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Ravi Viswanathan, gourou du vin en Inde et président de GROVER ZAMPA

Ravi Viswanathan gourou du vin en IndeRavi Viswanathan gourou du vin en Inde
Ravi Viswanathan dans ses vignobles à Nandi Hills dans le Karnataka
Écrit par lepetitjournal.com de Chennai
Publié le 6 mars 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

A l’occasion d’un événement « Wine & cheese » organisé par le Club des Entrepreneurs Français de Pondichéry (CEFP), Anita de Cananga, vice-présidente du Club, a pu s’entretenir avec Ravi Viswanathan, gourou du vin en Inde et président de GROVER ZAMPA, venu présenter en exclusivité de nouveaux vins, qui seront mis sur le marché en avril 2023.

 

Ravi Viswanathan a quitté Pondichéry à l’âge d’un mois afin de rejoindre son père, franco-pondichérien, parti faire des études de lettres à Dijon, en France. Il passe son enfance entre la France, les Dom-Tom et d’anciennes colonies françaises en Afrique, suivant les mutations de son père, professeur de lettres. Après des études d’ingénieur, il devient banquier d'affaires, « un peu par accident » selon lui. En 2013, avec deux amis, ils décident de se lancer dans l’investissement en montant plusieurs fonds à Singapour. Deux d’entre eux sont focalisés sur l’Inde : un sur le vin, et l’autre sur les produits de consommations pour classe moyenne en Inde.

 

Anita de Cananga : D’où est venu votre idée d’investir dans Grover ?

Ravi Viswanathan : Pendant ma carrière de banquier d'affaires, je suis souvent venu en Inde pour des transactions avec les grands groupes indiens et j’ai découvert depuis le milieu des années 90 que l’Inde produisait du vin, et que à ma surprise, il n’était pas mauvais ! Lorsque nous avons monté notre fonds d’investissement en 2013, il s’est trouvé qu'au même moment la société Grover avait besoin d’argent. Comme je connaissais le patron, à force de boire ses vins pendant des années, nous avons décidé d’investir un peu, et en 2018, notre fonds a pris le contrôle de la société en devenant actionnaire majoritaire.

 

Affiche de l'événement sur les vins à Pondichéry
Evènement “Wine & Cheese” au Spot Pondichéry @CEFP/Sree Studios

 

 

La consommation de vin a-t-elle augmenté en Inde d’années en années ? Dans quel État, la consommation de vin est-elle de plus en plus importante ?

Prenons deux exemples qui expliquent assez bien l’évolution de la consommation de vin en Asie : le Japon et la Chine.

Dans les années 60, au Japon, la consommation de vin était de zéro. En 20/25 ans, les Japonais sont passés de zéro à quatre ou cinq bouteilles par habitant par an. Maintenant, c’est à peine plus, mais c’est de l’ordre de cette grandeur-là. Sachant que la moyenne mondiale est de 6 bouteilles par habitant par an. Le record, c’est bien sur la France et l’Italie : plus de 50 bouteilles par habitant et par an. Ce qui fait une bouteille par semaine, y compris les enfants !

La Chine a un peu le même parcours :  tout a commencé à la libéralisation économique en Chine, dans les années 90. Aujourd’hui, trente ans plus tard, la Chine est devenue le premier marché au monde par la taille, et non pas en consommation par habitant, qui est de trois bouteilles par an aujourd’hui.

 

Ce que l’on sait sur le marché indien et ce que l’on a vu depuis ces dernières années nous laissent penser que, dans 25 ans, l’Inde deviendra le premier marché en taille absolue.

La consommation, hors pandémie, croit naturellement de 20 à 25 % par an.  Surtout dans les grandes villes, et surtout parmi les femmes et les jeunes diplômés.

Les hommes plus âgés, eux, consomment plutôt du whisky, dans le nord de l’Inde, et du Brandy dans le sud. Au fil des années, nous avons réalisé qu’il ne sert pas à grand-chose de dépenser de l’argent en marketing pour les convaincre de changer.

 

Il vaut mieux s’adresser aux jeunes, qui représentent un marché d’avenir beaucoup plus important (les jeunes Indiens boivent beaucoup moins de whisky que leurs pères) et de s’adresser aux femmes qui très rapidement vont devenir la moitié de nos consommateurs.

Il faut savoir qu’aujourd’hui, en Inde, les consommateurs de whisky sont à plus de 95 % des hommes et une poignée infimes de femmes. Et c’est pareil pour tous les alcools bruns.

Des études nous montrent que :

  • le vin qui est consommé dans nos domaines, c’est 50/50 hommes/femmes,
  • le vin qui est consommé à la maison, donc acheté dans les magasins, ce sont plus de femmes que d’hommes,
  • le vin consommé dans les restaurants, c’est un tout petit peu plus d’hommes que de femmes.

 

Verre de vin blanc et verre de vin rouge

 

 

Les femmes consomment elles du vin blanc ou du vin rouge ?

Les femmes consomment plutôt du vin blanc et du champagne. Pour des raisons un peu absurdes, le vin blanc est vu comme étant plus féminin, et moins alcoolisé que le rouge ! Ce qui n’est absolument pas vrai. Et surtout, ce sont les hommes qui ne veulent pas être vu en train de boire du vin blanc.

