A l’occasion de la rentrée parlementaire, lepetitjournal.com a échangé à Paris avec le député Frédéric Petit, représentant des Français établis en Allemagne, en Europe centrale et dans les Balkans. Il revient sur son engagement en faveur d’une meilleure protection aérienne de l’Ukraine “Ce n’est pas seulement une question de solidarité avec l’Ukraine : c’est aussi une question de sécurité pour nous, Européens.” Il plaide également pour une réforme de l’AEFE et nous parle de diplomatie culturelle française.


Vous avez lancé fin août 2025 une pétition #SkyShield qui atteint près de 52.000 signatures demandant au gouvernement d'engager des moyens aériens et logistiques afin de protéger le ciel ukrainien et sauver des vies civiles. Pourquoi cette démarche ?
Je ne signe pas de pétition habituellement, ce n’est pas le rôle d’un parlementaire. Mais cette fois-ci, j’ai décidé de franchir le pas. J’ai non seulement signée, mais aussi initiée cette pétition. C’était une décision exceptionnelle, parce que la situation l’exigeait. Je ne voulais pas que ce soit seulement un geste politique : avec moi, il y a un ancien militaire, expert en aéronautique et un communicant. Il était important de montrer qu’il y a une convergence entre des mondes très différents, que cette initiative dépasse les clivages partisans ou autres. La pétition recueille aujourd’hui près de 52 000 signatures. Ce n’est pas anodin : les citoyens, en France comme ailleurs, comprennent qu’il est urgent de protéger les civils ukrainiens. Ils voient bien que ce combat nous concerne aussi, car il touche à nos valeurs fondamentales. En protégeant l’Ukraine aujourd’hui, nous garantissons notre sécurité future en Europe.
Chaque nuit l’Ukraine subit des frappes massives : plus de 40.000 missiles et drones ont déjà visé le pays, tuant près de 14.000 civils selon l’ONU. Un collectif d’élus, militaires et experts lance l’initiative Skyshield, appelant Paris et Londres à protéger le ciel ukrainien pour sauver les populations et résister à la stratégie de terreur du Kremlin. En savoir plus ici
Pourquoi maintenant ? Qu’est-ce qui a déclenché cette décision ?
Après la rencontre en Alaska, à Anchorage, entre Vladimir Poutine et Donald Trump, nous avons bien compris que les négociations n’étaient qu’un leurre. Plus elles avançaient, plus les bombardements russes s’intensifiaient sur l’Ukraine. Il se reproduit ce que j’appelle la « stratégie Grozny » : une guerre hybride qui ne se limite pas aux armées, mais vise à raser les villes, certains parlent d’« urbicide », à détruire une société civile. C’est toujours la même logique : une guerre impérialiste qui cherche à écraser les populations pour imposer un ordre, celui du Kremlin.
Avec cette pétition, nous voulons dire STOP à Poutine
Certains estiment que protéger le ciel ukrainien ferait de la France un co-belligérant. Que leur répondez-vous ?
C’est absurde. Empêcher qu’un nourrisson soit tué dans son sommeil, ce n’est pas de la co-belligérance. Il faut arrêter de dire n’importe quoi. Aujourd’hui, la Russie développe avec la Chine et l’Iran des drones capables de frapper depuis des altitudes plus élevées. Ce n’est pas une innovation militaire pour améliorer l’efficacité au front : cette technologie est conçue pour frapper plus massivement les civils. Tout est orienté contre les sociétés. Protéger les populations ce n’est pas entrer en guerre, c’est répondre à une obligation morale et politique. Avec cette pétition, nous voulons dire STOP à Poutine, envoyer un message de détermination au Kremlin qui place chaque jour les Européens devant le fait accompli.
Vous vous êtes rendu en Ukraine la semaine du 10 septembre 2025. Quel était l’objectif de ce déplacement ?
Je suis député des Français établis en Allemagne, en Europe centrale et dans les Balkans. Mais mon rôle ne s’arrête pas à ma circonscription. Je considère que je dois aussi travailler pour ce qui est utile à la nation. Aujourd’hui, il est nécessaire de comprendre les logiques de guerre hybride, de renforcer notre diplomatie d’influence, et surtout de protéger les vies civiles. Ce n’est pas seulement une question de solidarité avec l’Ukraine : c’est aussi une question de sécurité pour nous, Européens.
