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L. Holinier, un parcours à l'international dans la grande distribution

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Écrit par SKEMA Alumni
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 18 juin 2019

A 50 ans, Ludovic Holinier, diplômé de SKEMA (PGE1990), est président exécutif d'Auchan Retail Chine ainsi que CEO de Sun Art (filiale d'Auchan Retail en Chine), un poste stratégique dans un pays à la pointe de la transformation du commerce. Il revient avec nous sur sa participation au développement du géant français de la grande distribution au Luxembourg, aux Etats-Unis et en Russie, et sur les enjeux de l’immense marché chinois.

Skema Alumni
EN PARTENARIAT AVEC SKEMA ALUMNI

lepetitjournal.com : Si l’on regarde votre parcours, on constate que vous avez été d’une grande fidélité à Auchan !

Ludovic Holinier : Cela fera en effet 27 ans en janvier que je travaille pour Auchan. Cette entreprise m’a permis de changer de métier tous les trois ans et de travailler dans 5 pays différents ! Je n’avais pas de plan de carrière grande distribution en tête, à la sortie de l’école, mon projet était de m’orienter vers les métiers du contrôle de gestion. J’avais fait un stage chez Auchan en contrôle de gestion, c’est comme ça qu’Auchan a repris contact avec moi. J’y suis entré dans le cadre d’un projet qui devait m’amener à devenir contrôleur de gestion en magasin au bout d’une période allant de 12 à 24 mois avec un passage obligé et nécessaire par le métier de chef de rayon, pour bien comprendre le terrain, le cœur de métier d’Auchan et être à même de comprendre la marche des affaires et l’aspect opérationnel.

 

Vous êtes devenu contrôleur de gestion mais avez assez vite repris un poste plus opérationnel, comme directeur de magasin, pourquoi ?

Le début des années 1990 a marqué le début de l’internationalisation de la grande distribution. J’ai souhaité pouvoir vivre l’aventure de l’expatriation et de l’international. Dans un premier temps, cela s’est fait autour de mes compétences comme contrôleur de gestion. L’expatriation se passe d’abord sur son cœur de métier, il est important d’apporter son savoir-faire. A l’époque, j’avais découvert la dimension managériale et le plaisir qu’on a à mener des équipes. C’est vrai qu’Auchan m’a donné ce gout du leadership. Tout naturellement, le fait de prendre la direction d’un magasin était une réalisation personnelle et un complément nécessaire à ce métier de contrôleur de gestion où l’on observe, on peut conseiller mais on n’est pas forcément à la manœuvre. J’avais envie de voir si j’avais cette capacité à entrainer les équipes, définir avec elles les stratégies, les mettre en œuvre et aller chercher les résultats attendus. C’est ce que j’ai trouvé au travers de cette expérience de directeur de magasin.

 

Vous êtes parti d’abord au Luxembourg, avant de travailler en Amérique, en Russie et maintenant en Chine, trois environnements business très dissemblables…

J’ai pris goût à l’international au Luxembourg, même si ce pays ne semble pas a priori très exotique et lointain. Le Luxembourg était une étape importante pour apprendre ces problématiques. C’était un contexte culturel, linguistique, légal très différent. A l’époque, en magasin nous avions plus de 35 nationalités dans le personnel. Et 150 dans la clientèle !

Aux Etats-Unis, nous étions le petit poucet. Les clients ne nous attendaient pas, il fallait se battre chaque jour pour exister, faire sa place. Auchan a décidé en 2003 de fermer. Je m’interrogeais sur un retour en France mais la Russie démarrait. J’y suis allé car j’avais envie de vivre une expérience professionnelle dans un pays en phase pionnière et garder cette optique internationale. C’était à la fois très proche de l’expérience américaine et de l’Europe (pour une bonne partie c’est en Europe et on a un socle culturel commun, parfois plus qu’avec les pays anglo-saxons) mais en même temps c’était un pays émergeant. Tout était à faire.

La vision d’Auchan, c’est « Auchan change la vie ». Je peux vous assurer que pendant 12 ans j’ai vraiment eu l’impression de changer la vie de nos clients, en leur apportant l’accès à des produits nouveaux, à la sécurité alimentaire… C’était très enthousiasmant de participer à ce décollage à la fois d’Auchan et de la Russie.

460 magasins, 140.000 collaborateurs… Comment rendre agile une grosse entreprise, comment prendre de la vitesse ? C’est le défi.


Et maintenant la Chine !

