Édition internationale

Bataille du pétrole au Guyana, source d’un conflit programmé par le Venezuela ?

La tension monte d’un cran entre le Venezuela et le Guyana. Revendiqué par Nicolas Maduro, le territoire de l’Essequibo attire de plus en plus en raison de sa richesse pétrolière. Début décembre, l’organisation d’un référendum populaire par Caracas a illustré la convoitise du Venezuela qui souhaite redessiner les frontières. Une crise grave et naissante qui inquiète au-delà de l’Amérique Latine.

Le Venezuela revendique l'Essequibo, territoire du Guyana, pour son pétrole.Le Venezuela revendique l'Essequibo, territoire du Guyana, pour son pétrole.
Écrit par Teddy Perez
Publié le 11 décembre 2023, mis à jour le 13 décembre 2023

L’Essequibo, territoire historiquement convoité

Le Venezuela et la Guyana se disputent la zone depuis plusieurs décennies. Mais en 2015, leur rivalité s’accélère avec la découverte de gisements de pétrole bruts au large des côtes par le géant américain du raffinage ExxonMobil. D’une superficie de 160.000 km2, soit deux tiers du Guyana, et peuplé de 125.000 habitants, l’Essequibo recèle de nombreuses richesses minières comme l’or ou la bauxite. Mais c’est surtout pour son “or noir” que la région attire tant de convoitises de la part de Caracas et plaçant le Guyana parmi les pays producteurs les plus importants au monde.

Ainsi, le Guyana connaît la croissance la plus rapide au monde. D'ici à la fin de l'année 2023, sa croissance annuelle devrait atteindre 38 %, selon les récentes prévisions du Fonds monétaire international (FMI). Une situation économique qui contraste avec celle sociale que connaît ce petit pays. En plus d’être aux portes d’un conflit armé avec le Vénézuela, Guyana a traversé une crise politique en raison de fortes tensions ethniques entre la majorité indienne et la minorité noire. Si son PIB est élevé, il est surtout très mal réparti par habitant alors que l’Etat reste lourdement endetté.

Le Venezuela soutient que le fleuve Essequibo doit être la frontière naturelle, comme en 1777 à l’époque de l’empire espagnol. De son côté, le Guyana estime que la frontière date de l’époque coloniale britannique et a été entérinée en 1899.

 

Un référendum contesté du président du Venezuela

Dans ce contexte, le président Nicolas Maduro a organisé un référendum consultatif questionnant sa population sur l’intégration de l’Essequibo au Venezuela malgré la grande retenue de la Cour internationale de justice. La CIJ, plus haute juridiction de l’ONU et qui siège à La Haye, n’est pas reconnue par le Venezuela.

Le dimanche 3 décembre, environ 10,4 millions d'électeurs vénézuéliens ont participé aux votations et 95% se sont dits favorables à l'intégration de l'Essequibo au pays selon le Conseil national électoral (CNE), qui n'a toutefois pas fourni de chiffre de participation. Ce large plébiscite a réaffirmé la popularité de Nicolas Maduro à quelques mois des élections présidentielles du Venezuela, prévues au second semestre 2024.

Cependant, ce scrutin a été contesté, notamment par l’Agence France Presse présente au pays d’Amérique du Sud qui a constaté une faible participation dans les bureaux de vote. La raison ? Les Vénézuéliens se sont déplacés aux urnes pour répondre à cinq questions - et non pas une seule - lors de ce référendum populaire. Le nombre de 10,4 millions devrait ainsi être divisé par 5, ce qui descendrait le taux de participation à seulement 10% des 20,5 millions d’électeurs potentiels dans le pays.

 

Le Venezuela a présenté une nouvelle carte du pays après la référendum du 3 décembre
Le Venezuela a présenté une nouvelle carte du pays avec l'Essequibo après le référendum du 3 décembre 2023.

 

La communauté internationale s’inquiète du sort du Guyana

Depuis la COP 28, les chefs politiques des différents pays voisins réunis à Dubaï ont fait part de leurs inquiétudes et appellent au calme. “S’il y a une chose dont le monde n’a pas besoin, dont l’Amérique du Sud n’a pas besoin, c’est de troubles” a commenté Lula, le président du Brésil qui partage une frontière avec les deux territoires.

Pour apaiser la situation et éviter de basculer vers un conflit d’ampleur, une rencontre va avoir lieu entre les présidents du Guyana Irfaan Ali et du Venezuela Nicolas Maduro. Cet événement se déroulera le 14 décembre à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, avec l’appui de la Communauté d'États latino-américains et caraïbes (CELAC). Lula y sera d’ailleurs présent “à la demande” des deux parties.

Doté d’une puissance militaire bien supérieure à celle de Guyana, Nicolas Maduro a les armes pour intensifier la pression sur son voisin. Dans l’autre camp, Guyana s’est assuré le “ferme soutien” de l’ONU avec la réaction de Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général Antonio Guterres. Puis, le 7 décembre, les Etats-Unis ont joué leur fidèle carte “interventionniste” en envoyant des avions militaires au Guyana pour des “exercices aériens” dans la région. Une annonce de l’ambassade américaine dans le pays qui est venue quelques heures après la disparition d’un avion militaire guyanien dans la zone de frontière avec le Venezuela.

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