

Secrétaire Espagne du SNUIPP, le syndicat d'instituteurs majoritaire dans le pays, Pierre Brezot revient sur les raisons du mécontentement enseignant, à l'origine de la grève du 13 janvier dernier dans plusieurs établissements du réseau français
(Photo Lepetitjournal.com)
Des sigles et des lettres
L'enseignement français à l'étranger est une grosse machine. Une machine composée d'une multitude de rouages qui sont autant d'organismes et d'entités aux sigles à rallonge et aux acronymes rébarbatifs. Prenez note : le SNUIPP appartient à la FSU, la Fédération Syndicale Unitaire. Le SNUIPP quant à lui, est le Syndicat National Unitaire des Instituteurs Professeurs d'école et PEGC. Les PEGC sont pour leur part les Professeurs d'Enseignement Général de Collège, une catégorie de professeurs que l'on pourrait qualifier "en voie d'extinction". Le SNUIPP est en Espagne majoritaire dans le primaire, mais ce n'est pas seul à représenter les enseignants français dans les établissements du réseau. Côté administration, l'AEFE est, pour les novices, l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Etranger. "L'Agence gère l'ensemble des recours humains et financiers apportés par l'État au fonctionnement des établissements d'enseignement français à l'étranger", entre autres missions.
Who's who
Résumons : les syndicats représentent les enseignants au sein des commissions paritaires et des conseils d'établissements. Ils veillent au grain concernant la défense des droits des professeurs, avec pour la FSU une priorité : la défense du service public. Un cheval de bataille qui "a entraîné des affrontements constants avec les politiques menées par les gouvernements de ces dernières années", constate Pierre Brezot.
L'AEFE assure le paiement du corps enseignant de l'étranger. Les professeurs en poste dans les établissements du réseau sont en effet détachés par le ministère de l'Education auprès de l'AEFE, elle même sous tutelle du ministère des Affaires étrangères. La majorité des personnels recrutés en Espagne le sont sous statut de résident, avec un salaire de base identique au salaire français, auquel viennent s'ajouter deux principales indemnités : l'ISVL (Indemnité Spécifique liée aux conditions de Vie Locale) et l'avantage familial.
Des chiffres
Difficile d'estimer le salaire moyen d'un enseignant embauché avec le statut de résident : l'ancienneté et le degré d'échelon affectent notoirement la donne. "Environ 22.000 ? par an", estime Pierre Brezot. L'ISVL est, quant à elle, censée refléter les différences de niveau de vie entre la France et les pays où résident les enseignants. Elle représente aujourd'hui en Espagne pour un enseignant résident un peu plus de 3.000 ?.
Le taux de l'ISVL est mesuré en fonction de l'indemnité d'expatriation versée aux fonctionnaires qui bénéficient du statut d'expatrié. "Le taux d'ISVL en Espagne est un des plus bas au monde en terme de valeur et en terme de pourcentage de l'indemnité d'expatriation", s'insurge Pierre Brezot. "Nous demandons que l'ISVL représente 15% de l'indemnité versée aux expatriés, comme c'est le cas pour les personnels titulaires recrutés sur place par le ministère des Affaires étrangères", ajoute-t-il. Dans les faits, l'ISVL reversée aux enseignants représente, en Espagne, moins de 10% de la fameuse indemnisation. "Et l'Espagne, ce n'est quand même pas un pays spécialement bon marché", souligne le secrétaire syndical. "Nous avons alerté l'AEFE à de nombreuses reprises. L'agence nous a répondu que l'enveloppe globale de l'ISVL était immuable : en gros si l'on veut augmenter l'indemnité espagnole, il faudrait baisser celle allouée à d'autres pays".
Les raisons de la colère
Ce sont donc près de 1.500? annuels qui sont en jeu concernant l'ISVL. Il existe d'autres points d'achoppe, dont un différentiel dans le calcul de l'avantage familial, mis en place en 2007 : un écart jouant en défaveur des professeurs et corrigé en 2009, de façon non-rétroactive : plusieurs centaines d'euros sur lesquels les enseignants se voient forcer de tirer un trait. La perte du Supplément Familial de Traitement, éliminé en 2007 sans compensation, a aussi généré son lot de colère et de frustration... "Dans le cas d'un enseignement au plus haut échelon, avec trois enfants, cela représente 230? par mois de perte sèche", calcule Pierre Brezot.
La colère des autres
Les enseignants sont-ils conscients de l'énervement des parents d'élèves, face à des journées perdues pour leurs enfants ? "Chaque fois que l'on fait grève, c'est une décision difficile à prendre", répond Pierre Brezot. "Nous essayons d'expliquer aux parents qu'avant d'en arriver là, nous avons entrepris d'autres actions, et que celle-ci arrive en dernier recours. En même temps, on a en face une administration qui a tendance à laisser pourrir la situation et on sait que si on ne fait rien, il ne se passera rien. Pour tout dire, on ressent un certain mépris de la part de l'AEFE".
Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com - Espagne) Jeudi 20 janvier 2011








