 

Aujourd’hui combien de vin produisez-vous ?

Aujourd’hui, nous avons 4 cuveries en Inde, avec une capacité totale de 4 millions de litres en cuve. Les vignobles sont à Nandi Hills dans le Karnataka et dans la vallée de Nashik dans le Maharashtra. 

 

Le marché du vin en Inde est estimé à presque 30 millions de litres par an. Nous représentons donc presque 15 % du marché total. 

Les Indiens préfèrent souvent consommer des vins importés plutôt que des vins produits en Inde, même si le prix des vins domestiques est ⅓ du prix des vins importés ! 

Grover-Zampa, qui cumule un nombre impressionnant de récompenses internationales, est aussi le plus gros exportateur de vins vers plus de 18 pays, principalement la France, le Japon, l’Allemagne, les USA, le Royaume-Uni, la Belgique et la Finlande.

Les 3 dernières années (covid, lockdown/fermeture des frontières et augmentation des prix du frêt) ont affectées les exportations : de 15/18 %, elles sont passées à 10 % les deux dernières années. Mais nous sommes confiants pour la reprise.

 

Pouvez-vous nous dire également comment vous transportez le vin une fois qu’il sort de votre usine ? Comment se passe la distribution dans les différents États ?

Il faut demander un permis aux autorités pour transporter les bouteilles de nos cuveries à l’endroit final de destination et, selon les états, elles seront stockées dans un entrepôt qui est contrôlé par l’État, ou contrôlé par une société privée sous licence. En général cela demande de 12 à 24 heures de trajet, vu les distances en Inde ! 

Le transport se fait dans un camion fermé : si ce sont des vins de très haute qualité, donc avec très peu de souffre, nous mettons de la neige carbonique pour maintenir une température adéquate, si ce sont des vins d’entrées de gamme, il n’y en a pas vraiment besoin car ils contiennent suffisamment de soufre pour les protéger pendant le trajet. Une fois arrivés dans les entrepôts, ils sont relativement bien gérés en termes de contrôle de température.

 

Le problème n’est pas tant au niveau du transport ou des entrepôts, le risque est plutôt au niveau des magasins, des restaurants ou des hôtels.

Malheureusement, les bouteilles sont souvent stockées dans des endroits où il fait très chaud et sans aération… le consommateur indien qui est relativement au fait des problèmes de conservation est très défiant vis-à-vis des millésimes anciens. Si on lui propose plusieurs millésimes, il choisira le plus jeune, alors que le consommateur français fera exactement l’opposé !

 

bouteilles de vin Grover au Spot restaurant de Pondichéry
Evènement “Wine & Cheese” au Spot Pondichéry @CEFP/Sree Studios

 

 

Quel est le coût du vin en Inde en règle générale ? Et pourquoi le vin en Inde est-il plus cher que le vin que l’on trouve en France ?

En France, pays de longue tradition viticole, la réglementation, les droits sur les alcools ont toujours été relativement modérés. Maintenant, le vin est soumis à la TVA, c’est presque 20%. Sur les alcools « purs » comme la vodka ou le Ricard, il y a quelques droits supplémentaires, mais ce n’est pas une grosse partie du prix. 

 

En Inde, l’alcool est un domaine réservé aux États, et non à l’État central et c’est la principale source de revenus des États, avec l’essence.

La politique entre chaque État varie beaucoup, mais dans de nombreux Etats, les taxes sont absolument énormes et elles peuvent représenter plus de la moitié du prix de vente au consommateur.

 

Par rapport au Tamil Nadu, Pondichéry impose une taxe sur le vin plus faible ?

Historiquement beaucoup plus faible. Mais il y a des États où la taxe est encore moins élevée : le Karnataka est beaucoup plus progressif, entre autres parce qu’une grosse partie de la production de vin est au Karnataka et ils veulent encourager cette activité économique, l’activité agricole liée au vin.

 

 

Vous renouvelez très souvent votre gamme de vins, quelles en sont les raisons ? 

La classe moyenne indienne grossit, s’enrichit, voyage de plus en plus… Et donc leur goût évolue tous les ans. Pour être en ligne avec ce phénomène, nous essayons de nous renouveler régulièrement :  tous les ans, nous lançons de nouvelles étiquettes avec des nouveaux cépages, de nouvelles technologies ou quelque chose de différent. 

 

Il y a une grande différence entre le vin, le whisky et la bière : vous pouvez boire le même Johnny Walker toute votre vie, la même Kingfisher toute votre vie, en revanche, jamais personne ne va vouloir boire la même bouteille de vin deux jours de suite !

Il y a un besoin de renouveau dans le vin qui n’existe pas dans le whisky ou la bière. Il faut donc se renouveler constamment : créer de nouvelles étiquettes, de nouveaux cépages, de nouveaux assemblages, etc. Nous faisons cela très régulièrement, tous les ans ! 

Avril arrive, donc le début de l’année fiscale en Inde, et on va lancer quelques nouveaux vins… 

 

A découvrir très vite chez vos cavistes…

 

 

Lepetitjournal.com de Chennai remercie chaleureusement Ravi Viswanathan et Anita de Cananga pour cet entretien.

 

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé.

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