Dans un immeuble à Jordan, des écoliers se retrouvent tous les jours après les cours pour faire leurs devoirs. Leur particularité ? Ces enfants sont issus de minorités ethniques ou de communautés non-chinoises et cherchent à améliorer leur chinois cantonnais. Pour ces enfants, la maitrise du cantonnais est une question décisive pour leur intégration.


L’intégration liée à la maitrise du cantonais à Hong Kong
Bien que Hong Kong soit peuplée à 90% de personnes ethniquement chinoises, la ville abrite un nombre important d'autres communautés, reliquat de son passé colonial mais aussi signe de son attractivité économique. Cependant, nombre de ces personnes font face à des difficultés d’intégration sociale, dû à leur mauvaise maîtrise du cantonnais. Un problème qu’ils ne souhaitent pas transmettre à leurs enfants qui doivent donc apprendre la langue chinoise à l’école. Seulement voilà, un grand nombre d’enfants échouent à l’issue de leur scolarité à parler le cantonnais couramment. Un problème que l'association Integrated Brilliant Education (IBEL) cherche à pallier.
Etablie en 2015, IBEL est une association non-gouvernementale qui cherche selon leurs propres mots à « éduquer et responsabiliser les étudiants venant de communautés non-chinoises et non-privilégiées ». L’organisation dispose de deux centres d’étude à Jordan et à Sham Shui Po, deux quartiers où la concentration de minorités ethniques est élevée, et accueille des centaines d’élèves de la maternelle au lycée après les cours.
Selon Manoj Dhar, le directeur de l’organisation, "ces enfants sont académiquement désavantagés du fait de leur milieu social et de leur origine. La plupart des enfants sont d’origine d’Asie du Sud et du Sud-est, plus précisément du Népal, d’Inde, d’Indonésie, du Pakistan et des Philippines. Souvent issus des couches les moins fortunées de la société hongkongaise, ils sont désavantagés par rapport à leurs camarades d’ethnie chinoise. En effet, la maîtrise du cantonnais est pratiquement obligatoire pour quiconque souhaite réussir académiquement et trouver un métier digne de ce nom."
« J’étais intéressée par un cursus focus sur l’histoire et les sciences sociales, mais je pense que cela est très dur pour moi car mon chinois n’est pas aussi bon que les autres, et qu’ils auront toujours un avantage sur moi, » confie en effet Keith, un lycéen d’origine népalaise.
Des failles dans le système scolaire hongkongais ?
« Leur non maitrise du chinois mène à une marginalisation qui commence dès leur plus jeune âge. Et au fur et à mesure que l’enfant grandit cela s’aggrave, » nous explique Manoj Dhar.
Dès le début de leur scolarité, ces enfants sont encouragés à s’inscrire dans des écoles dites pour « minorités ethniques », où la population d’enfants non-chinois peut dépasser les 90%. Dans une ville où la part de la population non-chinoise est de 9%, ce regroupement de minorités au sein de mêmes espaces créé une division ethnique et sociale, qui a ses conséquences dans l’insertion professionnelle et sociale de ces enfants.
« J’étais dans une école pour minorités ethniques mais je avais l’impression que les professeurs n'étaient pas très motivés pour nous enseigner le chinois, » raconte Angie, une collégienne d’origine népalaise qui participe aux cours du soir. « J’avais déjà un niveau de cantonnais correct avant d’entrer en primaire, mais comme on ne parlait qu'anglais et presque jamais chinois, mon niveau s’est peu à peu dégradé. »
L’Education Bureau de Hong Kong a mis en place plusieurs dispositifs permettant aux enfants non-chinois de pouvoir malgré tout réussir scolairement. Parmi ceux-ci, l’instauration d’un curriculum spécial, beaucoup moins exigeant en chinois. Si cela leur permet de répondre à la question du niveau scolaires, cela conduit aussi à limiter l’apprentissage du chinois.
« Le chinois qu’on apprenait était trop facile. Ce qu’on apprenait correspondait au niveau CP alors que nous étions déjà en CM2, » explique Angie.
« Par effet boule de neige, cela limite l’accès aux meilleures écoles et ensuite l’université » complete Manoj Dhar.
Quelles solutions apporte l'association IBEL?
Bien que le gouvernement cherche à résoudre ces problèmes en investissant des milliards de dollars dans le système éducatif, Manoj Dhar estime que ce n'est pas suffisant. Selon lui, la responsabilisation des professeurs face à ce problème doit être contrôlée de manière beaucoup plus stricte. Le suivi académique des enfants doit donc être plus élevé et accompagné par de réelles avancées tant au niveau des notes que des capacités linguistiques et d'intégration à l’université.
En attendant, IBEL continue d’aide les enfants non-chinois à surmonter leurs difficultés scolaires. Cela comprend l’aide aux devoirs, la consolidation des acquis en langue chinoise et la réappropriation en anglais de termes et concepts vus à l’école.
Les assistants pédagogiques sont pour la plupart issus du même milieu social, maîtrisent le cantonnais, et jouent un rôle d'exemple pour les élèves, ce qui permet aux enfants de prendre confiance en leurs capacités à réussir.
Ainsi Keith résume-t-il : « Nous devons travailler dur et nous impliquer davantage que la moyenne si nous voulons réussir »
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