Directeur du Centre international de Lafayette, Dave Domingue s’appuie sur les racines françaises de la Louisiane pour faire rayonner sa ville sur la scène internationale. Héritier d’une culture qu’on a voulu faire taire, il a su transformer cette histoire en levier d’action économique. Son bureau, fondé en 1990, continue de démontrer que la francophonie, même minoritaire, peut être un moteur de croissance bien réel.


Une mémoire blessée, un héritage assumé
« Mes parents, mes grands-parents parlaient tous français. Mais à l’école, c’était interdit. » Pour Dave Domingue, comme pour des générations de Louisianais, le français a longtemps été une langue honteuse. Interdite dans les écoles publiques dans les années 30 et 40, elle a été reléguée aux souvenirs familiaux. « Quand je suis né, mes parents m’ont parlé uniquement en anglais. C’était la norme. » Pourtant, à Lafayette, cette langue a résisté. « Dans les magasins du centre-ville, tout le monde parlait français, jusque dans les années 1960. »
Aujourd’hui, même si l’intensité d’autrefois s’est éteinte, la langue reste vivante dans certains milieux. Et Dave Domingue, lui, en a fait un outil de travail quotidien.
Un centre municipal à vocation mondiale
Créé en 1990 dans une ancienne mairie rénovée, le Centre international de Lafayette prend son véritable envol sous l’impulsion d’un ancien directeur du CODOFIL (Conseil pour le développement du français en Louisiane). C’est d’ailleurs par cette filiation directe que le lien avec la francophonie s’est enraciné. « Notre bureau est né d’une volonté locale de s’ouvrir sur le monde, à partir de notre héritage francophone », explique Dave Domingue.
Pour en savoir plus sur le CODOFIL
L’équipe, petite mais active, travaille à deux axes : l’exportation des savoir-faire et des produits louisianais (équipements pétroliers, produits agricoles, logiciels) et la promotion touristique de Lafayette à l’international. Avec un budget modeste et cinq employés, le centre a généré des retombées économiques majeures pour la région.

La francophonie comme tremplin
« Quotidiennement, je me sers du français au travail. On échange avec des partenaires francophones sur tous les continents », résume Dave Domingue. C’est avec la francophonie qu’ont été nouées les premières connexions : Québec, France, Belgique, Afrique. Puis sont venus la langue arabe puis l’espagnol, d’autres mondes, d’autres marchés. Mais le français demeure le socle. « Parler la langue de ses interlocuteurs, c’est plus qu’un avantage : c’est une marque de respect et d’efficacité. »
L’engagement ne s’arrête pas là. Lafayette a été la première ville américaine à rejoindre l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et fait aujourd’hui partie de l’Association internationale des maires francophones (AIMF). Quant au CODOFIL, partenaire historique du Centre, il est l’un des membres fondateurs du Réseau international des maisons des francophonies (RIMF), qui œuvre depuis Ottawa à structurer une francophonie citoyenne.
Une exception louisianaise
Avec ses quelque 250 000 habitants, Lafayette ne peut rivaliser avec la Nouvelle-Orléans. Mais elle se distingue. « Nous sommes la seule municipalité de Louisiane à avoir un Centre international comme le nôtre », rappelle Dave Domingue. À Bâton-Rouge, l’équivalent a disparu. À la Nouvelle-Orléans, les initiatives internationales reposent essentiellement sur des entités privées ou semi-publiques.
Cette autonomie donne à Lafayette une capacité d’action directe. « On est peut-être petits, mais on est enracinés, constants. » C’est ce travail patient, nourri d’histoire et de liens tissés sur le long terme, qui permet à Lafayette d’exister sur la carte de la francophonie mondiale.

Une francophonie de résultats
Aux côtés des grandes institutions, certaines initiatives locales montrent, avec une discrète ténacité, toute la vitalité de la francophonie. L’exemple de Lafayette rappelle qu’il existe une francophonie de terrain, incarnée, structurante. Ici, le français n’est pas une nostalgie, mais une stratégie. Dave Domingue ne l’a pas appris à l’école, mais il l’a reconquis pour en faire un levier. Grâce à lui, Lafayette n’est pas simplement un point sur une carte ; c’est un nœud dans un réseau international.
Et si d'autres territoires s’en inspirent, ce ne sera pas pour répondre à une injonction symbolique, mais parce qu’ils y verront, comme lui, une manière concrète d’exister, de créer du lien et de peser dans le monde.
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