C’est à quelques pas de l'Hôtel de ville (Paris), décoré par les anneaux des JO 2024, que nous rencontrons David Blough. Âgé d’une quarantaine d’années, ce Franco-américain défend fermement l’idée que le sport peut être, voire devrait être, mêlé à l’éducation et l’humanitaire. Décryptage.
Après son premier livre Sportwashing, David Blough, anciennement directeur de Play International - une ONG persuadée que le sport est à la fois un droit fondamental et une façon de résoudre les problématiques de nos sociétés - décide de témoigner des avantages, concrets et complexes, du sport dans son livre Le sport des solutions.
Comment le sport est entré dans votre vie ?
J’ai presque toujours fait du sport. Mes parents m’y ont mis assez jeune. Ils ont toujours considéré cela comme important. Bien que je sois né à Paris, mes deux parents sont américains. Je pense que cela a également joué dans mon parcours. Mon livre Le sport des solutions est une suite logique.
Le sport peut apporter des réponses aux problématiques sociales
Pouvez-vous nous parler de votre expérience et du lien existant entre humanitaire et sport ?
J’ai commencé mes études par une licence de géographie, avant de me spécialiser en géopolitique et en relations internationales, puis économie sociale et solidaire.
Pour moi, le sport était bien distinct de l’humanitaire. Je pense d’ailleurs que c’est la vision de beaucoup de personnes : “le sport c’est du loisir, de la compétition…etc”.
Je suis arrivé chez Play International un peu par hasard, presque par curiosité en me demandant si le sport avait sa place dans l’univers du développement. C’est en allant sur le terrain, en Haïti en l'occurrence, que je me suis rendu compte que cela pouvait être utile et apporter certaines réponses à des problématiques d’éducation, de santé…etc
Mon livre est le fruit d’un parcours qui commence assez jeune, dans un contexte international. Quelque part, l’idée est de proposer modestement ma conception du sport à d’autres personnes, et ce, de part le voyage, l’immersion, le terrain, pour essayer de témoigner de ces initiatives grandissantes.
Il y a cette tendance à essentialiser le sport, alors qu’il cache des réalités très différentes
Pensez-vous que l’accueil de ces initiatives varient d’un pays à l’autre ?
Il y a des initiatives en France. J’aurai pu faire une étape sur le territoire, mais je souhaitais faire le tour du monde de toutes ces innovations sociales. Que ce soit sur notre territoire ou à l’étranger, il y a quand même cette tendance à essentialiser le sport, alors qu’il cache des réalités très différentes. Il y a dans ce livre la volonté de dire que le sport peut être utile sous certaines conditions, dans certains contextes et mécanismes. Ce n'est pas simplement en mettant un ballon de football sur le terrain que les enfants vont tout d’un coup apprendre les valeurs de respect etc… Je souhaite montrer qu’il faut penser le sport, avoir une intention forte et une expertise pour parvenir à ce genre de fin. Je suis également en train d’en faire un film documentaire.
Aujourd’hui, mon idée est d’aider d’autres organisations à progresser dans leurs capacités sociales d’innovations au sein du sport. Je travaille par exemple avec Paris 2024, sur leurs fonds de dotation. Il y a un rapport qui sera réalisé. Je me penche également sur tout le dispositif d’accompagnement des lauréats, dont la formation, le mentorat. J’ai aussi publié à l’occasion de la journée internationale du sport un rapport pour le compte de l’Agence Française de Développement. C’est le premier jamais réalisé.
Pourquoi le sport des solutions ?
Il n’y a pas de sport, il y a des sports. Et celui qui m’intéresse, c’est sûrement celui dont on parle le moins. C’est celui qui est le plus utile pour moi à la société, celui qui est utile aux humains, celui qui respecte la planète, c’est le sport qui est conçu comme une solution à notre avenir commun. Voyager en terre des possibles, c’est justement aller à cette rencontre de tout ce qui peut être réalisé grâce à ces démarches.
Ce livre apporte un éclairage sur une autre façon d’utiliser le sport. Ce n’est pas celui de la compétition, des règles figées, des institutions. On est sur un sport qui est plus ludique, plus coopératif, qui est utilisé comme un outil, et non pas comme une finalité à part entière.
Il faut davantage utiliser le sport comme un levier social
Auriez-vous une anecdote concrétisant l’idée que le sport peut-être un réel levier social ?
J’ai rejoint Play International, qui à l’époque s’appelait Sports Sans Frontières, sur le poste de développement communication. C'était début 2011. Ma première initiative fut de faire un reportage médiatique sur la situation en Haïti. J’emmène donc une équipe de tournage, très content de me dire qu’il y aura un article. Et finalement je découvre Haïti après le séisme, soit une situation extrêmement précaire. Je me demande ce que vont dire les médias d’un projet sportif dans un tel contexte.
Nous allons dans un camp de déplacés où travaille l’ONG, et on découvre les activités mises en œuvre. On découvre des enfants avec un grand sourire, apprenant des choses importantes, sur des thématiques comme le choléra, les inégalités entre garçons et filles ou les violences faites aux femmes. Tout cela dans un contexte assez cauchemardesque. Je me suis dit qu’effectivement, on passait à côté de quelque chose. Il faut davantage utiliser le sport comme levier social. Depuis que je suis engagé dans cette voie-là, je ne me vois pas faire autre chose.
Que pouvons-nous faire pour soutenir ces initiatives ?
Les expatriés peuvent se renseigner quant aux initiatives lancées dans leur pays, s’en inspirer ou les soutenir. Il est également possible de faire des dons à différentes associations spécialisées.