Illustrations du fond documentaire et iconographique de Francis Soulie de Morant, avec son aimable permission.
Né le 2 décembre 1878 à Paris, dernier d'une famille de quatre enfants, Georges Soulié, apprend le chinois alors qu'il n'est encore qu'un garçonnet. Dès lors, ce hasard d'enfance, chance particulière, oriente tout le cours de sa vie.
C'est Tin Tun Ling, lettré chinois recueilli par Théophile Gautier, ami de la famille, qui initie le jeune Georges aux idéogrammes, mais aussi à la bienséance chinoise de l'époque. La sinisation du jeune homme va plus loin que cela : à la mort prématurée de son père, il sacrifie son désir de faire médecine, et choisit une carrière financière pour venir en aide à sa mère. Il réalise ainsi un acte, très chinois, de piété filiale, renonçant à un rêve de jeunesse qui, toutefois, restera en toile de fond tout au long de sa vie.
En 1901, alors secrétaire à la Compagnie Industrielle de Madagascar, il est envoyé en Chine pour son plurilinguisme. Quelques mois plus tard, il assume les fonctions d'interprète auprès de la Compagnie impériale du Chemin de fer Hankéou-Pékin.
Le ministère des Affaires Étrangères remarque ce brillant jeune homme, qui fait honneur à son pays en donnant une si bonne image de la France à Pékin. En 1903, George Soulié de Morant est nommé assesseur-remplaçant à la Cour mixte de justice de Shanghai, entrant ainsi dans la carrière diplomatique sans être passé par la voie classique des concours. Il a alors 25 ans. Trois ans plus tard, il est nommé consul délégué à Yun-nan-fou (l'actuelle Kunming). Au cours de l'exercice de ces fonctions, il détermine la destinée de Sun Yat-sen, alors traqué par la police impériale, en lui accordant un visa qui lui permet de s'exiler.
En 1905, une épidémie de choléra sévit à Pékin et tue, en quelques heures, sous ses yeux, deux de ses domestiques chinois. A l'hôpital, Soulié de Morant découvre chez le Dr Yang une méthode inédite, arrivant à de biens meilleurs résultats que tout autre traitement. Soulié de Morant se fait apprécier par le Dr Yang grâce à son impressionnante connaissance du mandarin et à son respect de l'étiquette chinoise. Le docteur chinois accepte alors d'enseigner au diplomate français les principes de l'acupuncture.
Son séjour en Chine, treize années en tout, entrecoupées de plusieurs congés en France et au Japon, pour soigner la dysenterie et le paludisme contractés lors de ses missions à Shanghai et à Yun-nan-fou, se termine de manière définitive en 1918. A son plus grand regret, celui qui se qualifiait lui-même de "vieux Chinois", n'obtiendra jamais sa réintégration pour cause de maladie chronique.
L'introduction de la médecine traditionnelle chinoise en France
A son retour en France, Soulié de Morant se consacre dans un premier temps à la rédaction de son ?uvre de sinologue qui comportera près de quarante ouvrages, dont le Précis de la vraie acuponcture chinoise, par lequel Soulié de Morant introduit cette pratique. Aujourd'hui encore, c'est à cet homme qui rêvait de devenir médecin que la France et l'Europe doivent leur avance dans le domaine de la médecine chinoise traditionnelle.
Pourtant, c'est d'abord vainement que Soulié de Morant tente d'intéresser la communauté médicale française à cette nouvelle technique. Ses efforts ne lui valent qu'ironie et condescendance. La rencontre en 1927 du Dr Paul Ferreyrolles, médecin thermaliste ouvert à l'expérimentation, marque un nouveau revirement de carrière pour Soulié de Morant qui a alors 49 ans. A partir de ce moment-là, il consacre le reste de sa vie à l'acupuncture.
En 1953, un de ses élèves, l'un de ceux qui ont le plus bénéficié de son enseignement, lui intente un procès pour exercice illégal de la médecine. Jalousie ? Malveillance ? Le verdict rendu est un non-lieu, mais l'événement affecte fâcheusement la santé de Soulié de Morant. En 1952, il est frappé d'une hémiplégie droite très invalidante. Soulié de Morant se met à écrire de la main gauche, porté par sa détermination et sa volonté de terminer la rédaction de l'Acuponcture chinoise. Il meurt le 10 mai 1955.
Après une carrière financière éclair, George Soulié de Morant est devenu, tour à tour, sinologue, diplomate, historien, écrivain, essayiste, et enfin médecin traditionnel. Personnalité autodidacte aux multiples facettes, il a surtout été un homme de talent, qui a su reconnaitre et saisir la chance qui se présentait à lui, à travers des rencontres déterminantes et au fil desquelles s'est dessiné son destin exceptionnel.
Christine Leang, Extrait de la Lettre du Souvenir Français de Chine ? Février 2010, (www.lepetitjournal.com/Shanghai) Mercredi 10 février 2010
Informations complémentaires
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