Édition internationale

CHINE – Pékin une nouvelle fois face à ses minorités

Après le Tibet, c'est au tour du Xinjiang d'être le théâtre de combats entre les forces de l'ordre chinoises et une minorité ethnique se sentant réprimée. 156 morts et 828 blessés, voici le lourd bilan d'une manifestation protestataire ouïghour qui a mal tourné et dont chaque partie se renvoie aujourd'hui la responsabilité 

(Rédaction Internationale) - De violents affrontements urbains dimanche dans la province autonome du Xinjiang (Nord Ouest de la Chine) ont coûté la vie à 156 personnes et en ont blessé 828 selon les derniers bilans officiels (Capture vidéo CCTV). Ces évènements sanglants ont opposé à Urumqi, capitale de la région, les peuples ouïghour (musulmans turcophones) et han (ethnie majoritaire en Chine). 20.000 policiers, militaires et pompiers ont été dépêchés sur place pour calmer la situation. Parmi les 3.000 à 10.000 manifestants, la police aurait procédé à 700 arrestations. Si Urumqi est depuis lundi ville morte, un autre rassemblement de 200 Ouïgours a été dispersé à Kashgar.   

Deux thèses qui s'affrontent
Les raisons de cette montée de violence sont encore floues et comme pour la révolte tibétaine de l'année passée, la version officielle de Pékin est bien différente de celle avancée par la minorité "dissidente". Selon un responsable chinois cité par l'agence officielle Chine nouvelle: "Il s'agit de violences criminelles qui étaient préméditées et organisées". Selon lui, les manifestants avaient reçu l'ordre de la part des leaders Ouïghours en exil à l'étranger et dans les provinces voisines de saccager voitures et commerces et d'agresser la population han. Son de cloche bien différent du côté des Ouïghours qui réfutent toute préméditation. Ils expliquent qu'une manifestation pacifique avait été organisée pour protester contre la répression subie par leur peuple. Le mouvement serait né du passage à tabac de deux ouvriers ouïgours par leurs collègues hans dans la région de Canton après que ceux-ci aient été accusés sur Internet d'avoir violé deux fillettes. Selon le Congrès ouïghour mondial exilé en Suède, le rassemblement aurait dégénéré après que les forces de l'ordre se soient mises à tirer au hasard sur la foule. 

Tibétains et Ouïghours, même combat
Bien moins médiatiques que les Tibétains, les Ouïghours ont pourtant beaucoup de points communs avec eux. Les deux peuples sont fortement réprimés par le gouvernement chinois qui souhaite ainsi neutraliser tout mouvement séparatiste. "Les Hans étouffent les Ouïghours", explique Jean-Vincent Brisset, de l'Institut de relations internationales et stratégiques. Bien que majoritaires dans la région du Xinjiang, les 8,3 millions d'Ouïghours n'ont pas le contrôle économique ou politique de la région et leur culture est aujourd'hui de plus en plus menacée. Pékin justifie cette répression par les liens qu'entretiennent certains Ouïghours extrémistes avec Al-Qaïda, faisant ainsi de toute action de colonisation un devoir de "lutte contre le terrorisme". "Ils nous accusent afin de détourner l'attention des Ouïghours de la discrimination et de l'oppression qui ont provoqué cette manifestation", a déclaré Dilxat Raxit, porte-parole du Congrès ouïghour mondial.

Réactions de prudence
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a déclaré que les différends devaient "se résoudre pacifiquement, par le dialogue"et a affirmé que le droit de manifestation faisait partie des "principes de base de la démocratie et c'est ce à quoi j'exhorte à nouveau tous les pays du monde". Les Etats-Unis, qui ont soutenu la Chine dans sa lutte contre le terrorisme, ont appelé "tout le monde à faire preuve de retenue au Xinjiang".
Si la personnalité charismatique du Dalaï Lama avait réussi à sensibiliser le monde à la cause des Tibétains, les Ouïghours sans leader de ce standing espèrent néanmoins que cette horrible tragédie leur serve à attirer les projecteurs de la communauté internationale sur leur situation.
Damien Bouhours (www.lepetitjournal.com) mercredi 8 juillet 2009
 

En savoir plus sur les Ouïghours du Xinjiang :

Lire l'article de notre édition de Shanghai : ACTUALITE-La tension monte dans le Xinjiang
Article du Parisien, Chine : des exilés ouïghours dénoncent la répression
Article de l'Express, "Pour Pékin, le Xinjiang est plus dangereux que le Tibet"
Article du Monde, "Pékin veut lier les Ouïgours au terrorisme pour justifier la répression"

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