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ON EN PARLE – Le David de Michel-Ange, un colosse aux pieds d’argile

Est-ce d'avoir fait l'homme sandwich ces dernières années ou bien tout simplement le poids des ans ? Les faits sont là et les inquiétudes bien réelles : le glorieux David de Michel-Ange exposé à Florence - représentant le roi d'Israël juste avant son combat contre Goliath - menace de s'écrouler.

Des chevilles fragiles

David, de Michel-Ange (photo David Gaya)

D'après la Bible, David est un roi adolescent qui abat d'un coup de fronde son adversaire philistin, le géant Goliath. Un frêle jeune homme transformé sous les coups de scalpel de Michel-Ange en un athlète accompli, un colosse de 4,34 mètres de haut (5,14 avec le socle), 5,5 tonnes : l'impressionnant David, sculpté entre 1501 et 1504 par le grand artiste toscan, est régulièrement ausculté par les spécialistes du Centre national de la recherche italien (CNR) et de l'université de Florence qui ont remis en mars dernier un rapport alarmant : des micro-fractures inquiétantes sont relevées, particulièrement au niveau de la cheville gauche et du tronc d'arbre sculpté au pied du colosse, qui supporte en grande partie le poids de la statue.

Des causes diverses et variées
Diverses explications sont avancées par les spécialistes. D'une part, la statue a été malmenée au cours des siècles : un bras gauche a été brisé (et restauré un peu plus tard) lors d'une bataille entre les Florentins et les partisans des Médicis en 1527. David a ensuite subi les assauts du temps car il a été exposé en plein air pendant des siècles devant le Palazzo Vecchio de Florence pour être finalement placé à l'abri des intempéries en 1873 dans la Galleria dell'Accademia. La restauration entreprise à cette époque (à base d'acide chlorhydrique) avait causé des dommages irréparables en détruisant la patine originale. D'autre part, la statue présente des faiblesses intrinsèques : chevilles trop fines, mauvaise qualité du marbre de Carrare, pose décentrée du personnage, ensemble mal posé lorsqu'il était en plein air (le personnage était trop penché vers l'avant). En somme, beaucoup de raisons d'être inquiets. D'après les spécialistes, un simple tremblement de terre ou les vibrations d'un chantier dans les environs pourraient lui être fatal ; ils recommandent de déménager la statue dans un abri stable.

David, homme sandwich ?  
La plus célèbre statue de Florence et même d'Italie a déjà fait parler d'elle un peu plus tôt cette année. En effet, pour mettre en avant son "chef-d'?uvre" un fabricant d'armes américain avait choisi de mettre le dernier né de sa gamme de fusils dans les mains d'un autre chef-d'?uvre, un vrai cette fois, puisqu'il s'agit du David de Michel-Ange. L'Etat italien avait rapidement protesté et exigé le retrait de cette publicité en s'appuyant sur le fait que l'utilisation publicitaire de cette sculpture est soumise à une autorisation de l'Etat italien et au paiement de droits et que la valeur esthétique de l'?uvre a été dénaturée. Si l'argument esthétique s'entend, si le goût est manifestement douteux, l'argument légal est moins solide puisque d'après une loi européenne les droits d'auteurs d'une ?uvre littéraire ou artistique tombent dans le domaine public 70 ans après le décès de son auteur. En conséquence, l'image du David de Michel-Ange appartient désormais au domaine public, seules les photos de cette ?uvre restent protégées par les droits d'auteurs.

Le monde de l'entreprise, nouveau mécène ?
La demande de retrait de la publicité n'a pas abouti, sans grande surprise. Il n'en reste pas moins qu'on pourrait imaginer une intervention du monde de l'entreprise qui, dans ce cas de figure, pourrait se transformer en mécène et contribuer au sauvetage du David de Michel-Ange en utilisant son image. Une possibilité dont on parle de plus en plus en Italie. On peut aussi discuter de la dénaturation de l'?uvre, ce n'est d'ailleurs pas la première fois que cette sculpture est utilisée à des fins publicitaires : les jeans Levi's, le magasin BHV avaient "rhabillé" David il y a quelques années? en respectant les procédures ?
Françoise Jovenet (www.lepetitjournal.com/Turin) jeudi 22 mai 2014

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