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Vaccins Covid-19 testés en Afrique : El Guerrab saisit la justice

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Écrit par Déborah Collet
Publié le 7 avril 2020, mis à jour le 18 février 2021

Un chercheur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et un chef de service de l’hôpital Cochin, à Paris, se sont exprimés sur la chaîne LCI sur l’opportunité de tester un vaccin en Afrique contre le coronavirus. Les propos à caractère raciste ont créé une énorme polémique dans le monde politique et sur les réseaux sociaux. M’jid El Guerrab, député de la 9e circonscription a saisi le procureur de la République de Paris. La population africaine va-t-elle, être le cobaye des prochains essais du vaccin contre le coronavirus ?

 

L’Afrique comme centre de tests contre le coronavirus  

Le vendredi 3 avril sur la chaîne d’informations LCI, Jean-Paul Mira, chef de service à l’hôpital Cochin à Paris interroge Camille Locht, le directeur de la recherche de INSERM concernant les tests de vaccins pour lutter contre le coronavirus. Il parle d’une opportunité de les utiliser sur la population africaine comme des cobayes pour lutter contre la propagation du coronavirus. 

 

"Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique où il n’y a pas de traitement, pas de masques, pas de réanimation. Un peu comme c’était fait d’ailleurs pour certaines études sur le sida où on essaie des choses sur les prostituées, car on sait qu’elles ne se protègent pas (…)", demande Jean-Paul Mira à son confrère Camille Locht. "Vous avez raison. On est d’ailleurs en train de réfléchir à une étude en parallèle en Afrique." a répondu Camille Locht.

 

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M’jid El Guerrab, député des Français du Maghreb et de l'Afrique de l’Ouest 

Une invitation à un traitement différencié 

M’jid El Guerrab, député des Français du Maghreb et de l'Afrique de l’Ouest a saisi le procureur de la République de Paris pour emmener cette affaire devant la justice française. Dans un communiqué de presse officiel, M’jid El Guerrab explique qu’il "ne pouvait demeurer sans réagir face à cette entorse au pacte républicain". Les deux spécialistes ont selon lui formulé "une invitation, voire une exhortation, à un traitement différencié en fonction de l’origine."

M’jid El Guerrab a déclaré que les propos tenus étaient "à la fois injurieux et discriminatoires, et caractérisent donc deux délits à caractère racial". "La liberté d’expression nous l’avons tous, mais nous n’en abusons pas et si c’est le cas nous devons répondre de ses conséquences." nous a expliqué Michaël Bendavid, avocat et conseiller du député M’jid El Guerrab. On parle alors d’injure publique, qui est est sanctionnée, en France, par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. "Si le procureur de la République et les tribunaux français décident de sanctionner les deux spécialistes, la peine n’est pas neutre, puisqu’on est sur des abus de la liberté d’expression." rajoute l’avocat.

La deuxième qualification pénale est "la provocation à la discrimination à l’égard du même groupe de personnes" a déclaré l’élu M’jid El Guerrab. Son avocat ajoute : "Tester ces vaccins contre le coronavirus sur le continent africain pour ensuite quand nous aurons une solution plus fiable, l’utiliser en Europe et notamment en France c’est doublement méprisant." D’ailleurs, le continent africain est relativement épargné par l’épidémie du coronavirus contrairement à l’Europe ou à l’Amérique.

 

Les sanctions à l’égard des injures raciales 

En France, l’abus de la liberté d’expression est sévèrement puni. L’injure est définie comme "toute expression outrageante, terme de mépris ou invective" (adressée à une personne ou à un groupe à raison de leur origine ou de leur appartenance ethnique). Elle est punissable jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 22 500 € d’amende. La décision revient aujourd’hui au Procureur de la République française. 

L’association française SOS racisme a également saisi le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Une fois de plus, la chaîne du groupe TF1 se retrouve dans le viseur du CSA.

 

L’INSERM réagit face à ces accusations

L’INSERM a présenté des excuses officielles adressées aux Français. L’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale parle "d’une vidéo tronquée, tirée d’une interview sur LCI d’un de nos chercheurs à propos des études sur l’utilisation potentielle du vaccin BCG pour combattre le Covid-19, fait actuellement l’objet d’interprétations erronées". L'INSERM a fait savoir que Camille Locht, directeur de l’Institut "comprend l’émotion suscitée depuis hier liée à son manque de réaction aux propos tenus par son interlocuteur sur LCI lors d’une émission diffusée en direct.(…) Il s’en excuse et tient à préciser qu’il n’a tenu aucun propos raciste."

Selon l’INSERM, des essais cliniques ont déjà été testés dans certains pays européens dont la France, les Pays Bas, l’Allemagne, l’Espagne. L’Afrique doit, à son tour "ne doit pas être oubliée ni exclue des recherches car la pandémie est globale. Si les essais internationaux étaient concluants, le vaccin BCG pourrait être une grande aide pour protéger les soignants."

 

Une réaction unanime

De très nombreuses personnalités ont fait entendre leur indignation sur les réseaux à la suite de ces propos. L’Ordre des médecins de France a réagi dans un tweet : "Aucune situation de crise ne peut justifier les propos tenus par le Pr. Mira. Le conseil national de l’Ordre des médecins rappelle que tout médecin qui choisit de s’exprimer dans les médias doit respecter les règles déontologiques de sa profession."

 

Fabrice Wuimo, journaliste à Magazine Profils de l’Autre Afrique réprimande sévèrement ces propos : "Donc en 2020 deux médecins peuvent proposer sur la 2e chaîne d'infos de France de faire de l'Afrique un labo à ciel ouvert pour le test d'un vaccin... LCI ce mélange  décomplexé de racisme, de sexisme... de déshumanisation, est à gerber."

 

La polémique prend un tournant politique comme le souligne la réaction d'Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste qui estime que "le terme de provocation n’est pas de mise, privilégiant celui de racisme."

 

"En 2020 en France, on disserte tranquillement sur LCI d’utiliser des Africains comme des rats de labo, sont associés au sida et à la prostitution ! À vomir" a écrit le sénateur français, Rachid Temal dans un tweet. 

 

La chaîne publique LCI n’a pour le moment toujours pas réagi face aux propos tenus à l’antenne. Dans le cadre juridique, la chaîne ne devrait pas être sanctionnée. Michaël Bendavid souligne cependant : "En revanche, nous pouvons imaginer tout de même que les journalistes de LCI réagissent et s’indignent face à de tels propos."

 

deborah collet
Publié le 7 avril 2020, mis à jour le 18 février 2021
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