Les entreprises pharmaceutiques du monde entier restent sur la brèche dans la lutte contre la COVID. Des collaborations se mettent en place pour développer de nouveaux traitements mais la concurrence est rude comme l’illustrent les annonces récentes dans la presse indienne à propos d’un antiviral, le Molnupiravir, mis en vente depuis le début de l’année.
Qu’en est-il de ce médicament présenté par certains comme miraculeux ? Nous tentons d’y répondre en s’appuyant entre autres sur les consignes de la Food and Drug Administration (FDA) américaine chargée de délivrer les autorisations de mise sur le marché des médicaments aux USA.
Bon à savoir : la Commission de transparence de la Haute Autorité de Santé en France n'a pas validé le Molnupiravir en accès précoce l’estimant insuffisamment efficace.
Une recherche pharmaceutique très active
Les annonces de mise au point de nouveaux traitements et médicaments se succèdent à l’échelle mondiale. En Inde, fin décembre 2021, l’instance chargée du contrôle des médicaments, le DCGI, a ainsi autorisé deux nouveaux vaccins et un nouvel antiviral.
Jusqu’ici, le pays disposait de trois vaccins : Covishield, Covaxin et Spoutnik 5. La palette s’élargit donc aujourd’hui avec :
- Corbevax, un vaccin développé par une société américaine et produit par l’entreprise indienne Biological-E à Hyderabad
- Covovax, fabriqué par le Serum Institute of India à Pune, sous licence de la société américaine Novavax
Ces deux vaccins correspondent à la catégorie des vaccins à protéines recombinantes. Ce ne sont pas des vaccins génétiques de nouvelle génération à ARN messager ou ADENOvirus.
Parallèlement, le DCGI a aussi autorisé une nouvelle molécule, le MOLNUPIRAVIR, destinée à traiter la COVID pour des formes modérées. Treize entreprises indiennes sont sur les rangs et rivalisent pour emporter ce nouveau marché.
Le lancement du Molnupiravir en Inde
Depuis le début d’année, la presse régionale et nationale fait les gros titres sur « la nouvelle pilule antivirale ». Différentes marques sont commercialisées mais il s’agit de la même molécule de base, le Molnupiravir.
Le Molnupiravir a été mis au point par la société américaine Merck Sharpe Dohme (MSP) qui a passé un accord avec treize entreprises pharmaceutiques indiennes pour sa fabrication. Parmi ces entreprises indiennes, Dr Reddy’s Laboratories qui vend le produit sous le nom de « Molflu », développe une campagne commerciale très agressive avec pour argument le prix : "le traitement le moins cher du marché". 1400 roupies pour une traitement complet alors que les autres marques vont de 1500 à 2500 roupies. Dr Reddy’s Laboratories annonce qu’il est en mesure de répondre à l’ensemble des besoins de l’Inde et de fournir plus de cent autres pays à revenu faible et intermédiaire.
La société Cipla vend le médicament sous le nom de « Cipmolnu 200 » ; Sun Pharma sous le nom de « Molxyr ».
Qu’est-ce que le Molnupiravir ?
La molécule est issue de la recherche du laboratoire américain Merck. Les essais cliniques de phase III ont été menés en Inde, comme c’est souvent le cas aujourd’hui pour des raisons de coût. A l’origine, la molécule était destinée à lutter contre la grippe.
Le principe est d’introduire des erreurs dans le code génétique du virus, ce qui va l’empêcher de se répliquer.
La vente du produit se fait sous forme de capsules, à prendre par voie orale. Les capsules doivent être oranges, avec en impression le logo de Merck et le chiffre 82.
La posologie indiquée est de deux fois 800 mg par jour pendant cinq jours. Les capsules étant dosées à 200 mg, il en faut donc quarante pour un traitement complet.
C’est un des arguments de vente des pharmaciens : un traitement court donc peu contraignant, et bon marché.
Les annonces dans la presse, qui s’apparentent à de la publicité, parlent peu des restrictions d’utilisation. Pourtant, la FDA, dans sa motivation d’autorisation, appelle à la prudence.
Le Molnupiravir, à utiliser avec précautions, une mise en garde du Conseil indien de la recherche médicale
Une semaine après la mise sur le marché, le président du Conseil indien de la recherche médicale (ICMR) mettait en garde contre l’utilisation du médicament sans restriction. Il a ainsi déclaré que le Molnupiravir pouvait provoquer des changements permanents dans le matériel génétique et provoquer des anomalies fœtales. Il ajoute que le médicament peut également causer des dommages aux muscles et cartilages.
Le responsable du Conseil indien insiste sur les contre-indications pour les femmes enceintes et allaitantes et d’une façon générale pour les jeunes de moins de 18 ans.
Le courrier de la FDA à la société Merck, du 23 décembre 2021, appelle également à la prudence. La signataire, responsable scientifique de la FDA, dit « qu’il est raisonnable de croire que le Molnupiravir pourrait avoir un effet bénéfique dans le traitement de la COVID ». Elle précise les conditions de mise en œuvre de l’autorisation d’urgence délivrée à Merck.
Le traitement est destiné à des patients présentant des symptômes modérés avec une saturation en oxygène dans le sang (SpO2) >93% et dont le risque de progression de la maladie est élevé, pouvant entrainer l’hospitalisation ou la mort.
Le Molnupiravir ne doit pas être:
- délivré aux moins de 18 ans
- délivré aux patients déjà hospitalisés
- administré au-delà de cinq jours consécutifs
- utilisé comme traitement préventif.
Selon la FDA, le médicament devrait systématiquement faire l’objet d’une prescription par un professionnel de santé.
DONC à utiliser avec prudence et uniquement sur décision médicale.