Plus de 400 personnes étaient inscrites au colloque sur l’enseignement français à l’étranger, lundi 7 juin. La députée des Français de l’étranger, Samantha Cazebonne, revient sur les principaux points abordés quant à l’avenir du réseau.
Le 7 juin dernier se tenait un colloque sur l’enseignement français à l’étranger. Organisé par Samantha Cazebonne, députée de la 5e circonscription des Français de l’étranger, il a ramené près de 400 inscrits et 2500 vues tous réseaux confondus. Pendant près de quatre heures, différents acteurs et invités se sont succédés pour aborder les quatre thèmes suivants : le développement du réseau, l’évaluation et l’auto-évaluation, la gouvernance, et la médiation.
Ce colloque a également été l’occasion pour la députée d’annoncer le lancement de la plateforme Réflexe S, en septembre prochain, afin de rendre plus accessible l’information sur le réseau. Dans cette interview, Samantha Cazebonne, également membre du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), revient sur les principaux points abordés et les aspects à développer dans le futur.
Au début du colloque, vous avez annoncé le lancement de Réflexe S, une plateforme numérique regroupant toutes les informations relatives à l’enseignement français à l’étranger, qui sera disponible en septembre. Quel est l’objectif de cet outil ?
L’objectif de Réflexe S est d’avoir un outil numérique qui puisse répondre aux questions. Il y aura des informations pour les personnes en France, qui envisagent d’intégrer le réseau et qui ne le connaissent pas. Comment faire une mutation, télécharger un dossier d’inscription, vers qui se tourner… C’est l’aspect informatif sur l’enseignement, non seulement homologué, mais aussi local. Nous renvoyons vers les sites des uns et des autres. Notre interface se veut collaborative.
Ensuite, notre outil a une fonction d’échange et de partage. En tant que parlementaire, je me suis aperçue durant ces quatre années qu’il y avait énormément de questions, et souvent les mêmes. Nous parlons d’homologation, d’établissements conventionnés, EGD, partenaires… Il est facile de s’y perdre. En un clic, tous les acteurs du réseau sont accessibles. Il est aussi possible de contacter d’autres parents sur le site, pour qu’ils expliquent avec leurs mots. C’est une communauté qui a vocation à créer du lien. Le réseau existe déjà, mais en silo, et nous voulons que la communication se fasse en étoile.
Par contre, il ne s’agira pas d’une plateforme qui se substituera à des réseaux de parents. Notre ligne est claire : nous voulons construire ensemble l’avenir de ce réseau. Il est possible de faire remonter des dysfonctionnements, mais nous ne voulons pas de délation.
Il faut des formations de même qualité que celles certifiées en France
La première partie était consacrée au développement du réseau. Comment la poursuite de ce développement est-elle envisagée ?
Avant même d’offrir de nouvelles perspectives, il faut les ressources humaines. Il est impossible d’ouvrir un établissement si l’on n’a pas les professeurs nécessaires. Il faut des formations de même qualité que celles certifiées en France. Nous sommes en train de mettre en place, par le biais de l’AEFE, un réseau de formation qui a vocation, dans 16 endroits du monde, à permettre à ces professeurs locaux de se former. Il faut qu’en parallèle, nous créions ces instituts de formation.
Egalement, au niveau du ministère de l’Education nationale, nous mettons en place une formation spécifique pour les professeurs en France, qui veulent se former au modèle de l’enseignement à l’étranger. Ils reçoivent une qualification complémentaire. L’AEFE se réforme pour avoir un service développement qui soit de plus en plus développé. Il faut donc des moyens, notamment pour aider à la création d’écoles, qui peut prendre plusieurs formes : investisseurs privés, groupe de parents… Il faut que l’AEFE puisse répondre à cette demande.
En matière de démonstration de nos compétences, nous devons garder cette longueur d’avance que nous avons
Quels sont les défis lancés à l’enseignement français, notamment vis-à-vis de la concurrence du modèle anglo-saxon ?
Nous avons devant nous une éducation anglo-saxonne qui se développe de manière exponentielle. Il faut, non pas que nous fassions la course derrière, mais devant. Evidemment, nous ne serons jamais dans les mêmes volumes. Mais en matière de démonstration de nos compétences, nous devons garder cette longueur d’avance que nous avons. La démarche qualité est essentielle.
Aujourd’hui, les établissements qui veulent entrer dans de l’auto-évaluation le font selon la dynamique personnelle du chef d’établissement ou du comité de gestion
Comment l’évaluation et l’auto-évaluation se déroulent-elles ?
Aujourd’hui, les établissements qui veulent entrer dans de l’auto-évaluation le font selon la dynamique personnelle du chef d’établissement ou du comité de gestion. Certains parents veulent établir un diagnostic au moment d’écrire le projet d’établissement. Mais c’est une démarche volontaire qui est très peu mise en place de cette manière. En France, nous sommes rentrés dans cette démarche et il nous semblait important d’adapter cette évaluation à l’étranger. Nous voulons généraliser l’auto-évaluation, et recenser ce qui va bien ou non selon tous les acteurs, pour en tirer un consensus. Enfin, nous fixons des objectifs qui amènent à aller collectivement dans un meilleur sens.
