Un enfant toutes les deux minutes. Voici le rythme auquel ces derniers meurent dans le monde. Cause de l’hécatombe, le paludisme.
Porté par la voix de Juliette Binoche, le film Malaria Business, projeté le 10 avril au CICES « ouvre un nouveau champ des possibles dans la lutte contre le paludisme ». Au fait de cette urgence, Pierre Van Damme, Belge, s’adonne depuis 2 ans à la culture et vulgarisation de l’artémisia au Sénégal. Entrevue avec le héraut de cette plante-panacée, militant et témoin de première main de l’efficacité de la pharmacopée.
80% des molécules que nous retrouvons dans les médicaments conventionnels proviennent des plantes
Dans quel cadre êtes-vous au Sénégal ?
Il y a deux ans maintenant, je réalisais mon travail de fin d’études – mémoire – sur la culture de l’Artémisia, au Sénégal. Suite à cela, il m’a été proposé de reprendre et de poursuivre le projet maraîcher dans lequel étaient intégrés mes essais agronomiques sur l’Artemisia et de continuer les essais sur la culture de l’Artemisia pour optimiser celle-ci. C’est pourquoi je réside et travaille au Sénégal depuis plus de 2 ans.
Pouvez-vous nous parler de la Maison de l’Artémisia ?
La maison de L’Artemisia est un lieu de formation, d’études médicales et agronomiques, de partage de semences et de transmission des savoirs agronomiques et médicaux. Elle propose des produits à base d’Artemisia Annua ou Afra sous un label de qualité, dans un souci de développement local et durable, dans le respect des meilleures conditions d’hygiène.
Comment la plantation d’Artémisia dont vous vous occupez s’est-elle mise en place et en quelle année ?
C’est mon ancien professeur Guy Mergeai, collaborateur maintenant, en agronomie tropicale à l’université de Gembloux agro bio-tech de Belgique qui avait commencé des essais sur la culture de l’Artemisia, il y a de cela très longtemps, à petite échelle avec L’ENSA, l’Ecole Nationale Supérieure d’Agriculture de Thiès. C’est lui qui m’a envoyé au Sénégal pour réaliser les essais agro sur l’Artemisia Annua. A la suite, En 2015, le projet maraîcher du Lion Vert a vu le jour à Tivaouane et avec lui, la plantation d’Artemisia dont je m’occupe aujourd’hui.
Quel est le but de la plantation du Lion Vert ?
A travers son projet agricole représenté par le Lion Vert, le Relais Sénégal perpétue son action sociale en favorisant une offre d’emplois durables au Sénégal. Ce projet est en partenariat avec « La Maison de l’Artemisia », une association de scientifiques des quatre coins de l’Afrique qui promeuvent cette plante médicinale si vertueuse. Le but ultime est de proposé un produit de qualité avec un prix adapté à la population Sénégalaise. Il faut qu’un jour par un moyen ou un autre quand on pense Palu, on pense Atemisia !!!
Qu’est-ce que la plante Artemisia ? Quelles sont ses propriétés et effets ?
La plante Artemisia est une astéracée aux vertus médicinales. La variété Annua nous vient de Chine où elle est utilisée, depuis des millénaires, contre les fièvres sévères. Elle est reconnue comme un excellent complément alimentaire, sans toxicité ni effet secondaire à travers de nombreuses études scientifiques pour le paludisme.
Soigne t-elle uniquement le palu ou opère t-elle également dans d’autres pathologies ?
En outre ses agents antipaludéens, la plante contient beaucoup de molécules différentes aux diverses actions. En effet, il s’avère que la plante est très efficace dans le traitement des maux de têtes, des problèmes intestinaux, du reflux gastrique. C’est également un excellent vermifuge et anti-oxydant. De plus, nous avons observé qu’elle permettait de stabiliser le taux de glycémie dans les cas de diabète de type 2.
