction anglaise
Une fille comme moi, XiXi, éditions de l’aube, France, en traduction française par Véronique Woillez