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Jérôme Viricel : RECAPP, le recyclage gratuit et à domicile aux Emirats

Jérôme Viricel de RECAPP Jérôme Viricel de RECAPP
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 18 août 2022, mis à jour le 19 janvier 2023

Jérôme Viricel l’écologiste pragmatique qui vous fera recycler sans y penser, avec RECAPP, l’application de collecte gratuite de vos plastiques et canettes, lancée par Veolia.

 

La pratique quotidienne de l’écologie à Dubaï, si elle progresse, ne va pas de soi. Le gouvernement s’engage, certaines choses changent mais dans notre sphère privée il n’est pas toujours simple de suivre respecter des principes de vie respectueux de l’environnement, d’implémenter les bonnes décisions : on manque d’information ou de moyens pour rendre les gestes verts instinctifs et simples. Le problème du tri est récurrent : certaines communautés bénéficient de deux containers, dont un dédié aux recyclables non-périssable, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Souvent on ne sait pas où aller, à qui s’adresser, et soyons honnête : qui a le temps de trier ses poubelles et en plus de se déplacer dans un point d’apport volontaire centre de différenciation ? Pourquoi ne pas se tourner vers le « service à domicile », déjà tellement implémenté dans ce pays où l’on peut tout se faire livrer depuis son portable, et où tous les services ont une application dédiée ? C’est l’idée de Jérôme Viricel : une application de collecte gratuite de vos déchets plastiques, aussi simple que de commander sur Deliveroo, mais aussi un projet qui voit plus loin, et qui a l’ambition d’initier un cercle vertueux sur le plan économique, écologique et humain.

 

 

Lepetitjournal.com/dubaï : Commençons par vos débuts, qu’est-ce qui vous a attiré à Dubaï ?

 

Jérôme Viricel : Je suis arrivé ici en 2012, après dix ans à la tête d’une entreprise dans l’évènementiel et le tourisme d’affaires. C’était ma première boîte, mise sur pied comme projet  de fin d’études due Master Entreprendre de l’EM LYON de fin d’études et que j’ai mené à bien, pendant dix ans donc avec mon associé, dix années très intenses, avec un rythme de vie qui ne me convenait plus trop en tant que jeune père de famille : je voyageais énormément, et comme vous le savez l’évènementiel est extrêmement exigeant en termes d’horaires, il m’arrivait de ne voir mon fils que quelques jours par mois. Bref : j’ai  eu envie de passer à autre chose sur le plan personnel donc, mais aussi professionnel, j’ai eu envie de nouveaux horizons. Les six mois autour du projet de vente de mon agence, nous décidons avec ma femme de venir explorer Dubaï, et nous sommes conquis : nous avions tous les deux moins de 35 ans, et nous avons eu envie d’y tenter notre chance, c’est ce que nous cherchions : un terrain riche d’opportunités et une bonne occasion de changer de vie et d’horizon, assez radicalement !

 

Trouver sa place et y donner le meilleur de soi, avec un appui pareil : c’est très excitant !

 

Comment se passent vos premiers mois d’expatriation ?

Nous arrivons donc - contrairement à beaucoup - les mains dans les poches, avec notre container mais pas de projet concret. Après ces dix années très intenses donc, nous avons envie de nous offrir une petite pause et de regarder autour de nous avant de nous précipiter vers un autre projet forcément chronophage. Nous habitons toujours au même endroit, à Jumeirah, dans notre première maison : dans ma vie privée comme dans le travail j’aime prendre des risques mais j’aime aussi cultiver une forme de stabilité. Après avoir profité de ce temps calme, je recommence en 2014 comme consultant, j’enchaîne les projets variés avec succès, c’est passionnant, je découvre le marché du Moyen-Orient, et j’aime bien cette position externe de consultant. À un certain moment,  c’est Veolia qui m’appelle pour développer un projet autour du recyclage. C’est un nouveau défi : trouver sa place en tant que start-up au sein d’un grand groupe, concilier une vision à très long terme (celle du groupe) avec les rythmes et les décisions rapides de la start-up… Trouver sa place et y donner le meilleur de soi, avec un appui pareil : c’est très excitant !