L’Artemisia a beaucoup de propriété : antivirales, antibactériennes, antifungiques, antiinflammatoires, vermifuges, immunostimulantes, hépathostimulantes et digestives (probiotiques).
sur une étude clinique menée sur 1000 patients, au Congo, aucun effet secondaire n’a été relevé
On sait que le palu tue des millions de personnes dans le monde. Sachant l’artemisia efficace contre ce fléau, pourquoi n’y t-il pas plus de communication autour d’elle ? Pourquoi le basculement vers cette plante ne s’effectue-t-il pas ?
Nous sommes très actifs dans la communication autour de l’Artemisia relativement à nos moyens. Notre premier objectif est d’ailleurs de sensibiliser la population du Sénégal à cette plante. Mais face aux campagnes de firmes pharmaceutiques et leur visibilité aux quatre coins du monde, il nous est difficile de nous imposer et surtout de changer les mentalités septiques quand il s’agit de phytothérapie. Notre vecteur le plus efficace en termes de communication reste le bouche à oreille enrichi par les témoignages de patients ayant été convaincus et guéris par l’Artemisia.
Artémisia et l’OMS : un rendez-vous raté ?
Quelles sont les actions concrètes que vous avez menées en vue de soigner les malades ?
Depuis 1962, des études cliniques sont menées autour du monde. La maison de l’Artemisia a elle-même dirigé 6 études cliniques au Congo sur 1000 patients atteint du plasmodium falciparum, 98% d’entre eux ont été guéris.
Avez-vous noué des partenariats avec des dispensaires locaux, des hôpitaux, des médecins ?
Différents centres de soin du Sénégal sont déjà convaincus par les vertus de l’Artemisia et y offrent nos produits à leurs patients. Parmi ceux-ci nous pouvons citer les centres de soin de Thiès (le poste de santé de la maternité à côté de la cathédrale Sainte Anne, le poste de santé Rosa alferi à Ngaparou, L’hôpital de Dantec (ArtemisiaAfra), le Centre d’Action Sénégal à Saint-Louis, le monastère de Keur Moussa, L’AMSAH de Diourbel ( association Médina Toul pour la santé, l’assainissement et l’hygiène…
Le lobby pharmaceutique relève t-il d’un mythe ou est ce une réalité dont vous avez d’ores et déjà fait les frais ?
Personnellement, je n’ai pas encore subi les foudres des firmes pharmaceutiques. Mais leur lobby, n’est pas pour autant un mythe. Le film « Malaria Business », réalisé par Bernard Crutzen, est très révélateur et relate les enjeux et les conséquences du combat contre ces firmes.
Ceux au fait des propriétés de l’Artemisia ont-ils contacté l’OMS ? Quelles furent les réponses de cet organisme ?
Nous avons fait parvenir à l’OMS une très longue note reprenant les preuves et les témoignages en faveur de l’Artemisia. Ceux-ci n’ont pas souhaité se livrer à des discussions à ce sujet.
L’Artemisia est-elle sans danger ? A-t-on le recul nécessaire pour affirmer qu’il n’y a pas d’effets secondaires graves du type : mort subite ?
L’Artemisia est une plante médicinale efficace et sans danger. Il est évident que nous avons le recul et les preuves nécessaires pour pouvoir en témoigner. En effet, celle-ci étant utilisée depuis des millénaires déjà, son histoire seule le déclare. De plus, sur une étude clinique menée sur 1000 patients, au Congo, aucun effet secondaire n’a été relevé.
Existe-t-il des contre-indications quant à cette plante ?
Dans la cadre d’un traitement du paludisme, il faut éviter les apports de fer important et de vitamine C. Car en effet, la plante permet une meilleure libération et action du fer dans le sang. Or c’est de ce fer que le plasmodium tire sa force pour pouvoir se développer et grandir dans le corps du patient.
