Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--

Les « Flaschensammler », un phénomène qui inquiète en Allemagne

Flaschensammler AllemagneFlaschensammler Allemagne
© Pixabay
Écrit par Caroline Rayner
Publié le 30 décembre 2020, mis à jour le 1 mai 2024

Si vous vivez en Allemagne, vous avez sûrement entendu le terme « Flaschensammler ». Mais que se cache-t-il exactement derrière ce mot ? Petite explication sur un concept qui malheureusement constitue une réalité sociale en Allemagne.

Le mot « Flachensammler » signifie littéralement collectionneur de bouteilles. Le terme désigne en réalité des glaneurs de consigne (Pfand en allemand), des personnes qui ramassent les bouteilles vides pour en récupérer le montant de la consigne.

Ce phénomène sociétal profondément ancré en Allemagne met au grand jour une misère sociale rampante.

Depuis 2003, chaque bouteille en verre ou en plastique est consignée en Allemagne. Cela signifie que pour chaque bouteille ramenée au supermarché et déposée dans un conteneur prévu pour que celle-ci soit recyclée, le « Pfandautomat », quelques centimes d’euros sont délivrés en retour. En Allemagne, cette somme s’élève à 25 centimes par bouteille en plastique et 15 centimes par bouteille en verre.

 

La naissance d’un mouvement

Depuis une dizaine d’années, le phénomène des « Flaschensammler » se développe à une vitesse fulgurante en Allemagne. Ces derniers font le tour des espaces publics et fouillent les poubelles dans l’espoir de récupérer des bouteilles pour empocher la consigne en retour. D’une certaine manière, ces glaneurs de consigne font dorénavant partie intégrante du paysage allemand, surtout dans les grandes villes. Ce mouvement a en fait commencé dans les années 90 en Allemagne de l’Est où la pratique de la collecte de bouteilles et par conséquent le recyclage des ressources, était grandement encouragée. C’est surtout en 2005 que cette pratique s’est développée, notamment quand l’aide « Harz IV » (l’équivalent allemand du RSA français, le revenu de solidarité active, ndlr), a été introduite par le gouvernement Schröder. Pendant de nombreuses années la collecte de bouteilles, pratiquée principalement par les sans-abri, était cependant extrêmement mal vue.

 

Flaschensammler
© Pixabay

 


L’évènement qui a réellement intensifié le phénomène des « Flaschensammler » a été la Coupe du monde de football en 2006. Les glaneurs ont alors commencé à fréquenter les espaces « public viewings » où les bouteilles vides jonchaient le sol et étaient donc facilement accessibles. À partir de ce moment, ramasser des bouteilles n’était plus perçu comme étrange ou socialement inacceptable, puisque le nombre de « Flaschensammler » avait massivement augmenté.


Qui sont ces Flaschensammler ?

D’après des statistiques officielles, 80 à 85 % des glaneurs de consigne sont des hommes de plus de 65 ans, autrement dit des retraités et c’est là que le bât blesse. Par ailleurs, un nombre important d’entre eux sont des migrants à qui les aides de l’État ne suffisent pas pour subvenir à leurs besoins. Donc, contrairement aux idées reçues, les « Flaschensammler » ne sont pas que des sans-abri, mais vivent tout de même sous le seuil de pauvreté fixé à 781 € par personne et par mois.

 

Flaschensammler
© Capture d'écran YouTube

 

Le phénomène des « Flaschensammler » met en lumière une misère sociale profonde, qui amène même à questionner le système de retraites et d’aides sociales en Allemagne. Par exemple l’aide « Harz IV » s’élève à 416€ par mois pour une personne vivant seule, ce qui, la plupart du temps, est trop faible pour vivre. Les retraites quant à elles sont souvent moins élevées que dans d’autres pays européens : en 2016 près de 8,6 millions de retraités ont touché une retraite de moins de 800 euros par mois. Ces derniers sont donc forcés de trouver des moyens pour gonfler un peu leur retraite pour pouvoir survivre et la collecte de bouteilles leur permet de pouvoir joindre les deux bouts.

Ce phénomène semble être le reflet d’une politique sociale stricte, de la dérégulation des marchés qui ont massivement fait baisser les salaires, ainsi que de la croissance économique de manière générale.

 

Des initiatives louables en faveur des « Flaschensammler »

De nombreuses initiatives ont été prises pour venir en aide aux glaneur de consigne. D’un point de vue pratique, des villes comme Cologne ou Francfort par exemple ont inauguré le « Pfandring » (l’anneau à consignes). Cet anneau en métal, créé par Paul Ketz, s‘attache aux poubelles et permet aux personnes voulant se débarrasser de bouteilles en verre ou en plastique de les placer dans ce dispositif. Les « Flaschensammler »  n’ont plus qu’à se servir.

 

Flaschensammler
© Stadt Frankfurt am Main , Foto: Stabstelle Sauberes Frankfurt/ cleanffm

 


Une autre initiative, concerne elle, l’Allemagne entière ; c’est la campagne « Pfandgehörtdaneben » (« les consignes doivent être mises à côté des poubelles »), encourageant la population à simplifier la tâche des glaneurs de bouteilles et leur permettre ainsi de garder une certaine dignité.

 

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions