

Environ 50.000 enfants sont à ce jour nés en France après insémination avec sperme de donneur (IAD). Certaines personnes trouvent scandaleux de priver ces enfants de la possibilité de connaître leur véritable géniteur. D'autres estiment que la levée de l'anonymat pourrait créer une confusion et dissuader les donneurs
Alors que le don de sperme au Royaume-Uni, en Suisse ou encore en Norvège? n'est plus anonyme, certaines personnes en France, à l'occasion de la prochaine révision des lois de bioéthique, s'interrogent sur le droit de l'enfant à connaître ses origines génétiques. D'après l'étude américaine intitulée My daddy's name is donor (Le nom de mon père est donneur), 67 % des sondés américains souhaitent la levée du secret sur leur origines. En France, l'ouvrage des Pr Pierre Jouannet et Roger Mieusset intitulé Donner et après... La procréation par don de spermatozoïdes avec ou sans anonymat ? vient de paraitre et tente de poser de nouveau le débat.
Photo AFP
Dites moi tout !
Les professeurs Jouannet et Mieusset ont présenté mercredi à l'académie de médecine de Paris plusieurs témoignages issus de leur ouvrage dont plusieurs plaident pour plus de transparence :
- A la recherche d'une part d'hérédité :
"En tant qu'enfant conçue par IAD, je souhaite avoir le choix au moins de connaître mon hérédité. Je souhaite avoir une photo du donneur, des informations sur sa vie, sa famille, ses ancêtres. Je n'ai qu'un père. C'est celui qui est toujours à mes côtés et qui m'a désirée pendant dix années avant que je ne vienne au monde. Je ne recherche pas un père. Je recherche simplement une part d'hérédité qui m'aiderait à mieux me connaître. Il me semble que je pourrais alors envisager mon rôle de mère avec plus de sérénité."
- La colère face à l'ignorance :
"Malgré mon travail personnel psy, le fait qu'une dimension de mon histoire soit gommée a créé en moi une immense colère? Tout a été fait par les médecins pour laisser croire aux parents qu'ils étaient dans le bon chemin, sans remise en cause. Le législateur et les médecins ont été des prestataires de service, un service qui justement ne nous rend pas service, à nous les enfants."
- Les parents revendiquent l'accès à la vérité :
"Les adultes ont fait des choix à un moment de leur vie : donner, recevoir ou aider à la conception. Pour que nos enfants puissent se construire, nous devons leur permettre d'accéder à leurs origines?" ou encore "Nous, en tant que parents, avons juste le devoir de donner à l'enfant toutes les chances de s'épanouir, d'être l'adulte le plus libre possible. L'enfant n'appartient pas à ses parents. Ce sera à lui de décider ce qu'il doit à chacun. Encore faut-il lui en laisser la possibilité."
Je ne veux rien savoir
Mais tous les enfants nés par IAD ne partagent pas le même point de vue. "Je n'ai même pas le souvenir du jour où j'ai vraiment réalisé que mon père ne l'était pas biologiquement parlant. C'est lui qui a été présent toutes les nuits quand je pleurais. Tous les matins, c'est lui que j'embrassais, c'est avec lui encore que je jouais, dansais, chantais, courais. C'est mon père. Je suis bien content qu'il soit anonyme ce don. Je ne m'imagine pas voir débarquer un homme qui peut-être me ressemble et qui me dit ?je n'ai plus que toi mon fils??
Et coté donneur ? Une enquête montre qu'en France, plus de 60% des donneurs de sperme renonceraient à leur don en cas d'une levée de l'anonymat. Jean-Marc, qui a donné son sperme en 1986 dans un geste de partage, explique que "En aucun cas, je ne souhaiterais avoir des liens de paternité avec des jeunes adultes que je n'ai ni désirés ni élevés. Et qui ont besoin non de l'amour que je ne pourrai pas leur donner, mais de celui de leurs parents." Ou encore "J'ai quatre enfants, mais ceux qui sont nés à la suite du don que j'ai fait ne sont aucunement les miens et je détesterais voir un inconnu se pointer chez moi en disant bonjour papa !".
Mais qui sont les IAD ?
L'étude américaine a dressé un portrait-robot des enfants nés après insémination avec sperme de donneur, qui découle de l'enquête menée par l'équipe de l'Institute for American Value. Elle dessine des hommes (52 % de l'échantillon) et des femmes (48 %) plutôt mal dans leur peau, donnant le sentiment d'avoir subi un préjudice et gênés par les "circonstances" qui ont présidé à leur conception. Près de la moitié reconnaît y penser "plusieurs fois par semaine voire plus". La question des origines reste donc bien entière? Et vous, qu'en pensez-vous ? Faut-il partir à la recherche de son "père ? donneur" ? Faut-il maintenir le secret autour du don de sperme ? Votre avis nous intéresse.
Claire Largillière (www.lepetitjournal.com) jeudi 10 juin 2010
A lire également :
Le Figaro - L'anonymat du don de sperme en question
Le monde - Les personnes nées d'un don de sperme veulent connaître leur géniteur
Donner et après... La procréation par don de spermatozoïdes avec ou sans anonymat ?, Pr Pierre Jouannet et Roger Mieusset, éditions Springer Verlag


































