Co-rédacteur de l’ouvrage « 1000 ans de relations militaires franco-danoises" paru en 2014, il est chef du service historique de la Garde royale.
Eric s’intéresse et oeuvre au développement des relations entre les deux pays dans le domaine de l’histoire, de la culture et même de la gastronomie.
La Garde Royale danoise
La Garde royale danoise a été créée en 1658 par Frederic III. Elle avait et a toujours pour fonction de protéger les souverains et de former une unité d’élite dans l’armée danoise. Elle a pris part à tous les conflits depuis sa création notamment contre les Suédois, les principaux adversaires du Danemark pendant un certain temps, puis contre les Allemands et est actuellement présente sur différents fronts.
La conscription a été mise en place en 1849 au Danemark et à l’heure actuelle, c’est une armée de semi-conscription et semi-professionnelle.
La Garde royale est logée dans deux casernes dont celle de Rosenborg. Les gardes portent un uniforme bleu identique à l’initial de 1848 et sont armés d’un sabre dont on reparlera un peu plus tard.
Eric me fait visiter le musée de la Garde royale situé dans la caserne de Rosenborg et propose d’axer sa présentation sur les références à la France dans l’histoire de la Garde royale danoise.
La France et la Garde royale danoise
Eric commence par évoquer l’influence française qui se remarque d’abord par l’usage du français. La Garde est appelée à sa création vores Regiment de Garde til fods et même si l’allemand était la langue utilisée dans l´armée, très vite des mots en français ont été introduits comme celui de « tambour ». Les diplomates danois ont également écrit en français pendant longtemps. Et plus généralement le modèle d’organisation de l’armée française a été largement répliqué dans l’armée danoise.
Uniforme jaune
Nous nous arrêtons devant une vitrine où Eric désigne un uniforme jaune. Ce type d’uniforme a été utilisé de 1685 à 1710 suite au voyage du dauphin, le futur Christian V qui, avant de devenir roi, avait parcouru les cours européennes. À Versailles, lors de sa visite au roi Louis XIV, il remarque la couleur jaune des uniformes et à son retour au Danemark, il fait adopter l’uniforme jaune qui sera utilisé pour la garde et le combat.
Bonnet à poils
Dans une autre vitrine, Eric s’arrête devant le mannequin d’un garde portant un bonnet à poils, accessoire qui a été introduit en 1806.
Très peu d’archives anciennes (avant 1800) existent sur la Garde royale mais on pense que ce serait sous l’influence de Napoléon, très populaire à ce moment, et de sa Garde consulaire qui porte le bonnet à poils depuis 1800 que celui-ci aurait été choisi pour la Garde royale danoise.
Sabre briquet
Le sabre briquet est un modèle français qui date du règne de Napoléon. Il s’agit d’un butin de guerre : ces sabres ont été pris par les Prussiens aux Français durant les campagnes de 1813-1815.
Ceux-ci ont été par la suite donnés aux rebelles du Schleswig-Holstein pendant la guerre entre l’Allemagne et le Danemark en 1848-1850 et l’armée danoise s’en est saisi. En 1853, la Garde royale danoise demande à être équipée de ce sabre car ils sont très appréciés pour leurs caractéristiques techniques. La plupart des sabres qui sont encore en possession de la Garde royale sont en fait des copies prussiennes, vendues donc aux insurgés et confisquées par l’armée danoise. Dans les 2500 sabres de la Garde royale, 5 à 10% sont français et avaient été fabriqués à Klingenthal (qui veut dire vallée des lames) en Alsace.
Les conscrits de la Garde royale portent toujours ce sabre et c’est sans doute la seule unité au monde qui utilise un sabre, butin de guerre pour monter la garde auprès d’un souverain !
Le Prince Aage
Eric est très ému et ravi car il y a deux mois, le musée de la Garde royale a pu acquérir la barrette militaire du Prince Aage qui permet de restituer tout son parcours. Dans la même vitrine, on peut y voir une autre acquisition récente : celle d’un portrait du Prince encore très jeune et ne portant encore aucun insigne.
Le Prince Aage est le petit-fils du roi Christian IX, appelé le « beau-père de l’Europe », car quatre de ses six enfants ont été mariés dans d’autres maisons d’Europe.
Le Prince Aage (né en 1887 à Copenhague et mort en 1940 au Maroc) est le fils ainé du Prince Valdemar et de la Princesse française Marie d’Orléans qui sont très aimés du peuple danois ; ils sont considérés comme très modernes et parmi les premiers, par exemple, à avoir possédé une voiture au Danemark (qui est exposée au Musée technique à Elseneur).