 

RECAPP est le premier service gratuit et à domicile pour accompagner les résidents dans leur effort de recyclage

 

C’est le lancement de votre aventure RECAPP ?

Le projet est déjà amorcé chez Veolia depuis depuis un an environ. RECAPP est le premier service gratuit et à domicile pour accompagner les résidents dans leur effort de recyclage.  À long terme, l’ambition est de créer une vraie économie circulaire autour du plastique et  il s’agit de construire une usine de recyclage des bouteilles plastiques, ici sur le sol des Emirats, à Abu-Dhabi. Le défi c’est de capter, de récolter un plastique qui soit propre, en suffisamment bon état pour être recyclable. Nous ne sommes pas la première ni la seule initiative, certes, mais il n’existe pas encore de collecte en porte à porte et à la demande, et le potentiel est immense.

RECAPP

 

Quel est le but ultime de RECAPP ?

Regardons d’abord les objectifs essentiels de Veolia : ils sont au nombre de trois, fournir un service essentiel, protéger l’environnement et la santé des citoyens, et développer une économie circulaire locale... RECAPP rentre exactement dans ces prérequis. En organisant une collecte à la source nous entrons également dans les souhaits du gouvernement des Emirats qui a clairement énoncé son intention de détourner 75% des déchets plastique des décharges, vers des filières de un recyclage efficace.

 

Nous étions en septembre 2021 à 3,5 tonnes hebdomadaires et mon objectif est d’une tonne… par jour pour 2022. Nous avions déjà plus de 7000 usagers réguliers à Abu Dhabi et on a pour ambition de créer une communauté de plus de 30000 usagers aux Emirats d’ici fin 2022 !

 

Quelles sont les problématiques soulevées par le recyclage du plastique, qu’est-ce qui le rend aujourd’hui peu efficace et pourrait être amélioré ?

 

Comme vous le savez tous les plastiques ne sont pas égaux, surtout devant le recyclage. PET, HDPE, Polypropylène, contenant des huiles alimentaires, des produits de soin… Chacun soulève une problématique spécifique, mais nous travaillons à répondre à chacune d’entre elles. La première étape est de fournir aux usagers nos sacs recyclables transparents servant à la collecte : cela permet de commencer une éducation bienveillante en pointant lors du ramassage les « intrus ». Le premier travail c’est le tri ! Et puis nous avons l’objectif de recycler tout sur place : c’est le volet qui touche à l’économie circulaire locale. Veolia pourrait facilement exporter le résultat des collectes, et recycler dans d’autres usines à l’extérieur des Emirats. Mais ce n’est pas le but de cette initiative, le but c’est de créer une économie locale, et donc de créer des usines de recyclage local, capables de produire des billes, appelées des pellets de plastique recyclé et réutilisable, de grade technique et de grade alimentaire, et de fournir ainsi aux grandes entreprises de l’industrie du packaging ces mêmes pellets, afin qu’ils puissent produire à leur tour des bouteilles recyclées à 15% ou plus.

 

Quels sont vos prochains défis ?

 

Travailler sur l’application : notre but est de rendre l’expérience aussi fluide, facile et instinctive que de commander le passage de votre teinturier pour le ramassage de vos chemises, ou le repas du soir sur Deliveroo. Nous desservons Abu-Dhabi et Dubaï. Nos équipes se divisent en collecteurs et en trieurs, et ils sont tous là pour rendre l’expérience la plus facile possible. Un simple « click & collect », et à vous de décider du volume, du jour et de l’heure. Nous fournissons comme je l’ai mentionné les sacs de collecte transparents (recyclables bien entendu) pour faciliter le travail de l’employé RECAPP qui vient collecter et qui doit s’assurer de la conformité du contenu du sac, et en profiter pour transmettre une éducation amicale et respectueuse sur comment améliorer l’efficacité du tri à la maison… Nous travaillons pour rendre l’app encore plus interactive et simple : par exemple j’aimerais offrir un service de reconnaissance instantanée du déchet plastique afin que l’utilisateur sache tout de suite s’il est recyclable ou pas en le prenant juste en photo, sans se poser de questions…

 

Il est important de souligner qu’en devenant utilisateur de RECAPP vous ne payez rien : c’est un service gratuit !