D’abord, je suis repassé au siège trois ans. C’était important, car j’ai découvert la partie plus corporate de nos métiers. Cela a été un poste d’observation et de préparation pour ma mission actuelle. Je l’aborde très différemment je pense que je ne l’aurais abordée si je n’avais pas eu cette étape. Aujourd’hui en Chine, je dois faire face à de nouveaux enjeux. C’est à la fois un pays en forte croissance, un environnement qui va à une vitesse incroyable en termes d’innovation, de changement de comportement des consommateurs, et en même temps l’entreprise est d’une taille très conséquente puisque Sun Art, la filiale d’Auchan Retail en Chine, c’est 460 magasins, 140.000 collaborateurs… Comment rendre agile une grosse entreprise, comment prendre de la vitesse ? C’est le défi.

 

La stratégie d’Auchan est-elle de s’adapter aux spécificités des différents pays ?

Auchan a toujours été un distributeur voulant avoir des filiales extrêmement locales. Le modèle que nous avons transposé partout, c’est le modèle managérial : nos valeurs, la vision de l’entreprise, c’est essentiel pour nous. On a des magasins de grande taille mais extrêmement localisés pour s’adapter à la clientèle.

La Chine est sans doute le pays le plus avancé dans le monde en matière de digital. Le commerce est particulièrement impacté par cette révolution digitale, avec des acteurs comme Alibaba mais aussi Tencent ou JD. Les géants chinois sont pour beaucoup d’aspects très en avance par rapport à leurs concurrents américains. En Chine, comme dans d’autres pays émergeants, le saut du digital a été fait tout de suite, sans gestion de transition technologique. Le paiement mobile, par WeChat ou Alipay est un acte quotidien ici. Tout le monde le fait, c’est tellement simple qu’on n’a plus envie de se promener avec du cash ou sa carte de crédit. J’ai le sentiment d’être dans un pays qui est à la pointe de la transformation du commerce, par ce maillage avec le digital.




C’est dans ce contexte qu’Auchan vient de s’associer avec le géant Alibaba, une alliance stratégique, pour développer le commerce numérique. Comment allez-vous fonctionner concrètement ?

Sun Art a maintenant deux actionnaires principaux, Auchan Retail et Alibaba pour la partie capitalistique. Cela se traduit par une coopération commerciale autour de la livraison des courses à domicile. Le client va retrouver via les plate-formes d’Alibaba notre offre, essentiellement alimentaire, produits frais, grande consommation. La promesse, c’est la livraison dans les 60 minutes qui suivent l’acte d’achat, dans un rayon de 3 km autour de nos magasins. Cela va nécessiter une excellence opérationnelle et une exécution parfaite. La collaboration avec Alibaba nous apporte des solutions technologiques et des solutions logistiques puisqu’ils sont leader en Chine dans la logistique du dernier kilomètre.

 

En parallèle, allez-vous continuer à ouvrir des magasins ?  

Oui, Auchan va continuer à se développer avec l’ouverture de magasins physiques, au rythme de 30 à 40 magasins par an. Sun Art est le leader du marché avec une emprise nationale forte, présent dans 226 villes en Chine. On a 600 millions de Chinois dans notre zone de chalandise, à peu près la moitié de la population chinoise ! Dans ce pays à très forte densité, nos magasins sont très urbains, la fréquence de visite et d’achat est plus forte qu’en Europe mais le panier moyen plus faible.

 

Vos différentes expatriations vous ont-elles transformé ? Etait-ce un projet familial ?

Je suis marié, et père de deux filles. L’expatriation était d’abord un projet de couple. Ensuite, mes filles ont aussi eu leur mot à dire. On a fait le choix de les scolariser en école française, car on n’imaginait pas partir pour 20 ans. Il nous semblait important de garder le lien avec la France et sa culture. A posteriori, on aurait pu aussi les scolariser dans le système russe pour qu’elles s’imprègnent encore plus de cette culture.

Chaque expérience m’a enrichi. On sort toujours transformé (j’espère en bien !) de chaque expérience. Mes moteurs se sont renforcés : l’ouverture, la curiosité, le plaisir avec les équipes, le respect pour les autres… Ce qui ne change pas, en revanche, ce sont mes valeurs personnelles.

Professionnellement, c’est sûr que la confrontation à d’autres langues et cultures, à des clients différents m’a rendu plus flexible, plus agile et aussi plus résilient. On n’est jamais dans la routine.


Que souhaitez-vous conseiller aux étudiants ?

La première chose, qui me semble majeure, c’est de choisir un métier, un domaine où l’on prend du plaisir. Ça a toujours été mon moteur. On ne peut pas s’engager, s’investir, si on n’aime pas ce qu’on fait.

La deuxième chose que je voudrais souligner, c’est l’importance des stages : ils constituent un vrai socle pour comprendre les différents métiers. Il faut y apporter beaucoup d’attention. J’ai vécu une période où on pouvait se projeter longtemps dans une même entreprise. Ce ne sera pas forcément le cas pour eux qui seront naturellement plus ouverts et flexibles.

Propos recueillis par Marie-Pierre Parlange

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