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DANIELLE MITTERRAND – Première dame militante



Danielle Mitterrand s'est éteinte dans la nuit de lundi à mardi. La veuve de l'ancien président a mené 70 ans de combats associatifs. Elle laisse derrière elle une fondation, France-Libertés, et le souvenir d'une première dame engagée jusqu'au bout


La veuve de l'ancien président François Mitterrand, Danielle (photo AFP), est décédée dans la nuit de lundi à mardi à l'âge de 87 ans. Admise à l'hôpital parisien Georges-Pompidou vendredi, elle était placée en coma artificiel. Selon ses proches, la fondatrice de la Fondation France-Libertés était apparue ces derniers temps "ralentie dans ses déplacements, mais opérationnelle dans ses combats". La classe politique et le monde associatif ont salué cette première dame pas comme les autres.

Militante dans le sang

Danielle Gouze, de son nom de jeune fille, est née dans la Meuse en 1924. Sous le gouvernement Vichy, son père, proviseur de lycée, refuse de signaler les élèves et enseignants juifs de son établissement, ce qui lui vaudra sa révocation. A 17 ans, Danielle s'engage, tout comme sa s?ur, dans la résistance, où elle devient agent de liaison et infirmière. C'est d'ailleurs dans ce contexte qu'elle rencontre François Mitterrand, alias "François Morland", en 1944. Elle l'aide alors à s'enfuir à bord d'un train en jouant les amoureux. Un scénario qui se concrétisera quelques mois plus tard avec un mariage. "Tous les matins quand on se levait, dans la Résistance, on ne savait jamais où on dormirait le soir, dans notre lit ou dans les bois, ou bien étendu pour l'éternité dans un fossé. Tout ça décuple la vivacité des sentiments...", expliquait-elle à l'Express en 1996. Son engagement perdurera tout au long de sa vie avec comme point d'orgue la création en 1986 de l'organisation France-Libertés. Lors de sa dernière sortie publique en octobre dernier, à l'occasion des 25 ans de sa fondation, elle déclarait : "On est dans l'action, il ne peut pas y avoir d'échec. L'action est elle-même une réussite, le fait qu'on s'engage, on entraîne avec nous des gens à prendre leurs responsabilités, on développe le côté citoyen d'une population. C'est toujours une marche en avant".

Danielle et François Mitterrand en 1981 (photo AFP)

Première dame de caractère

Danielle Mitterrand n'était pas une épouse de président comme les autres. Comme le confirme le chercheur en communication politique Christian Delporte, "Elle n'a pas été une first lady Jour de France ou Gala. Ce fut une première dame atypique, à part : une femme de président avec un engagement citoyen. Elle n'était pas dans le paraître, elle était une intellectuelle". Le dernier président socialiste se plaisait à dire : "ma femme n'est ni une dame d'?uvre, ni une potiche". Face aux scandales et à la révélation de la fille cachée de François Mitterrand, Danielle est toujours restée discrète et digne, acceptant même Mazarine Pinjeot aux funérailles de son époux. Son statut de Première dame lors des deux septennats de "Tonton" Mitterrand, Danielle s'en sert comme d'une tribune pour ses engagements militants, quitte à embarrasser le gouvernement et le président. Danielle aimait d'ailleurs répéter la phrase prononcée par son mari en 1981 : "Tout pouvoir doit susciter son contre-pouvoir". Incarnant donc le contre-pouvoir de la vie associative, Danielle Mitterrand se mobilise auprès des kurdes, du Salvador, des immigrés, du peuple sahraoui ou se prononce encore en 1989 pour le respect des traditions en plein débat sur le port du voile à l'école. Pourfendeuse de la realpolitik, ses prises de position ont fait jaser plus d'une fois l'Elysée. ?Elle me disait, en parlant de ces années-là?: 'J'étais toujours d'accord avec François Mitterrand, rarement avec le Président'", souligne Emmanuel Poilâne, directeur de France Libertés. Après la mort de son mari, Danielle continue son combat et devient même porte-parole en France de la cause du sous-commandant Marcos et des zapatistes mexicains.

Une femme regrettée
Les témoignages ont été nombreux à l'annonce du décès de la veuve de Tonton. François Hollande, candidat socialiste à l'élection présidentielle, a salué "une grande dame, engagée très jeune dans la résistance, qui avait mis son courage et son immense énergie au service de la cause qui valait pour elle, celle des libertés".
Le président Sarkozy a rendu hommage à "une femme qui n'abdiqua jamais ses valeurs et poursuivit jusqu'au bout de ses forces les combats qu'elle jugeait justes".
L'ex-first lady Bernadette Chirac, a salué une "femme de conviction" qui a aussi été "très digne quand elle a découvert l'existence de Mazarine, qui n'était pas sa fille".
"C'était une femme en avance sur son temps. Elle était de tous les combats pour essayer d'améliorer le monde, de toujours se pencher sur les problèmes des plus déshérités. Elle a aimé François Mitterrand du premier au dernier jour, même si leur vie conjugale s'est arrêtée au bout d'un moment", a également commenté Jacques Séguéla, sur BFMTV.
Sur la même chaine, Yann Arthus-Bertrand, parrain de sa fondation Porteur d'eau, a déclaré : "C'est une femme à qui nous ne pouvions pas refuser grand-chose parce qu'elle était tellement magnifique, elle portait dans son regard quelque chose de tellement beau, tellement profond qu'on ne pouvait pas ne pas la suivre".
"Nos convictions n'étaient pas les mêmes mais j'ai toujours été frappé par ce mélange de pureté qu'elle avait depuis l'adolescence, depuis le temps où sa famille l'avait formée à l'idée de la Résistance. C'était ce que l'on appelle une femme bien. On pouvait ne pas être d'accord avec elle, mais on ne pouvait pas ne pas la respecter et ne pas l'estimer",
a déclaré le ministre de la culture et neveu de la défunte, Frédéric Mitterrand.

Danielle Mitterrand sera inhumée samedi à Cluny, en Saône-et-Loire. Un hommage lui sera également rendu jeudi à 13 heures sur le Pont des Arts à Paris, suite à l'appel de sa fondation France-Libertés.
Damien Bouhours (www.lepetitjournal.com) mercredi 23 novembre 2011

En savoir plus

Article du Parisien, Danielle Mitterrand : l'hommage de la classe politique
Article du Figaro, Danielle Mitterrand, «une première dame à part»
Article du Parisien, Danielle Mitterrand, une Première dame à la parole très libre

 

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