La méthode Jeannine Manuel vient d'être implémentée pour la première fois à Dubaï au sein de l’école ICE (seule école totalement bilingue avec un double cursus accrédité par le ministère de l’Éducation Nationale en France, et une alternance 50% français et anglais).
Lepetitjournal.com/dubai : Pourquoi implémenter la méthode Jeannine Manuel à Dubaï ?
Bernard Manuel : Parce que Dubaï est le symbole d’une très grande diversité culturelle qui se reflète aussi dans l’énorme diversité des cursus académiques proposés : je crois que l’on compte jusqu’à 18 parcours académiques distincts, chaque cursus étant très spécifique, qu’il soit indien, américain, anglais ou français. Mais il nous a semblé qu’il n’y avait nulle part de véritable ambition bilingue et donc que Jeannine Manuel y serait sans doute bienvenue. Cette profusion de cursus est aussi à mon sens un moteur de l’innovation, ce qui est un vrai plus pour l’éducation, car elle pousse à s’adapter, et à s’inspirer.
En quoi consiste la méthode Jeannine Manuel, pour les néophytes ?
La Fondation Jeannine Manuel a pour vocation de promouvoir la compréhension internationale. Il s’agit d’apprendre, de vivre et de grandir ensemble. C’est à la fois un cursus mais aussi un ensemble de compétences et une philosophie de vie. Une façon de développer de façon concomitante et à valeur égale la vie académique, scolaire et collaborative des élèves.
Si vous deviez isoler un point clef ?
Ce serait ce qu’on appelle en anglais le Growth Mindset*, cette façon d’appréhender l’apprentissage, quel qu’il soit : académique ou humain en considérant que l’on peut toujours apprendre plus, rester malléable et disponible à accueillir l’évolution et la croissance, à 360 degrés. Considérer profondément qu’aucune porte n’est jamais fermée, ni pour l’élève, ni au sens propre : les portes des enseignants et de l’institution elle-même restent toujours ouvertes.
Pourquoi avoir choisi l’école ICE ?
ICE a une histoire qui résonne avec nous : c’est une histoire ancrée au Liban, dans un Liban qui était encore la terre de la coexistence pacifique culturelle et religieuse. Bien sûr aujourd’hui le Liban est en proie a beaucoup de difficultés et de dissensions, mais cet esprit, cet espoir de coexistence est encore très vif au sein de la diaspora libanaise.
Et Jeannine Manuel c’est exactement cela : apprendre le vivre ensemble.
En quoi vous vous différenciez de la pédagogie pratiquée au sein de l’école publique française ?
En France on a tendance à opposer au sein de l’école les « traditionalistes » et les progressistes « pédagogistes », ce qui a amené à tourner en dérision les théories pédagogiques qui voulaient « mettre l’enfant au centre des apprentissages ». Or cette opposition à mes yeux est caduque, héritée d’un siècle et d’un monde qui n’est plus le nôtre, et je pense que nous proposons une « troisième voie » qui se construit à la fois sur une grande rigueur dans les apprentissages fondamentaux, et dans le développement de la culture de l’engagement et de l’initiative. De la même façon le rapport de l’enseignant à l’élève n’est absolument pas du copinage, ni à l’opposé soumis à une autorité unilatérale. Il s’agit d’un rapport de de confiance et de respect mutuel.
Quels liens avec le curriculum de l’IB qui est très pratiqué ici ?
Toutes les écoles Jeannine Manuel proposent l’IB en 1er et terminale. L’IB est un diplôme créé à l’origine pour les enfants nomades d’une globalisation naissante qui devaient pouvoir accéder partout à un même niveau d’éducation académique. Ce qui nous différencie de l’IB c’est la mise en valeur de l’identité des cultures par opposition à la globalisation des cultures. Nous sommes convaincus que l’ouverture se construit à partir de ses propres racines. Notre philosophie de l’éducation est profondément internationale, tout en étant reconnaissante de son identité propre et en sachant embrasser les différences. Il s’agit de grandir ensemble : c’est déroutant certes mais c’est enrichissant !
Le bilinguisme enfin ?
Choisir ICE c’est pour ce supplément d’ouverture et affirmer le bilinguisme qui lui en revanche n’est pas au cœur du système IB. Ce qu’ICE propose est unique à Dubaï : tous les élèves feront du français et une grande majorité d’entre eux auront un diplôme bilingue. Sur la centaine d’élèves de Jeannine Manuel il arrive qu’il y en ait quelques-uns qui ne choisissent pas le diplôme bilingue mais ils sont en minorité.
La question de la formation des enseignants, pour un curriculum bilingue aussi exigeant ?
La formation continue est au cœur de tout ce que l’on entreprend, donc bien évidement nos enseignants sont formés en permanence, et nous ne recrutons que les professeurs d’excellence qui ont en outre la volonté de se joindre à nous et de participer à cet écosystème d’apprenants multiculturels et plurilingues, ou les méthodes et bonnes pratiques sont très encadrées et ou le mythe de la « liberté pédagogique » française est mis de côté au profit d’un autre type d’approche.
Par exemple ?
Et bien au primaire à ICE nous avons adopté la Méthode de Singapour pour les mathématiques après avoir fait le constat que les professeurs de primaire étaient souvent démunis face aux élèves dans cette matière. Grace à l’adoption de cette méthode nous avons une approche innovante et cohérente et tous les enseignants ont en main un guide. Ils sacrifient une certaine liberté d’enseigner pour une efficacité hors pair.
*Le growth mindset, ou “état d'esprit de croissance” en français, est un concept développé par la chercheuse en psychologie professeure à Stanford, Carol Dweck. Selon elle, nous avons la capacité d'évoluer et surtout de développer nos compétences, notre intelligence ou même de nouveaux talents au fur et à mesure du temps. Il s’oppose à une mentalité « fixe » qui considère que l’on a des capacités « élevées » ou « faibles » dans certains domaines, sans pouvoir y changer grand-chose.
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Pour plus d'informations sur ICE DUBAI