Le Prince Aage rejoint la Garde royale en 1907 où il reste jusqu’en 1922.
Il est aux cotés de l’état-major de l’armée grecque dans les Balkans en 1913. Après la Première Guerre mondiale, il fait un stage dans un bataillon de chasseurs alpins à Metz.
En 1922, le prince Aage décide de rejoindre les rangs de la Légion étrangère française. Clin d’oeil à l’Histoire, car il est l’arrière-arrière petit-fils de Louis Philippe qui a créé la Légion étrangère en 1831.
Le Prince était très apprécié aussi bien à la Garde royale qu’à la Légion étrangère pour sa façon simple et moderne de diriger ses troupes.
Il meurt en 1940 au Maroc. Il est d’abord enterré à Casablanca mais le Prince avait exprimé le souhait d’être enterré au carré de la Légion étrangère de Sidi-bel-Abbès en Algérie. Il y reçoit en 1947 des hommages officiels et y repose jusqu’en 1962, date à laquelle sa dépouille avec celles du général Rollet et du légionnaire Zimmerman sont transférées au carré de la Légion étrangère du cimetière de Puyloubier (dans les Bouches-du-Rhône).
Le Prince Jean
Toujours dans cette vitrine, on peut observer le portrait du Prince Jean d’Orléans, frère de Marie d’Orléans (et donc oncle du Prince Aage) qui est venu faire son service militaire au Danemark car il ne pouvait pas suivre en France de formation militaire. C’est également un personnage important dans l’histoire de la Garde royale.
Il a été à la Garde royale et à l’académie des officiers. Pendant son séjour, il fréquente les antiquaires et rassemble des objets, des livres, des gravures sur la Garde royale. Il fera ensuite don de cette collection de plus de 2500 pièces permettant de démarrer ainsi la constitution d’un fonds sur l’histoire de la Garde royale. Il donnera également une somme d’argent au chef de la Garde royale dont les rentes financent encore la publication d’un livre d’histoire sur la Garde royale. Le livre que l’on appelle « le livre du Prince Jean », est toujours donné en souvenir aux gardes. Le livre est en danois et a été traduit en anglais, le rêve d’Eric serait qu’il existe aussi un livre en français en honneur du Prince Jean !
La Garde royale intervient encore actuellement dans toutes les opérations en appui de l’armée danoise comme au Mali où s’est rendu Eric à deux reprises, au Kosovo, en Irak et sur les mers.
L’armadillo
Eric termine son tour en me parlant du symbole de l’armadillo qui est entré récemment dans l’histoire de la Garde royale.
Lors d’une mission au Kosovo, un 4e groupe rejoint trois autres déjà présents sur le terrain mais il est équipé avec du matériel plus ancien notamment des chars à chenilles.
L’officier de la garde royale en charge de ce groupe, le commandant Anders Johan Stæhr Storrud, va en sorte de pied-de-nez à cet équipement un peu dépassé, choisir l’armadillo (ou tatou, mammifère américain) comme symbole et le peindre sur ses véhicules. Cet insigne n’a rien d’officiel mais envoyé ensuite en Irak et en Afghanistan, l’officier continue à utiliser l’armadillo en signe d’appartenance à une même unité. Il est tué au combat en octobre 2017. Pour honorer le commandant Storrud, un insigne avec le fameux armadillo est donné aux hommes de cette compagnie à leur retour d’opération. Et c’est ainsi que l’armadillo a désormais sa place dans la Garde royale danoise ! Le nom d’armadillo est également utilisé pour designer une base identifiée comme stratégique par le commandant Storrud en Afghanistan.
Nous remercions Eric de nous avoir permis de découvrir ce musée et de connaitre un petit peu de l’histoire de la Garde royale danoise.
Différents projets sont en cours que nous ne pouvons pas encore dévoiler mais suivez les futures publications de Lepetitjournal.com Copenhague pour vous tenir au courant !
Pour information :
La Garde royale défile tous les jours en musique en partant de la caserne de Rosenborg à 11h30 en traversant Gothersgade et quelques rues piétonnes du centre ville. Elle arrive à midi au château d’Amalienborg pour effectuer la relève de la garde.
Dans le courant du mois de mars, la Reine quitte son palais d’hiver, le palais d’Amalienborg pour sa résidence d’été, le château de Fredensborg.
La garde arrête de défiler à ce moment-la mais reprend dès le retour de la reine en automne.
La relève de la garde a, elle, toujours bien lieu tout au long de l’année car les gardes ont aussi pour mission de garder le château d’Amalienborg.