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GONCOURT – "Alabama song" ou comment vivre dans l’ombre de l’autre

En enfilant les chaussures de Zelda Fitzgerald à qui il confie sa plume, Gilles Leroy observe les ravages de l'amour à l'épreuve du succès. Même si le journal inventé de Zelda se déroule entre 1918 et 1943, Alabama song est un roman diablement actuel. Et, fait rare, un Goncourt accessible 

"Personne ne sait comment on a pu s'aimer au départ ni comment on s'est supportés toutes ces années"écrit Zelda par la voix de Gilles Leroy (photo AFP)

Il n'est pas nécessaire de connaître l'univers d'origine ou littéraire de Scott et Zelda Fitzgerald pour se plonger dans Alabama Song. Le Goncourt 2007 a couronné un roman ultra classique mais grand public aussi puisque Gilles Leroy y évoque la grandeur et la chute d'une fille du Sud américain écrasée par le succès de son mari.
Qu'elle s'appelle Zelda Sayre, fille du juge de Montgomery, et épouse de Scott Fiztgerald -père notamment de Gatsby le magnifique ou de Tendre est la nuit, ajoute un piquant contexte de références puisque le couple a défrayé la chronique de ses frasques joyeuses dans les années 20 puis de sa déchéance dix ans plus tard. Et qu'il fascine toujours.
En se glissant dans la peau de Zelda, à qui il remet les clés de sa narration, l'écrivain français joue de sa propre imagination pour la faire vivre. Même si Leroy s'est beaucoup documenté sur le célèbre couple, Alabama Song reste une ?uvre de fiction. En fin d'ouvrage, l'auteur explique les passages où son imagination s'est affranchie des données biographiques -notamment sur la vie sexuelle de ses personnages.
D'ailleurs, dans son ton non plus Leroy ne cherche pas une retranscription fidèle du lieu ou de l'époque. Mais les expressions actuelles qu'il colle dans la bouche de Zelda s'accordent parfaitement avec sa pétulance loufoque et avant-gardiste des années 20.

Couple et création
En fait, le côté biographique importe moins que son projet atemporel : la déchéance d'une femme blessée dans ses ambitions par le génie de son mari et par ses propres errances. Les questions que soulève cette Zelda là interrogent le lien amoureux face à la création artistique. La femme d'un écrivain est-elle son inspiration ou sa correctrice ? Comment participe-t-elle au travail de l'autre ? Et comment maintient-elle son propre chemin ? Vivre auprès d'un génie revient à se terrer dans son ombre. Or la fille du soleil aspirait à d'autres éclats.
Alabama Song -dont le titre est emprunté à la pièce Grandeur et décadence de la ville de Magahonny de Brecht reprise plus tard par les Doors-, est un journal intime et féminin à la linéarité écorchée par les séjours en institution. Qu'il soit celui inventé de Zelda Fitztgerald est d'autant plus attachant que la dame a été, et reste, un personnage hors du commun.
Peu importe le vrai du faux, on prend plaisir à le lire de la première à la dernière page. Ce qui est assez rare pour un Goncourt.
Betty RUBY. (www.lepetitjournal.com) jeudi 8 novembre 2007
 
Alabama Song, Gilles Leroy, éd. Mercure de France, 192 p., 15?. Prix Goncourt 2007

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