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ART - Vers une restitution proche des œuvres du patrimoine africain ? 

Patrimoine africain, restitution, culture africainePatrimoine africain, restitution, culture africaine
Rois Béhanzin, Ghézo et Glélé
Écrit par Adrien Filoche
Publié le 7 mars 2018, mis à jour le 18 octobre 2018

Plus de 90 % des biens culturels de l’Afrique se trouveraient en dehors du continent noir selon Aminata Traoré, ancienne ministre malienne de la culture. Principale raison de cet exil patrimonial forcé : les pillages coloniaux orchestrés par les pays européens. La revendication africaine pour son héritage est forte, légitime, et semble avoir été entendue -enfin- par Emmanuel Macron.

Trônes des rois Ghézo, Glélé et Béhanzin, statues anthropomorphes ou autres regalia…  Une pléthore d’objets, symboles de la richesse culturelle du Bénin, est pourtant conservée bien loin du continent noir. Bon nombre de ces reliques ont été données à la France par le général Alfred Dodds après la conquête militaire du Dahomey entre 1892 et 1894. Une conquête parmi d’autres, qui explique l’éparpillement du patrimoine africain hors de son continent. Selon Yves Le Fur, le directeur du patrimoine et des collections du Quai Branly, plus de 300 œuvres exposées dans le musée proviennent du Gabon, de la Guinée équatoriale, du sud du Cameroun et l’ouest du Congo. Qui d’autre que l’Afrique pour récupérer sur son sol une grande partie de son patrimoine culturel ? Pour aller dans ce sens, Emmanuel Macron a nommé lundi un binôme d’experts chargé de mener ce vaste projet.

 

Deux ‘’personnalités incontestables’’ pour restituer son dû à l’Afrique  

"Le patrimoine africain (...) doit être mis en valeur à Paris, mais aussi à Dakar, Lagos, Cotonou (...) Ce sera l'une de mes priorités. D'ici cinq ans, je veux que les conditions soient réunies pour un retour du patrimoine africain à l'Afrique", avait affirmé en novembre dernier Le président de la République lors d’un discours à l'université de Ouagadougou. 

La mission de restitution est confiée à deux ‘’personnalités incontestables’’ en la personne de Bénédicte Savoy, membre du Collège de France, et Felwine Sarr, écrivain et universitaire sénégalais. Preuve que la démarche n’est pas prise à la légère. "S'il n'y a pas de conditions, de bonne conservation, s'il n'y a pas les professionnels pour les protéger, s'assurer qu'il n'y aura aucun trafic, aucune attaque, qu'elles ne seront pas perdues, nous ne ferions pas notre travail collectif", a estimé Emmanuel Macron.

Le rôle central de ces deux experts sera d’étudier les mécaniques de restitution et de protection des œuvres. Sans attendre les premiers résultats des travaux, le président français a d’ores et déjà coordonné des échanges d’œuvres entre la France et le Bénin, dont une partie provient de collections françaises exposées au Quai Branly. Afin d’assurer une parfaite cohérence et cohésion dans les échanges, Stéphane Martin, le président du musée parisien, décollera dans les semaines prochaines au Bénin. 

 

Une démarche saluée par l’Afrique 

La proposition du président français a assez logiquement enthousiasmé nombre de ses homologues africains, à l’instar de Patrice Talon, président du Bénin. "Ce qui nous intéresse c'est de pouvoir présenter ce patrimoine qui est le nôtre", a expliqué le chef d’Etat. Mais "nous le faisons, non pas dans un esprit de conflit, mais de coopération avec la France", notamment pour "faire du tourisme un pilier majeur de l'économie béninoise". Pour rappel, le président Talon avait déjà fait une demande officielle d'une restitution d'une partie du patrimoine béninois en juillet 2016.

La richesse africaine illumine musées, expositions et collections françaises. Selon Irénée Zevounou, ambassadrice du Bénin à l'Unesco, "4.500 à 6.000 objets (NDLR : béninois) sont en France, y compris dans des collections privées". 

La restitution ne sera cependant pas un long fleuve tranquille. Plusieurs objets africains sont difficiles à répertorier et leur origine n’est pas toujours claire. De plus, les démarches françaises de restitution risquent de se heurter à quelques barrières juridiques. De telles démarches demanderaient de changer la législation française en raison des principes "d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité des collections publiques". Affaire à suivre…

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Publié le 7 mars 2018, mis à jour le 18 octobre 2018

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