Mise à part la commande chinoise de 300 Airbus, que retenir de la visite de Xi Jinping en France?
À Paris, Emmanuel Macron lui a tenu un discours en trois points, qui éclaircit des ambiguïtés anciennes:
- la récente prise de position européenne, forgée entre Paris et Berlin, consiste à reconnaître l’antagonisme d’une Chine qui s’exporte sans complexe, après avoir rattrapé technologiquement l’Occident. Paris ne le déplore pas, mais comme Washington, s’impatiente d’en finir avec un accès au marché chinois inéquitable et à géométrie variable.
- la coopération avec la Chine est souhaitée, encouragée, et l’avenir sera commun ou ne sera pas.
- en partageant "son" sommet franco-chinois avec J-C. Juncker (Président de la Commission Européenne) et Angela Merkel la chancelière allemande, Macron a voulu signifier à Xi que toute tentative d’enfoncer un coin dans la solidarité européenne, serait vouée à l’échec. L’avenir dira si l’allégeance de l’Italie au plan BRI de nouvelles routes de la soie sera véritablement une entaille dans la solidarité européenne ou bien un "coup pour rien", vu l’obligation pour Rome de ne signer que des contrats conformes à ses obligations envers les autres Etats membres dans le cadre des traités. Vu sous cet angle, le triple message de Macron à Xi Jinping apporte un contenu nouveau à la relation franco-(euro-)chinoise, c’est un tournant.
Quelques jours avant la visite de Xi en France, Grace Meng, épouse de l’ex-patron d’Interpol Meng Hongwei incarcéré depuis fin septembre 2018, en appelait au Président Macron, pour elle et son mari, dénonçant une action « politique et sans preuve des faits incriminés ». Grace a fait une demande d’asile. Pékin n’a pour l’instant pas formulé de demande d’extradition. Le 27 mars, suivait l’inculpation officielle de Meng Hongwei pour "abus de pouvoir, détournement de fonds, désobéissance et double vie" et était déchu du Parti. Grace Meng apparaît aussi dans l’acte d’accusation, pour avoir "abusé du statut de son mari pour ses propres intérêts". La campagne anti-corruption maintient donc le cap. Le 16 mars, l’ancien chef de l’agence de l’énergie, Nur Bekri, un des rares hauts cadres d’ethnie ouïghoure, était expulsé du Parti pour "corruption et style de vie décadent". Le 26 mars, c’était au tour de Lu Wei, ancien patron du cyber-espace, d’écoper de 14 ans à l’ombre pour "pots-de-vin" et avoir "manqué de maîtrise de soi", reproche insolite.
Lou Jiwei lui, l’ex-ministre des Finances de 68 ans, faisait valoir ses droits à la retraite, 10 jours après avoir critiqué durant le Plenum des deux Assemblées (3-15 mars) le plan "Made in China 2025". Sous cette perspective, cette parole en clair, assez rare en ce pays, résonne rétrospectivement comme un « chant du cygne » de la part d’un des derniers réformistes de la génération de l’ex-gouverneur de la Banque Centrale Zhou Xiaochuan, ou du vieil allié de Xi Jinping, Wang Qishan. Professeur de droit constitutionnel à la prestigieuse université pékinoise Tsinghua, Xu Zhangrun s’attendait depuis longtemps à sa suspension, prononcée le 25 mars. Ces dernières années, Xu avait publié en ligne nombre d’essais peu tendres avec l’administration de Xi Jinping et le Président lui-même. Ces prises de position audacieuses allaient à l’encontre de l’exigence du chef de l’Etat, d’enseignants "ayant foi dans le Parti, etcapables de distinguer le bien du mal". Xu déclare qu’il risque la prison.
Dernier signe de l’éternel souci de contrôle de l’opinion : les drames et séries TV sur les dynasties passées, sont interdits. Quoique très populaires, ils étaient trop nombreux et le thème "antique" était un peu trop nostalgique du passé, comparé à l’époque actuelle moins souriante.