L’Artemisia relance le débat de la pharmacopée qui recèle de véritables trésors en son sein. Croyez-vous la recherche afin de favoriser ce genre de découvertes, suffisamment appuyée au niveau de l’Afrique notamment, au niveau du Sénégal en particulier ?
La recherche au niveau des plantes médicinales est toujours importante pour appuyer leur efficacité. Il est important de prouver scientifiquement, par des essais cliniques selon les normes de l’OMS, l’efficacité des plantes pour qu’elle soit reconnue et recommandée des institutions tel que l’ OMS.
L’Afrique ne gagnerait–elle pas à plus se pencher sur ses plantes et leurs propriétés thérapeutiques plutôt que sur les produits pharmaceutiques importés ? Et pour certains, créés à partir de substances que l’on peut trouver à l’état naturel dans les diverses plantes à portée de main ?
Oui bien sûr, surtout que 80% des molécules que nous retrouvons dans les médicaments conventionnels proviennent des plantes… Alors pourquoi ne pas travailler directement avec la plante à son état naturel ? Les avantages c’est que c’est directement accessible à la population, non issue d’une transformation chimique qui demande de gros processus et dés lors, augmente le prix des médicaments.
Si cette culture se répand dans l’entièreté du pays et même, à terme, dans le reste du continent, le paludisme ne sera alors plus qu’un lointain souvenir
Vous êtes-vous rapproché des instances gouvernementales afin qu’il y ait une plus grande vulgarisation de l’information concernant le résultat sur le palu imputé à l’Artemisia ?
Nous sommes évidemment conscients que les instances gouvernementales et supérieures offriraient une visibilité et une propagation bien plus importante des informations relatives aux vertus de l’Artemisia. J’ai d’ailleurs eu l’occasion, la semaine passée, de réaliser une séance de sensibilisation devant le médiateur de la République du Sénégal - Alioune Badara Cissé - ainsi que devant toute son équipe. C’est ce genre de contact dont nous avons besoin et nous ne nous arrêterons certainement pas là.
Envisagez-vous une campagne en ce sens - de vulgarisation - notamment dans les campagnes et villages les plus profonds ?
Nous entreprenons couramment des campagnes de sensibilisation dans des villages reculés du Sénégal, 1 à 2 fois par semaine. En effet, ceux-ci sont souvent les plus touchés par le paludisme et du fait de leur marginalisation, incapables financièrement et matériellement de combattre ce fléau. Au travers de nos sensibilisations, nous espérons surtout les motiver et les convaincre de produire eux-mêmes de l’Artemisia de façon autonome et autosuffisante. Si cette culture se répand dans l’entièreté du pays et même, à terme, dans le reste du continent, le paludisme ne sera alors plus qu’un lointain souvenir.
Comment financez vous lesdites campagnes ?
Nous fonctionnons selon un principe d’autofinancement. Les ventes de nos produits issus du projet maraîcher nous permettent de financer nos campagnes et autres projets de sensibilisation.
Quel est le bilan de la projection du film sur l’Artemisia projeté au CICES ? La réaction des gens, le bilan d’après projection ?
Le film étant projeté le 04 Avril, jour de l’indépendance du Sénégal, nous redoutions l’absentéisme lors de la séance. C’est avec grand soulagement que nous avons pu découvrir une trentaine de personnes, toutes curieuses et intriguées par cette plante aux vertus emplies de promesses pour demain. Le visionnage du film a été visiblement une révélation pour certains et pour d’autres, la source d’un questionnement naissant au sujet de la polémique pharmaceutique. Le débat qui s’en est suivi a été d’une richesse pertinente et a également permit de nouer de nouveaux contacts et partenariats utiles à la maison de l’Artemisia du Sénégal.
Artemisia Afra contre la bilharziose, la tuberculose et l’ulcère de Buruli, Moringa contre la malnutrition, Kinkéliba contre l’hypertension… l’odyssée de la pharmacopée n’en est qu’à ses débuts…
Comment vous même avez-vous été mis au fait des bienfaits de cette plante ?
