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SYLVAIN FOUCAT :"Le salaire ne doit pas être le seul moteur"

Sylvain Foucat, BBC global, skema alumniSylvain Foucat, BBC global, skema alumni
Écrit par SKEMA Alumni
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 18 juin 2019

Après quelques années à Singapour, Sylvain Foucat, diplômé de SKEMA Business school en 2011, est aujourd’hui Business Intelligence Director pour BBC Global News Limited. Il nous explique son rôle et les enjeux publicitaires de cette prestigieuse institution.

 

Skema Alumni
EN PARTENARIAT AVEC SKEMA ALUMNI

lepetitjournal.com : Pouvez-vous nous présenter BBC Global News Limited ?

Sylvain Foucat : La BBC est un service public entièrement financé par la redevance télé pour ce qui est des chaines nationales britanniques. En revanche BBC Global News Limited est une entité séparée qui s’occupe de la distribution d’informations internationales via la chaine de télévision BBC World News et par internet avec BBC.com.
Sur internet, BBC.com c’est 90 millions de visiteurs uniques par mois et environ un milliard de pages vues. Quant à la télévision, elle est reçue dans tous les pays (sauf ceux où la censure sévit !) et touche plus de 400 millions de foyers. Au global, la BBC est une énorme entreprise, avec plus de 2.000 journalistes ! La BBC incarne le rayonnement de l’Angleterre dans le monde.  

La majorité du contenu est en anglais mais nous sommes aussi diffusés en 28 langues à travers les sites World Service. Notre principe, c’est une information impartiale, et nous sommes présents même là où il est difficile d’avoir une information non contrôlée ou manipulée. Avec le World service, les équipes éditoriales des différents canaux relaient l’information du service public anglais ou apportent un éclairage local. Il faut que cela ait du sens. Par exemple, pour BBC Persian, il y a peu d’audience en Iran mais on touche la diaspora, importante aux Etats-Unis par exemple.

Nous avons des studios à Singapour, à Hong Kong, à New York… et des correspondants un peu partout dans le monde et notamment en Afrique.
 

Quels sont vos concurrents ?

La chaine a relativement peu de concurrence, mais sur un marché très niche, cela signifie en réalité une compétition intense. CNN est notre plus gros concurrent mais cette chaine est plus tournée vers les USA et vers les pays où sont les intérêts économiques américains. En Europe, il y a Euronews et Al-Jazeera est en déclin au Moyen orient. Il y a aussi France 24 dans une moindre mesure. Sur le digital la concurrence directe est plus large (FT, WSJ, Economist, NYT, Euronews, CNN) mais aussi plus difficile à définir, le duopole Google/Facebook représentant une part de marché gargantuesque.


Quel est votre rôle au sein du média?

Mon travail est de vendre de la publicité dans le monde, en prenant en compte les contraintes propres à la BBC. En radio, il n’y a pas de commercialisation possible. A la télévision, le nombre de pauses est assez limité (une page publicitaire toutes les demi-heures). Sur le site internet, de même, la publicité est assez limitée.

C’est une structure à but non lucratif mais nous devons pourtant élaborer une stratégie pour trouver de l’argent. Notre objectif : être profitable et dégager des fonds pour pouvoir développer des programmes. L’argent des publicités est réinvesti dans l’image de la BBC, des documentaires, pour le rayonnement de l’Angleterre dans le monde.

Nous avons une dizaine de bureaux avec des vendeurs à Singapour, Hong Kong, au Japon, en Australie, en Chine, en Inde, aux USA, à Londres ou encore à Paris… Nous sommes là en soutien pour les aider à dialoguer avec les agences média. Il est important d’avoir une bonne compréhension des marchés locaux pour guider notre force de vente. Il faut identifier le bon type de clients, le bon pricing. On touche principalement des clients qui souhaitent communiquer sur plusieurs pays différents et pas seulement sur des marchés nationaux.
Notre objectif est de trouver de nouveaux partenaires  ou de nouveaux formats sur les pages tout en protégeant notre ADN. Nous avons une politique très stricte visant à empêcher par exemple de mettre du contenu publicitaire à coté d’informations tragiques, cela peut être délicat pour les marques.
 

Comment contournez-vous cette problématique sur un site d’actualité qui met souvent l’accent sur des nouvelles dramatiques ?

Nous développons ce que nous appelons des « Features sites », des thématiques : BBC Culture, BBC Future, BBC Travel ou encore BBC Capital. On redirige le trafic vers ces contenus plus consensuels. Ces pages du site, plus segmentées, axées sur le lifestyle, sont très intéressantes pour les annonceurs.
 

