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Océane Harati : la culture au Sénégal sinon rien !

Océane HaratiOcéane Harati
Erick Ahounou
Écrit par Pauline Autin
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 janvier 2021

Grâce à une palette de connaissances, de savoir-faire et un réseau qu’elle entretient, Océane Harati incarne la jeunesse de tous les possibles. Spécialisée dans le secteur des arts et de la culture, cette franco-sénégalo-libano-vietnamienne jongle entre un poste de responsable presse pour la Dakar Fashion Week, une place au sein de la Galerie Antenna et le titre de rédactrice en chef du magazine Moov’in dak. Rencontre.

Une femme, de multiples origines, un mélange culturel heureux ?

Je suis un petit mix… Mon père est libanais, français, sénégalais et même flamand. Ma mère, française et vietnamienne. Donc en réunissant tout cela on arrive à un mélange assez atypique. Pour la petite histoire du côté de la famille libanaise, nos ancêtres rêvaient des Amériques mais ils ont débarqué en bateau au Sénégal.  Côté vietnamien, ma grand-mère fuyait la misère de l’après-guerre et avait vaguement entendu parlé du Sénégal par des amies. Côté français maternel, le marché était à prendre dans le domaine du vin. La famille de mon grand-père, Martre, était distributeurs de vin dans toutes les anciennes colonies françaises d’Afrique de l’Ouest. Pour ma part, je suis née en 1992 à Dakar. Petite j’ai grandi aux Almadies, puis à l’adolescence à Fann Résidence. Et désormais j’habite au Plateau. Ce mélange culturel n’a pas été toujours évident. Jeune je l’ai mal vécu. J’étais beaucoup trop différente et je ne trouvais pas ma place, même si par moment c’est toujours le cas aujourd’hui. De par le métissage culturel et le mélange des religions, je pense différemment, j’ai pris un peu de chacun pour me façonner mes propres idées et valeurs. Mon grand-père paternel nous disait souvent que nous étions différents. Et c’est le cas. Nous ne sommes pas français, libanais, sénégalais, vietnamien ou même flamand. Nous sommes tout cela à la fois et aucun n’est indissociable de l’autre.  Ce n’est seulement qu’à mes 17 ans et grâce à mes professeurs de lycée, et à la littérature, que j’ai compris que la différence était une bonne chose. Aujourd’hui j’en ai fait un atout. Pour être irremplaçable, il faut être différent.

 

Est-ce pour devenir irremplaçable que vous êtes parti étudier en France ?

Je rêvais d’aller faire mes études à Paris. Je suis partie en 2010 pour faire des études culturelles et avoir des diplômes valides reconnus dans le monde entier. Je suis allée à Paris faire une licence de « Médiation culturelle » à la Sorbonne Nouvelle spécialisée en « Musique et Danse » puis, pour le Master, j’ai été recruté par l’école concurrente de celle où j’envisageais d’aller. L’Ecole des Arts et de la Culture de Paris (EAC) m’a offert la chance à 21 ans de sauter une année et de faire mon MBA à distance. Je me suis donc retrouvée à suivre des cours par visioconférence à Dakar, en 2e année de MBA de « Manager de projets culturels » spécialisé en « Tourisme et Patrimoine » et « Industrie du disque et festivals ». De même je préparais un mémoire sur « Entreprenariat culturel au Sénégal : entre un besoin culturel émergent et une géopolitique à risque ». C’est ce dernier qui m’a permis de créer mon entreprise : « OH ».  Il était impensable pour moi de ne pas revenir au Sénégal. J’ai un amour inconditionnel pour mon pays (je parle bien du Sénégal). Paris a été pour moi une période de déception et d’exil même si je revenais régulièrement à Dakar. Ne pas revenir n’a jamais été une option. Si j’avais choisi ces études c’était pour exercer au Sénégal et nul par ailleurs.

 

Votre amour inconditionnel pour le Sénégal vous fait revenir vivre à Dakar. L’idée c’était de travailler dans le milieu des arts africains ou rien ?

En 2010, je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose en plus en Afrique. Quelque chose qui commençait à émerger. Comme une force invisible, une attraction, une dynamique, un état d’esprit qui me disait que tout est encore possible ici (au Sénégal). Ce n’était rien d’autre que « l’African Dream ». Et surtout on ne cessera jamais de le dire assez, nous avons absolument tout en Afrique. C’est un continent riche, riche de tout et surtout de ces différences. Je suis revenue définitivement en 2013, après avoir quitté le Sénégal en 2010. En 2013, je faisais à distance mon MBA. Donc mes journées étaient rythmées par mes cours et mon mémoire. Mais c’est là que j’ai recommencé petit à petit à relancer mon carnet d’adresses, réactiver mes contacts et me remette en selle.