Lors de mon séjour au Sénégal dans le cadre de mon mémoire, j’ai très vite, été témoin de l’efficacité et de la richesse génétique de cette plante.
Travaillez vous/Suivez vous en parallèle d’autres pistes pour d’autres plantes à même de soigner d’autres types de maladies ?
En parallèle à l’Artemisia Annua, nous travaillons également sur d’autres plantes aux vertus médicinales. Ainsi, l’Artemisia Afra, variété vivace, originaire d’Afrique, cousine de l’Annua, elle-même antipaludique, s’avère également efficace contre la bilharziose, la tuberculose et l’ulcère de Buruli. Nous étudions aussi le Moringa dans la lutte contre la malnutrition. De plus, le Kinkéliba se montre de plus en plus prometteur dans la cadre du traitement de l’hypertension.
Comment se sent-on lorsque l’on participe à une avancée aussi majeure et à même de sauver des millions de vies ?
A ce stade du combat contre le paludisme, je suis plein d’espoir et chaque jour un peu plus motivé à tout donner pour faire connaître cette plante. Mais parallèlement, je suis profondément dévoré de savoir que chaque deux minutes un enfant meurt sur la terre, dévasté par la malaria alors que ce remède est réel et à portée de main. Je serai totalement satisfait et heureux le jour où l’Artemisia sera cultivée partout autour du monde et que le paludisme aura disparu pour de bon.
Nous sommes au XXIème siècle. Les hommes vont sur la lune et reviennent, envisagent de coloniser mars, parlent d’Intelligence artificielle, de l’homme augmenté etc, selon vous, la Nature de la planète bleue a-t-elle fini de nous livrer ses secrets ?
Il est évident que la nature n’a pas fini de nous surprendre. Je suis convaincu que la majorité des plantes que nous connaissons à ce jour n’ont pas encore révélé tous leurs bienfaits, à cela, il faut ajouter toutes les espèces et variétés encore inconnues des botanistes.
Qu’est ce que ce combat vous a appris ? A-t-il changé votre sens des priorités ?
Ce travail est devenu bien plus qu’un métier, c’est une philosophie, une mentalité. Il m’a ouvert les yeux sur la réalité des enjeux économique, politiques et sociétaux. Il m’a également fait grandir et évoluer dans le sens où j’ai appris à revoir mes priorités, à les faire évoluer. C’est un combat qui vous change et clairement, quand on le rejoint, on ne veut plus en sortir.
Le documentaire Malaria Business traitant de la problématique malaria et Artemisia aura-t-il une vie mondiale ? Sera-t-il projeté sur diverses chaines de télé afin de propager l’information Artemisia ?
C’est évidemment notre plus grand souhait que le documentaire fasse le tour du monde. Il représente bien plus qu’une source d’informations sur l’Artemisia, c’est également une véritable mise à nu de l’histoire du paludisme, il est criant de vérités.
Avez-vous ne page crouwdfunding afin de financer une partie de vos interventions ?
Nous n’avons pas lancé pour le moment de projet de crouwdfunding pour nos interventions car nous fonctionnons par auto-financement comme je l’ai expliqué précédemment. Peut-être l’envisagerons-nous à un stade supérieur de notre développement...
Enfin, êtes-vous un parent du Van Damme éponyme expert en grand écart facial et autres phrases philosophico-personnelles dont lui seul saisit la profondeur ?
Génétiquement parlant, Jean-Claude Van Damme et moi ne sommes pas parent. Cependant, il est évident que nous partageons le même charisme. [Rires] J’espère cependant que je ne suis pas le seul à saisir la profondeur de mes propos sinon cela risque de rendre cette interview désuète. Plus sérieusement, outre le nom de famille, je crois que le trait de caractère qui nous rassemble le plus c’est notre détermination et combativité dans une bataille personnelle.