Un traitement de l’information sans concessions peut-il handicaper le développement publicitaire ?

Nos règles éthiques nous rendent attractifs pour des annonceurs mais c’est sûr que cela a aussi un impact sur notre efficacité commerciale, notre compétitivité par rapport à une concurrence parfois moins attachée à ces principes. Je dois souvent jongler avec cela. Négocier avec le ministère du tourisme d’un pays tout en parlant de l’insécurité qui y règne, c’est parfois un peu compliqué !

Comment une vieille dame comme la BBC vit-elle la révolution numérique et comment y fait-elle face ?

La BBC a une image un peu vieillissante. Pour le moment nous ne souffrons pas de la concurrence de nouveaux médias comme Vice mais nous sommes conscients du besoin de nous développer pour rajeunir l’audience. Nous avons des groupes de réflexion sur le sujet. Et c’est vrai que Facebook, Google ou Amazon captent une proportion énorme des budgets publicitaires. CNN a peut-être trouvé la parade avec Great Big Story, des contenus vidéo, pour répondre à Vice ou Buzzfeed. Et par rapport à des sites de médias nationaux, comme lefigaro.fr par exemple en France, c’est difficile. Mais notre audience reste vaste.  Encore une fois notre éthique, nos valeurs sont aussi un plus.
 

Ces valeurs ont-elles contribué à votre candidature puis à votre épanouissement dans cette entreprise ?
Indéniablement. Je suis fier de la mission que cette chaine remplit. J’ai été embauché par la BBC à Singapour, au terme d’un CDD très formateur chez Lagardère. Au départ je me suis positionné pour un travail de contrôleur de gestion, d’analyse financière. Je me suis très bien entendu avec mon boss et j’ai finalement pu faire un travail plus transversal, plus vaste. D’habitude, on commence à Londres et on poursuit à l’étranger. J’ai eu la chance de faire le chemin inverse. J’ai appris à connaître l’entreprise et à en être fier. La BBC a une image très anglaise mais la section dans laquelle je travaille est très internationale, des talents locaux sont recrutés, ce qui permet une vraie diversité culturelle.
 

Vous avez débuté à Singapour après vos études à SKEMA Business school, vous êtes maintenant à Londres. La vie à l’étranger vous attirait particulièrement ?

A la fin de mes études, je cherchais un VIE à l’étranger, plutôt en Afrique. J’avais envie de m’ouvrir à d’autres cultures. Mon copine de l’époque qui est devenue ma femme (également ancienne de SKEMA Business school) a trouvé avant moi un travail à Singapour, je l’ai suivie non sans avoir refusé certaines opportunités professionnelles. On avait une bonne prédisposition pour les langues. Nous sommes arrivés là-bas à la bonne époque je pense. C’était comme dans un rêve, avec une qualité de vie inégalable je pense. Au bout d’un an et demi en Asie, on m’a offert une promotion à Londres. C’était sans doute bien de revenir les pieds sur terre en Europe, et puis Londres est vraiment une ville avec une super ambiance, très cosmopolite. C’était aussi une opportunité de nous rapprocher de nos parents et amis, au moment où nous allions agrandir notre famille.

Le plus dur, ça a été le changement de niveau de vie. Londres est vraiment baby friendly, à part en termes de coût ! On repartira peut-être ailleurs plus tard, pourquoi pas ? Nous nous sentons citoyens du monde, avec l’envie de porter les valeurs de la France là où on est.
 

Quels sont les conseils que vous voudriez dispenser aux jeunes qui se lancent sur le marché du travail ?

Je pense qu’il faut suivre ses instincts, marcher au feeling et sauter sur les opportunités lorsqu’elles se présentent. Mais attention, il ne faut pas non plus tout vouloir, tout de suite ! Certains jeunes veulent parfois aller trop vite. Il faut faire un peu d’introspection, vérifier si on a les épaules avant d’accepter une mission. Il me semble important de s’engager avec une entreprise et le salaire ne doit pas forcément être le seul moteur. 

C’est également important d’avoir une vision claire, en termes d’objectifs, et d’en parler avec son management. Personnellement j’arrive un peu au bout d’un chemin, je ne cache pas mes ambitions. Je suis très transparent avec mon management et c’est apprécié. De toutes façons, if you don’t ask, you don’t get ! Il ne faut pas hésiter à s’exprimer.

On n’a qu’une vie, il faut en profiter. Je bosse beaucoup, je délivre et en même temps je suis flexible avec mes équipes. Je peux aussi trouver du temps pour moi. En somme il faut être ambitieux mais trouver le bon équilibre, faire évoluer son rôle avec ses envies.

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