Tout a commencé dans ma rencontre avec la galerie Antenna. En 2e année de licence, je ne supportais plus la France et je voulais tout arrêter. Je cherchais quelque chose sur Dakar pour convaincre mes parents de me laisser rentrer. J’ai vu sur internet que la galerie cherchait quelqu’un. J’ai postulé, j’ai rencontré feu M. Claude Everlé, directeur et propriétaire qui m’a offert un stage. Du coup à Paris, mon directeur d’étude m’a permis de passer mon 4e semestre à distance. M. Everlé a changé ma vie. Je n’avais jamais envisagé le métier de galeriste et encore moins dans l’art africain malgré mon amour pour l’Afrique. Lui m’a fait tomber dans la marmite. Et c’est depuis le décès de M. Everlé en 2015 que j’ai repris à plein temps les fonctions de manager de la galerie.

L’art dans mon quotidien ? J’en suis entourée toute la journée, donc il est omniprésent. De même que j’ai fait des études culturelles. Il s’agit déjà d’une grande partie de ma vie. Mais quand on sait qu’absolument tout ce qui nous entoure est culturel il n’est pas compliqué de l’intégrer dans son quotidien. C’est de l’oxygène en ce qui me concerne mais aussi et surtout ma plus grande liberté.

Océane Harati

Cette passion pour l’art est également perceptible dans la ligne éditoriale de Moov’in Dak depuis que vous en êtes la rédactrice en chef.  Là où Océane passe, on trépasse ?

Mon premier choix de carrière était le journalisme, donc autant dire que je suis bien tombée. Moov’in dak s’est fait un peu par hasard. Au fil de mes sorties dakaroises, j’ai rencontré Stanislas, le fondateur du magazine. Le magazine était à l’arrêt depuis quelques années mais il avait l’espoir de le relancer. A la base il s’agissait d’un magazine sur le monde de la nuit, les sorties, les restaurants… Pour avoir travaillé un peu dans ce secteur, je ne voulais pas retenter l’expérience. Stanislas m’a offert le poste de rédactrice et nous avons décidé d’orienter le magazine vers l’art, la culture, les talents, les entrepreneurs et sur toutes les jeunes personnalités de Dakar à qui les médias traditionnels ne donnent pas la parole. Choix éditorial que nous avons mis un an à appliquer et qui aujourd’hui est une réussite. 

 

Parmi toutes vos casquettes, il y en a une qui défile sur les podiums dakarois depuis votre rencontre avec Adama Paris…

En 2010, j’ai assisté à ma première Dakar Fashion Week. Je ne savais pas qu’un évènement tel que celui-ci existait, alors même que lycéenne j’avais à cœur de savoir tout ce qui se passait à Dakar. Donc je me suis dit qu’il y avait un problème. C’est à ce moment que j’ai réalisé qu’ayant vécu toute ma vie au Sénégal je n’étais qu’une petite blanche pleine de préjugés… Je n’aurai jamais imaginé autant de talents de la part des designers africains, alors que le monde entier vous vendait du Vuitton, Chanel etc… C’était une claque. J’ai donc parlé à un ami qui connaissait Adama en lui disant que j’aimerais apporter mon aide d’une façon ou d’une autre.

J’ai rencontré Adama après un bref appel. Je dois dire que j’étais impressionnée par son charisme, sa gentillesse mais aussi son accessibilité. Elle avait entendu que j’étais de différentes origines et c’est la première chose qui a fait qu’elle a voulu me rencontrer. Elle m’a prise comme assistante presse pour le dixième anniversaire de la Dakar Fashion Week. L’année suivante je devenais la responsable presse. La mode au Sénégal est explosive ! J’aime le mélange entre tradition et modernité qui est tellement particulier ici. Pour avoir fait six fashion weeks je dois dire que je suis toujours autant surprise par l’inspiration, par les différences mais aussi les similitudes de chacun. C’est beaucoup plus que de la mode, c’est un outil culturel, rassembleur, marqueur d’un temps et vecteur de beaucoup de rêves en plus d’être une véritable industrie culturelle qui joue un rôle prépondérant dans l’économie sénégalaise. Adama a été la première à me laisser une chance alors que d’autres, malgré mon expérience, me claquaient la porte au nez à cause de mon âge. Je lui dois beaucoup et notamment ma carrière.

 

Impressionnant. Déconcertant. Mais à quoi carburez-vous ?

Je ne sais pas, à l’envie peut-être ? J’ai la chance de faire des métiers qui sont pour moi des passions. Je n’ai pas l’impression de travailler bien au contraire. Tout cela fait partie de moi et me permet de m’épanouir. J’ai énormément de chance et si je pouvais faire plus, je le ferai. Mon emploi du temps est assez simple. Je me réveille très tôt pour faire soit du sport soit travailler sur Moov’indak. Puis j’enchaine la journée de travail à La Galerie Antenna et en rentrant le soir, je continue sur des projets plus personnels, ou bien je me repose. Mais j’avoue ne pas sortir énormément avec tout cela. Pour autant, je suis une fan du restaurant La Fourchette. J’aime l’ambiance et le melting pot. Sinon le Lagon 1 qui est un incontournable pour me relaxer. Pour un diner entre amis, le Coste et le Beluga.
 

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