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Natraj : “La danse est une expression des émotions, de la musique et de soi.”

Un cours de danse avec Natraj dans son studio Dance Extreme à ChennaiUn cours de danse avec Natraj dans son studio Dance Extreme à Chennai
Écrit par lepetitjournal.com de Chennai
Publié le 28 avril 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

La danse sous toutes ses formes fait partie inhérente du paysage culturel et religieux de l’Inde. Toutes les opportunités sont bonnes pour danser, fêtes familiales, festivals religieux, célébrations dans les entreprises… sans oublier les danses dans les films qu’ils soient de Bollywood, Tollywood, Kollywood ou autres. Le meilleur exemple du succès de la danse en Inde est la récompense attribuée par le jury de la 95ème édition des Oscars à Naatu Naatu, la chanson du film telougou RRR (qui a aussi remporté le Golden Globe Award), les pas de danse des deux acteurs principaux ont fait le tour du monde.

 

En 1982, le comité international de la danse de l’Institut international du théâtre (ITI), une ONG associée à l’UNESCO, a décrété le 29 avril comme la journée internationale de la danse. À cette occasion, Natraj, danseur, chorégraphe, professeur et directeur créatif du studio de danse Dance Extreme à Chennai nous fait partager ses considérations sur l’impact des plateformes sociales et plus particulièrement des vidéos YouTube et des reels Instagram sur la facon d'appréhender la danse.


 

Natraj danseur, chorégraphe et professeur à Chennai
Natraj - Photo Natraj Studio Dance Extreme


lepetitjournal.com : Bonjour Natraj, peux-tu nous expliquer ce que représente la danse pour toi ?

Natraj : La danse est une expression corporelle des pensées, des émotions, de la musique et de soi-même. Mais la danse fait bien plus que ce que l'on croit ! 

Elle crée et renforce les liens, le travail d'équipe au sein d'une communauté, formelle ou non, elle fait naître une alchimie entre les couples, améliore la discipline et la concentration chez les enfants et fait des merveilles pour les personnes souffrant de troubles du comportement et de problèmes sociaux. Il y a un grand afflux d'enfants et d'adultes neurodivergents dans les cours de danse. 

 

En outre, la danse enseigne le respect mutuel. En fait, selon la base de données mondiale des Nations unies sur la violence à l'égard des femmes, l'indice d'inégalité entre les sexes est nettement inférieur dans les pays où les formes de danse avec partenaire font partie de la culture. Tout simplement parce que tout le monde est égal sur une piste de danse ! 

La danse est également la forme d'art qui embrasse et met fièrement en valeur la communauté LGBTQ. La majorité des meilleurs chorégraphes de jazz funk du monde entier ne sont pas hétérosexuels. Il n'y a pas de meilleur moyen que la danse pour ressentir et apprécier la fluidité et la beauté des genres ! 

Je suis enseignant depuis plus de 18 ans et j'entends souvent la question suivante : "J'ai 40 ans ou plus de 40 ans, j'ai toujours voulu apprendre la danse, mais ma famille ne me l'a jamais permis. Est-il trop tard pour apprendre maintenant ?" Il est absurde d'être limité par un nombre, une forme ou un poids. J'ai beaucoup de femmes au foyer comme élèves qui assistent à mes cours pour briser la banalité de leur vie.

 

Un groupe d'enfants dansant avec Natraj à Chennai
Photo Natraj Studio Dance Extreme

 

Selon toi, quels sont les bienfaits de la danse ?

La danse constitue une base solide pour la socialisation et offre un espace sûr, sans jugement, pour évacuer le stress de la vie quotidienne. Le fait que la danse permet aux hommes de se sentir bien est étayé par des données scientifiques. La danse est une activité qui stimule à la fois la dopamine et les transmetteurs H et N que sont la sérotonine, l'ocytocine, les endorphines et les endocannabinoïdes. Leurs impacts sur la sensation de bien-être ont été prouvés et la danse en tant que thérapie gagne en popularité dans le monde entier. 

L'amélioration de la métacognition confère également à la danse un avantage vital. Cette forme d'art exige de comprendre les différentes couches de la musique, la différence entre un rythme et une pulsation, tout en étant dans l'absolu de la chorégraphie et de l'exécution. 

Pour les enfants, c'est un moyen simple et facile d'être conscient de l'espace qui nous entoure, d’être sensibilisé à la conservation de l'énergie, au mouvement et au contrôle du corps dans un espace donné. Ces compétences sont également très utiles en dehors d'un cours de danse.

 

Par exemple, être conscient de l'espace est particulièrement utile lorsque nous sommes en déplacement. Ma conscience de l’espace autour de moi et mes capacités d'anticipation que la danse m'a enseignées me sont très utiles dans la pratique de la conduite, par exemple !