La question de l’homologation est revenue à plusieurs reprises, avec le nombre croissant d’établissements gérés par des privés. Est-il envisagé de conditionner l’homologation à l’évaluation et créer une plateforme d’aide à la création d’établissements, comme cela a été proposé ?
Tout d’abord, en ce qui concerne la plateforme, elle existe déjà d’une certaine manière, pas dans les faits, mais à travers une site de l’AEFE. Dès lors que vous souhaitez créer une école, vous pouvez contacter ce service. Vous serez mis en relation avec une équipe qui est là pour établir un diagnostic.
En ce qui concerne les critères d’homologation, l’inspection générale et le ministère de l’Education nationale sont ceux qui accordent l’homologation à un établissement. Nous allons reprendre les homologations, qui ont été perturbées par la crise sanitaire. Ils vont reprendre leurs déplacements, vérifier que les établissements sont conformes aux attentes et exigences d’une école française. Caroline Pascal, la cheffe de l’Inspection générale, structure son équipe pour qu’ils soient plus nombreux et plus mobiles, pour s’assurer que les critères d’homologation soient bien respectés.
Comment la gouvernance s’organise-t-elle et est-elle envisagée à l’avenir, sachant que des formes différentes d’établissements se côtoient au sein du réseau ?
Le sujet est double. Il y a la gouvernance au sein du réseau, et la gouvernance au sein d’un établissement. La gouvernance du réseau se fait par la Direction générale de la mondialisation (DGM) au ministère des Affaires étrangères. C’est elle qui a sous son autorité l’enseignement français à l’étranger. Viennent se greffer à cette DGM les services du ministère de l’Education nationale. Ces deux services s’imbriquent, l’un pour les personnels d’homologation, l’autre pour la gestion quotidienne de l’enseignement français à l’étranger. Nous voulons rapprocher sur différents sujets encore plus ces deux ministères. La gouvernance partagée est fondamentale pour le développement de ce réseau.
L’information doit être adaptée à tous ceux qui voudront en avoir connaissance : elle doit être lisible
La nécessité de clarifier et simplifier le fonctionnement des instances est ressortie plusieurs fois. Qu’est-ce qui est envisagé à cet égard ?
Au sein des établissements, nous souhaitons que les parties prenantes, notamment les parents et personnels, aient aussi la possibilité d’être encore plus associées aux décisions, et surtout à l’information. Ce dont se plaignent souvent les personnels et les parents d’élèves est que la communication à leur égard ne leur arrive pas toujours, bien qu’elle existe. Il faut accompagner ces personnes dans la connaissance du système. L’information doit être adaptée à tous ceux qui voudront en avoir connaissance : elle doit être lisible. Il faut être dans une meilleure association, et rendre grand public des informations qui relèvent de l’expertise. L’idée est d’être plus inclusif dans les informations que nous donnons, c’est-à-dire faire en sorte que tout le monde les comprenne. N’importe quel parent a besoin d’être accompagné.
C’est la bonne volonté des parties prenantes d’inclure des dispositifs de médiation à l’échelle du réseau qui doit impulser cette évolution
La médiatrice de l’Education nationale, Mme Catherine Becchetti-Bizot, était présente lors du colloque. Quel est son rôle et comment la médiation est-elle mise en place au sein de l’enseignement français à l’étranger ?
Catherine Becchetti-Bizot est parfois saisie par l’AEFE et les autres opérateurs, car l’AEFE et le réseau n’a pas de médiateur. Mais elle n’est pas non plus disponible pour un aussi grand réseau que celui de l’enseignement français à l’étranger, car elle est déjà très saisie. Je voulais ouvrir le débat sur ce sujet-là, car il est important de parler de médiation à l’étranger.
Je ne suis pas là pour être celle qui donne les ordres et demande à ce que l’on s’empare du sujet. C’est la bonne volonté des parties prenantes d’inclure des dispositifs de médiation à l’échelle du réseau qui doit impulser cette évolution. J’ai fait venir des témoins, qui ont partagé leurs expériences, mais il revient aux opérateurs de se structurer pour proposer ce service. Je les ai invités à réfléchir, mais aussi à entendre les attentes.
Nous ne sommes pas tous du même avis, et c’est normal, mais nous avons un espace pour le donner, de manière constructive
Quel bilan tirez-vous de ce colloque ?
Ce colloque est une réussite. J’aimerais souligner que les interventions étaient de haute qualité. Egalement de la part des représentants syndicaux, qui ont bien sûr fait remonter certaines choses, mais il y a aussi eu une volonté de s’associer à un processus où nous avançons ensemble. Ce colloque avait vocation à inclure tout le monde. Nous ne sommes pas tous du même avis, et c’est normal, mais nous avons un espace pour le donner, de manière constructive. C’est un bon signal.