Le télétravail (home office) se développe en Allemagne tout comme dans les autres pays européens. Selon une étude Eurostat publiée en 2020 et d’après les données récoltées par l’Office statistique de l’Union européenne, 5,2 % de la population active allemande pratiquait régulièrement le télétravail en 2019. Actuellement, même si le sujet préoccupe le gouvernement et que la CDU et le SPD n'arrivent pas à s'accorder sur un projet de loi, il n’existe officiellement aucun droit au travail en home office. Les salariés peuvent néanmoins demander à leur employeur de travailler depuis chez eux mais ils ne peuvent pas l’exiger. Pour le moment, chacun s’organise donc individuellement.
Bonheur ou enfer : des avis partagés
L’arrivée de la pandémie de Covid-19 a instauré un nouveau mode de travail pour une grande partie de la population, le home office. Elle a contraint les plus récalcitrants, presque instantanément, à devoir s’adapter. Les débuts ont été plus ou moins compliqués. Mais après quelque temps d’adaptation, le pays a assisté à une prise de conscience collective aussi bien des salariés que des employeurs. Qu’ils soient ingénieurs, secrétaires, psychologues, courtier en assurances, journalistes, enseignants… beaucoup ont compris qu’il ne leur était pas impossible dans notre monde digital, de télétravailler un voire plusieurs jours dans la semaine. Rester chez soi pour travailler c’est ne plus avoir à se soucier des bouchons sur le trajet menant au travail, des trains et métros bondés ou en retard mais aussi des conditions météo... C’est donc du stress et de la fatigue en moins. Le télétravail aurait même pour effet de rendre le salarié plus productif !
En revanche, même si ces derniers mois, certains ont reconsidéré le home office et lui ont rendu ses lettres de noblesse, cette façon de travailler ne fait toujours pas l’unanimité. Des salariés estiment en effet, qu’en étant seuls chez eux ils manquent de soutien ou pointent du doigt le peu de relations sociales qu’ils ont à travers un écran avec leurs collègues. D’autres ne s’en sortent plus et se disent dépassés face à l’avalanche de communication sur internet ou encore considèrent le télétravail comme intrusif dans leur vie privée, tout le monde ne possédant pas un bureau ou espace de travail séparé de son espace familial. Cela montre que le développement des technologies apporte des avantages certes non négligeables mais a ses limites.
Notons aussi que le home office semble compliqué voire impossible dans certains cas. En effet, tous les métiers ne requièrent pas le même matériel et ne peuvent pas être exercés de manière numérique.
Le projet de Heil ou le droit de télétravailler
Selon les premières estimations, le nombre de travailleurs à domicile est passé à 25% pendant cette crise. Au vu de la situation, Hubertus Heil, ministre fédéral du Travail et des Affaires sociales, estime que pérenniser le télétravail serait envisageable. Son idée est d’introduire un droit au home office, de légaliser le bureau à la maison avec un certain nombre d'heures à y effectuer. Il a ainsi proposé dernièrement une loi afin d'apporter un cadre juridique au télétravail. Les salariés auraient alors le droit de l’exiger et si un employeur refuse, il devra se justifier. Il avait déclaré au journal « Bild am Sonntag », « Tous ceux qui le souhaitent et dont le travail le permet, devraient pouvoir travailler à domicile – soit complètement, soit seulement certains jours de la semaine ». Même si pour le moment tout n’est pas structuré, Hubertus Heil a déjà souligné deux choses très importantes. Il veut « instaurer des règles » pour éviter que « le travail ne ronge trop la sphère privée » en imposant « une heure de fermeture même pour le travail à domicile, et garantir la santé et la sécurité de tous ». Il a également ajouté que le travail à domicile serait une option pour les employés « Nous voulons rendre possible le travail à domicile, mais nous ne voulons pas le forcer ».
Le télétravail ne peut pas faire tourner à lui seul l’économie
Ce genre d’annonce divise forcément et les politiques ne sont pas du même avis. Dans un contre-projet aux plans du ministre du Travail Hubertus Heil (SPD), le partenaire de la coalition CDU/CSU rejette ainsi le droit légal à un bureau à domicile, comme le demande le SPD. Il convient plutôt de faciliter le travail flexible et d'accorder des avantages fiscaux mais pas de faire du télétravail un droit pour le salarié.
En effet, d’une part le projet est soutenu, notamment par les membres du SPD, parti d’Hubertus Heil, et par Katrin Göring-Eckardt, membre du parti Les Verts. Ils s’expriment en faveur du télétravail et sont surtout pour la loi qui devrait l’encadrer car selon eux cela « fonctionne mieux s’il y a des règles claires ».
D’autre part, l’introduction de cette loi en fait frémir comme Peter Weiß par exemple, membre de la CDU, pour qui le télétravail doit être « une offre et non un droit », car il n’est pas envisageable pour tous alors qu’il faut être capable de garantir les mêmes droits pour tous les employés. De plus, ce dernier, comme notamment Alexander Dobrindt, vice-président du groupe CDU/CSU, Hermann Gröhe membre de la CDU et certains employeurs estiment qu’introduire ce droit représenterait une intervention négative dans le processus de travail et l’organisation des entreprises. L’argument principal avancé « le télétravail ne peut pas faire tourner à lui seul l’économie ».
Par ailleurs, pour les détracteurs, « une telle obligation peut s’avérer coûteuse et difficile à organiser ». Ces derniers encouragent cependant le développement du télétravail mais sans que cela ne les contraignent afin de ne pas limiter la croissance et la flexibilité des entreprises.
Enfin, l’introduction de cette loi pourrait amener une partie de la population à envisager différemment son métier. Ce n’est encore qu’un projet qu’il va falloir développer et étoffer. Il ouvre certainement la voie à de nouvelles possibilités.
(Dessins de presse © Philippe Delestre)