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Distillerie d’Indochine : richesses locales et savoir-faire français 

distillerie indochinedistillerie indochine
Écrit par Nathalie Mulot
Publié le 23 décembre 2020, mis à jour le 25 décembre 2020

C’est nichée au sud de Hội An dans la province de Quang Nam, les pieds dans le sable, que la Distillerie d’Indochine a vu le jour en 2018. Rencontre avec son créateur, Antoine Poircuitte.

Ce projet ambitieux a été mûrement réfléchi par Antoine Poircuitte, maître distillateur, qui avec ses deux collaborateurs et amis Julien Masset et Jan Visser, a voulu allier passion et expertise des vins et spiritueux pour devenir la première distillerie au Vietnam. Ce concept inédit a intrigué notre rédaction qui s’est rendue sur place pour voir de ses propres yeux cette rhumerie d’exception.

À l’arrivée, bâtiment jaune or qui rappelle l’architecture hoïanaise, jardin d’été et potager en entrant, le décor de ce petit paradis du rhum est planté. Antoine nous accueille, grand sourire ; la visite de la distillerie peut commencer, un cocktail de bienvenue à la main. La visite dure une heure, suivie d’une dégustation des trois rhums blancs de la maison ; pur jus de canne, 100% vietnamiens avec de la canne à sucre récoltée localement. 

C’est du coté de la guest house, au bord de la piscine, que nous prenons place pour quelques questions.

distillerie indochine

 

LPJ HCMV : Antoine, quel est votre parcours et qu’est ce qui vous a poussé à monter votre entreprise ?

Antoine Poircuitte : Après avoir fait des études en commerce et finances, je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout ce vers quoi je voulais tendre, j’ai donc préféré faire un master dans le business du vin à Bordeaux.

Je suis arrivé au Vietnam en 2008 pour travailler dans le vin chez “Celliers d’Asie” en tant que commercial ; je suis resté trois ans à Hà Nội, j’ai ensuite fait la même chose pour ASC sur Hong Kong. Après cinq ans en Asie, je suis rentré en France pour travailler chez Marie Brizard comme responsable de zone export Asie ; j’ai ensuite été expatrié à Shanghai pour m’occuper de la filiale sur place et devenir directeur de la zone Asie Pacifique. 

Fin 2016, je quitte Marie Brizard, et reviens au Vietnam, mon pays coup de coeur, pour monter le projet de la distillerie. Je l’avais en tête depuis toujours. Mes deux grands-parents étaient bouilleurs de cru (d’où mon nom de famille, Poircuitte), j’ai fait ma première distillation à 6 ans, et j’ai depuis toujours eu envie de monter une distillerie. 

Le Vietnam étant un pays très riche en canne à sucre, et où il n’y avait pas de rhumerie, le créneau était tout trouvé !

J’ai proposé le business plan à mes deux amis de longue date Jan Visser et Julien Masset, tous deux experts et passionnés en vin et spiritueux, qui m’ont suivi dans le projet. 

C’est là qu’a commencé l’aventure, avec comme objectif de développer le “spiritourisme”.

distillerie indochine
Antoine Poircuitte, maître distillateur, tient son nom de famille de circonstances de ses grands parents, lesquels étaient bouilleurs de cru. 

 

LPJ HCMV : Quelles difficultés avez-vous rencontrées  pour monter l'entreprise et quelles ont été les facilités?

A.P : Les difficultés ont été nombreuses ! Il y a bien sur la barrière de la langue, la barrière culturelle mais aussi administrative ; en tant qu’étranger, vouloir monter une société ici n’est pas forcement évident, surtout quand il s’agit d’une production d’alcool, et monter une craft distillerie ne rentrait pas dans les cases administratives vietnamiennes. 

Il y a eu plusieurs échelons, la procédure est assez stratifiée. Pour avoir la licence de production, nous avons dû construire la distillerie de toutes pièces afin que les autorités puissent se prononcer sur l’acceptation (ou non) du projet.

Montrer les licences sanitaires, bâtiment, protection incendie, ont représenté un énorme travail administratif à mettre en place avant même d’avoir pu débuter. Chi, la femme de Jan qui est vietnamienne, nous a considérablement facilité ce cheminement ; elle a été d’une aide formidable dans cette aventure administrative ! 

Ce qui a également joué en notre faveur et qui a été très apprécié, c’est que nous avons vraiment axé notre démarche sur le développement régional, et que notre projet allait dynamiser l’économie locale. Notre concept est unique au Vietnam, tant dans son infrastructure (presse de canne à sucre, une cuve thermo-régulée, une colonne en cuivre qui vient de France, ainsi que des visites de la distillerie) que structurellement et administrativement parlant.

Nous sommes très fiers car dès 2019, nos rhums ont été honorés de plusieurs médailles.

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LPJ HCMV : De quoi se constitue votre clientèle ? 

A.P : Notre clientèle est majoritairement étrangère et occidentale (qu’ils soient expatriés ou touristes) et représente à peu près 65% de son ensemble. Nous avons aussi eu pas mal de touristes coréens grâce au développement de partenariats avec des tours opérateurs qui leur sont dédiés, ainsi que de la visibilité donnée par des influenceurs qui ont relayé notre présence sur leur site et en ont fait la promotion. 

Les vietnamiens, locaux et touristes sont également curieux.

 

LPJ HCMV : Avez vous mis en place des engagements “éthiques” et/ou écologiques sur votre site?

A.P : Au niveau de la production de canne à sucre, nous avons oeuvré à renforcer une culture sans produits chimiques, et n’embauchons que des locaux pour s’occuper de la récolte et de son acheminement jusqu’à notre distillerie. Nous travaillons avec des producteurs sans pesticides, et faisons des analyses de sol régulièrement.

Nous sensibilisons aussi la commune sur les déchets et le tri, afin de casser ce réflexe de tout jeter partout. On met en place des week-ends de nettoyage de la place, qui se terminent par une dégustation chez nous !

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LPJ HCMV : Quel a été l’impact du coronavirus sur la distillerie ?

A.P : Inévitablement, la fermeture du site, et l’annulation des visites. Nos clients principaux étant les restaurants et les hôtels, nous avons arrêté la production afin de garder de la trésorerie, continuer de payer nos employés que nous avons gardé à mi-temps, et payer les frais fixes. 

En tant que producteurs d’alcool, nous avons mis notre savoir-faire au service de notre commune, et avons produit et offert du gel hydroalcoolique au parti local. 

Mais ce temps creux nous a aussi permis de nous pencher sur d’autres axes de développement, l’élaboration de nouveaux produits, de nouvelles recettes.

La production de sucre de canne s’étalant jusqu’en septembre, nous envisageons de reprendre la production de rhum cet été afin d’honorer les commandes, et espérons livrer la Chine, le Sri Lanka, les Maladives, les Philippines, et Taiwan d’ici la fin de l’année. Notre commande pour la France est partie au début du mois de mai et la distribution commence dès son arrivée, ce mois-ci.

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LPJ HCMV : Quels sont les projets à venir?

A.P : Nous souhaitons développer notre portefeuille ainsi que nos autres produits, travailler nos rhum vieux qui pourront être mis en bouteille dès l’année prochaine.

On travaille également sur une recette de rhum épicé, un assemblage de rhum blanc, de rhum vieux et d’infusions d’épices locales.

Nous aimerions également construire un bar - restaurant sur la plage, pour faire connaitre nos rhums dans une ambiance détente et proposer une cuisine mettant en avant les saveurs locales re-visitées. 

Pour terminer, nous oeuvrons également à développer nos vieux rhum en barrique (minimum 3 ans) ; ce seront les premiers rhums à base de jus de canne issus d’un vieillissement au Vietnam !

Récompenses

Rhum 48%:

  • Médaille d’argent au World Spirit Competition de Singapore
  • Médaille de Bronze au International Wine and Spirit Competition de Londres (88 sur 100)

 

Rhum 54%

  • Double médaille d’Or au World Spirit Competition de San Fransisco, Best in Class (catégorie “rhum agricole”)
  • Médaille d’or au Top Rum (Paris)
  • Médaille d’or au concours international de Lyon (2020)

 

nathalie mulot
Publié le 23 décembre 2020, mis à jour le 25 décembre 2020