Je me suis en effet rendu à Kyiv au YES Forum (Yalta European Strategy), un rendez-vous incontournable depuis 2004 pour penser l'avenir européen de l’Ukraine. Le forum réunit chaque année décideurs politiques, dirigeants économiques et intellectuels pour débattre des grands enjeux régionaux et mondiaux. L’édition 2025 a abordé des thèmes cruciaux : l’évolution de la guerre, la survie et le potentiel économique du pays, la sécurité énergétique, mais aussi l’avenir de l’Europe et les perspectives d’une paix durable. Des sujets qui résonnent avec les éditions précédentes, consacrées à la reconstruction, aux réformes et à l’intégration euro-atlantique. C’est un forum qui rappelle que l’avenir de l’Europe démocratique se joue aussi en Ukraine.
La souveraineté énergétique étant un de mes sujets d’expertise, j’ai été ravi de participer notamment au panel “Ukraine at the Heart of Europe’s Energy Security”. Entre maîtrise des approvisionnements, résilience des infrastructures, rôle des secteurs privés et publics, équilibre entre transition énergétique et souveraineté stratégique… l’Ukraine est véritablement au cœur de la sécurité énergétique de l’Europe.
Vous êtes membre de la commission des affaires étrangères mais aussi rapporteur du programme 185 sur la diplomatie culturelle et d’influence. Quels sont les enjeux budgétaires de cette année ?
La grande nouveauté, c’est que pour la première fois le travail budgétaire du Parlement a commencé en mars, et non pas en septembre. Ça peut paraître technique, mais c’est une petite révolution. Cela veut dire que nous pouvons réfléchir et faire des propositions en amont, avant que les chiffres ne soient figés. Au lieu de réagir dans l’urgence, nous pouvons travailler sur le fond et proposer de vraies améliorations.
Vous pointez régulièrement des dysfonctionnements à l’AEFE, l’Agence pour l’Enseignement Français à l’étranger. De quoi s’agit-il ?
J’entends souvent que l’AEFE manque de moyens. C’est faux. Le budget est passé de 353 millions d’euros en 2017 à 449 millions d’euros aujourd’hui. Nous avons mis plus d’argent, mais cela ne fonctionne pas mieux.
Quelles solutions proposez-vous ?
Je propose deux réformes simples mais importantes pour améliorer l’efficacité de notre système d’enseignement français à l’étranger. D’abord, que le ou la Directrice de l’AEFE soit nommé.e par le Parlement, ce qui renforcerait sa légitimité et permettrait une vraie redevabilité démocratique. Ensuite, je suggère de séparer clairement les deux métiers de l’AEFE. D’un côté, l’Agence gère directement une soixantaine d’établissements publics à l’étranger. De l’autre, elle est censée développer le réseau à travers des partenariats. Ce sont deux logiques totalement différentes. Or, on ne peut pas être pâtissier et coiffeur en même temps.
Cela fait près de 8 ans que je rapporte sur le budget de la diplomatie culturelle française, au sein de la commission des affaires étrangères, et je crois pouvoir dire que des marges de progrès sont possibles et surtout vitales à la préservation de notre modèle d’enseignement à l’étranger.
Vous avez aussi des propositions plus larges pour l’ensemble des opérateurs à l’international. Expliquez-nous.
Aujourd’hui, chaque opérateur – Institut français, Campus France, Business France, etc. – a son propre calendrier pour ses contrats d’objectifs et de moyens. Résultat : c’est illisible et impossible à évaluer. Je propose de synchroniser toutes les feuilles de route sur une même échéance, par exemple 2027. Nous pourrions alors faire une évaluation complète, voir ce qui fonctionne, corriger ce qui ne marche pas, et relancer une programmation cohérente pour la suite. J’insiste aussi sur le fait de renforcer les contrats d’objectifs et de moyens de tous les opérateurs engagés dans l’action extérieure de l’État. Ils constitueraient ainsi un outil de programmation pluriannuel, discuté et validé par le parlement qui permettrait aux acteurs de terrain d’avoir une meilleure visibilité sur leurs actions dans le temps.
La diplomatie culturelle et d’influence doit être un pilier stratégique de l’action de la France
Avez-vous un message pour nos lecteurs, Français de l’étranger ?
Je tiens d’abord à leur dire que dans le contexte de contrainte budgétaire forte du moment, ma préoccupation essentielle à l’heure actuelle est de protéger ce qui est essentiel. Pour cela, nous devons dépenser mieux et être plus cohérents dans la mise en œuvre de nos politiques publiques. La diplomatie culturelle et d’influence doit être un pilier stratégique de l’action de la France, parce que nous vivons dans un monde où les guerres hybrides deviennent la norme et nous menacent directement. Je souhaite par ailleurs rappeler que je suis présent pour tous les citoyens, où qu’ils soient. N’hésitez pas à m’écrire, je réponds à mes mails, je réponds à toutes les questions que l’on me pose.
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