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COS’È ? – En Italie, les dialectes n’ont pas dit leur dernier mot

Si l'italien est la langue officielle en Italie, les dialectes semblent avoir encore leur place. Pendant longtemps, ils ont eu eux aussi le statut de langue officielle dans les différentes régions de la botte. Volonté politique, évolution naturelle, défense culturelle. Quelle est leur place dans l'Italie d'aujourd'hui ?

Bambino ou picciriddu ?
En Italie, le dialecte est aussi important pour une ville que son équipe de calcio ! Il n'est pas rare qu'un italien dise appartenir d'abord à une ville ou à une région avant de se dire italien. Cliché ? Pas tant que ça si l'on se réfère à la définition donnée par le dictionnaire Larousse : "un dialecte est un ensemble de parlers qui présentent des particularités communes et dont les traits caractéristiques dominants sont sensibles aux usagers". Par exemple, pour dire enfant qui se dit en italien bambino, un sicilien dira picciriddu. Le verbe "acheter" qui se dit comprare en italien, se dira (a)'ccattari en Calabre, caté dans le Piémont, ou encore cumprà dans les Abruzzes. Un sujet qui fait l'objet de bien des parodies !



L'italien, une langue tardivement reconnue


Dante serait le père reconnu de la langue italienne. En 1303, alors que l'italien est considéré comme une langue vulgaire face au latin, il écrit De vulgari eloquentia, un traité dans lequel il tend à en faire une langue propre à la littérature et à la poésie. En 1827, Alessandro Manzoni écrit la première version de I promessi sposi, un roman en italien qui encore aujourd'hui est proposé à tous les écoliers. Au moment de l'unification, en 1861, l'italien est reconnu langue officielle. Le premier recensement fait état d'un taux d'alphabétisation de 78%. Il faudra toutefois attendre le Risorgimento, puis plus tard Benito Mussolini pour que l'italien devienne langue officielle et obligatoire. Obligatoire pour un emploi dans la fonction publique ou dans le domaine juridique, mais aussi pour pouvoir passer en classe supérieure. Avant la seconde guerre mondiale, l'italien demeure une langue élitiste et les dialectes sont des langues officielles. Mais quand Mussolini arrive au pouvoir, il interdit les dialectes dans les écoles. Pour lui, ce qui fait l'unité d'une nation, c'est l'unicité de la langue. L'apprentissage de l'italien au travers des médias est aussi prétexte à la propagande fasciste. Il lance alors une campagne d'italianisation des termes étrangers. Le sandwich devient tramezzino, le football, calcio.

Les dialectes font de la résistance
A l'époque, alors que l'italien est la langue du cinéma au niveau national, de nombreuses productions conservent le dialecte. Qui n'a jamais vu un film avec l'acteur romain Alberto Sordi ? Son expression linguistique est un moyen de renforcer l'identité de ses personnages. Toutefois, si le cinéma diffuse la réalité de l'existence des dialectes, il n'empêche pas la diffusion de la langue commune.
Ces dernières années, le parti politique de la Ligue du Nord pour la Padanie (terme à connotation politique qui désigne l'Italie du nord et la plaine du Pô) a fait parler de lui en refusant de fêter les 150 ans de l'unification. Dans cette région, les différents dialectes sont encore fortement répandus. Considéré comme un parti extrémiste, la Lega est aujourd'hui un des seuls à s'interroger sur le sort des langues minoritaires non reconnues et non protégées. Trois générations n'ont pourtant pas suffit pour réduire les dialectes à une vision folklorique.

La langue, facteur identitaire d'autonomie
Un des domaines d'autonomie des cinq régions qui en Italie bénéficient d'un statut privilégié, est celui de la langue. Depuis 1948, l'État italien reconnaît le statut de langue officielle au français à côté de l'italien dans la Vallée d'Aoste, sauf dans le domaine judiciaire.
La langue officielle du Frioul-Vénétie julienne est l'italien. Toutefois, le frioulan, le slovène et l'allemand sont reconnus comme langues minoritaires.
Dans le Trentin-Haut-Adige, les recensements font état d'une population composée à 65% d'italiens, de 32% d'allemands et 3% de personnes parlant le ladin.
En Sardaigne, le sarde est encore parlé par 72% de la population. Une grande majorité des habitants est bilingue sarde-italien.
Enfin, en Sicile, si près de 90% des personnes comprennent le sicilien, il n'est plus  enseigné dans les écoles. D'après une étude de l'UNESCO en date du 28 avril 2011, le sicilien serait parlé par 5.000.000 de personnes, et est classé comme langue vulnérable dans l'Atlas des langues en danger.

Romain Designolle (www.lepetitjournal.com de Rome) ? mardi 8 octobre 2013

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