 

Mais comment fonctionne votre modèle pour pouvoir en offrir la gratuité ?
Eh bien je m’appuie tout d’abord sur Veolia pour créer mes équipes opérationnelles RECAPP, ce qui me permet d’offrir dès le départ le meilleur des services au consommateur.

Et surtout j’ai recruté (et je recrute encore) des sociétés partenaires comme Agthia Group, Nestlé, PepsiCo, Unilever et Coca Cola qui sponsorisent qui sponsorisent notre schéma de de "rewards” (récompenses). Oui, je ne vous l’avais pas encore mentionné mais en recyclant avec RECAPP vous accumulez des points, par exemple si vous avez un sac de 5 kilos (ça va très vite, une semaine pour une famille de 5) vous gagnez 5’000 points, si vous avez accumulé 5’000 points que vous pouvez convertir en un bon d’achat de 20 dirhams qui peut être alors utilisé online auprès de nos partenaires, comme Al Ain Water et Carrefour !

 

À qui s’adresse RECAPP, quels sont vos premiers consommateurs ?

Je les répartis en trois catégories : les Eco-Warriors, ou les écologistes purs et durs, qui font tout ce qu’ils peuvent, sans rechigner devant aucun effort, aucune dépense, pour recycler le plus possible et respecter l’environnement au maximum de leurs capacités. Les Eco-Aware, les citoyens avec une conscience écologique, heureux de recycler si on leur facilite le travail, et capables de compromis. Et enfin les Eco-Hunters, ceux qui sont motivés par le recyclage grâce à l’attrait des récompenses et des points. Potentiellement chacun d’entre nous rentre au moins dans une de ces catégories.

RECAPP

 

Qu’y trouvent ces grandes entreprises, au fond les premiers producteurs des plastiques à usage unique…

Elles y trouvent une synergie et un cercle vertueux : tout le monde y gagne, et non il ne s’agit pas de « green washing » (maquillage écologique à but marketing) mais bien de solutions concrètes, en toute transparence : nous voulons éduquer le citoyen à consommer mieux et moins, à ne plus polluer en jetant sans conscience. Nous voulons contribuer à éduquer et à modifier les comportements de façon positive, de façon à impacter la nature le moins possible.  Dans les sacs que nous collectons, je veux arriver à 95% de recyclables effectivement recyclés, et non pas rejetés car mal triés ou mal rincés…  je suis convaincu quant aux 5% restant qu’ils sont « éducables », on peut faire encore progresser ces chiffres en informant davantage nos utilisateurs sur les bonnes pratiques du recyclage.  Oui, c’est un paradoxe, l’éléphant dans la pièce comme on dit en anglais…. Mais moi je fais partie des écologistes pragmatiques : je pense qu’il sera impossible de totalement et intégralement remplacer toute l’économie pétrochimique autour du plastique, mais que l’on peut, et que l’on doit, faire le maximum pour en minimiser l’impact. Nos solutions sont viables, faciles à mettre en place, efficaces. Mon ambition pour 2025 d’arriver à 3.000 tonnes par an de bouteilles recyclées... Bien entendu, cela ne veut pas dire que nous allons pousser à la consommation de bouteilles pour ensuite les recycler ! Ces consommateurs sont déjà là, ce que j’ambitionne c’est de réduire leur consommation justement, de la modérer, et surtout de la recycler, à 100%.

 

Les chiffres clés de Recapp en 2021:

25,000 collectes

15,000 enregistrements sur notre application Recapp

115 tonnes collectées

Et aujourd'hui une cadence de 5,000 collectes par mois avec un objectif de 600 tonnes pour 2022.

 

Pour plus d'information Go Recapp

 

RECAPP

 

Rediffusion du 20 janvier 2022

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