 

Aujourd’hui, les plateformes de réseaux sociaux sont envahies de vidéos où l’on voit des gens danser. Penses-tu que la diffusion de la danse par ces nouveaux moyens de communication soit positive ?

Il est frappant de constater que la danse a gagné et atteint l'attention des masses par le biais de plateformes de réseaux sociaux telles que les videos YouTube et les reels Instagram. Cependant, cela a aussi largement dilué l'art ! 

Les gens, en particulier les parents, recherchent une gratification instantanée avec une vidéo. L'accès à une vidéo supprime complètement la vitalité de la rétention et de la mémoire musculaire. Les enfants ne font pas l'effort de se souvenir de la chorégraphie. Une pratique régulière dans un studio ou dans un espace ouvert est d'une importance capitale pour le conditionnement du corps et de l'esprit. Émuler la chorégraphie de quelqu'un d'autre dans des plans de buste au format 9:16 nuit gravement à la créativité, à l'improvisation, à l'exécution et à l'habileté à long terme. Cela équivaut à lire une blague plutôt qu'une belle histoire. 

Si cette tendance continue à contaminer les perceptions de la génération Z, elle commencera à limiter la danse et l'immense liberté qu'elle offre. 

 

Aujourd’hui, il est de plus en plus mal vu de faire des erreurs et d’échouer, les enfants et les adultes abandonnent ou se sentent gênés s'ils ne reçoivent pas une reconnaissance immédiate. Ils ne sont plus capables d'accepter la défaite et leur définition du succès est devenue très superficielle.

Les parents, en particulier, ont de plus en plus tendance à décourager leurs enfants si ces derniers ne parviennent pas à un résultat immédiat et ce sous couvert de rester positif et d’éviter les échecs. Mais se tromper est vital pour le processus d'apprentissage. 

 

Un groupe d'enfants dansant avec Natraj à Chennai
Photo Natraj Studio Dance Extreme

 

Penses-tu que la multitude des vidéos de danse sur les réseaux sociaux puisse en faciliter son apprentissage ?

La danse attire facilement l'attention et il est de plus en plus fréquent de voir des personnes faire croire qu’elles savent danser. De plus, en Inde, la danse a toujours été présente.

 

Grâce aux tutoriels YouTube, par exemple, aujourd’hui, il est aisé d’apprendre quelques pas et de penser que l’on sait danser !

Dans la plupart des écoles où j'ai travaillé, les professeurs d'autres disciplines n'hésitaient pas à prendre en charge le cours de danse juste pour être bien vus de la direction ou des parents. Mais ce n'est positif ni pour les élèves ni pour les personnes passionnées par la danse. 

J'ai vécu une expérience très négative dans une école dans laquelle une enseignante d'une autre discipline a voulu imposer ses idées que je qualifierais d’obsolètes dans un cours de danse que je devais diriger. Cela a fini par entraver mon processus créatif novateur. Et j'ai d'ailleurs cessé de travailler dans des écoles parce que mon espace créatif était envahi par d'autres enseignants ; ce n'était pas par manque de résilience, mais pour investir mon énergie dans un espace de travail plus agréable et plus productif. 

Ma passion et mon professionnalisme ne me permettaient pas de continuer à travailler sans éthique, juste pour quelques dollars supplémentaires. La responsabilité inhérente à l'enseignement est instantanément perdue dans cet espace, la profondeur de la connaissance perd de sa vigueur et de son essence dans la cascade d'une mauvaise éthique et de la dilution du contenu et de l'enseignement.

 

Un groupe d'enfants dansant avec Natraj à Chennai
Photo Natraj Studio Dance Extreme


 

Mais, n’est-ce pas aussi positif puisque la danse est considérée comme un vecteur de bien-être ?

Ayant été professeur et chorégraphe dans différents contextes depuis 18 ans, j'admire ce boom dans le domaine de la danse. 

D'un autre côté, je conseille vivement aux gens d'apprendre auprès de plusieurs professeurs pendant au moins 10 à 15 ans avant de commencer à se déclarer danseur ou professeur de danse. Enseigneriez-vous la chirurgie du cerveau simplement parce que vous vivez à côté d'un neurochirurgien et que vous lui parlez tous les jours ? Ou encore, piloteriez-vous un Airbus A380 simplement parce que vous avez souvent pris l'avion ? Non, bien sûr, il en est de même pour la danse. 

 

Je ne saurais trop insister sur l'importance d'apprendre et d'acquérir de vastes connaissances avant de se lancer dans l'enseignement. Tout le monde peut enseigner quelques pas, mais tout le monde ne peut pas enseigner la danse ! 

Croire que la danse se limite aux reels, c'est comme s'asperger le visage d'un verre d'eau salée en croyant que c'est la vie à la plage. Recherchez la qualité plutôt que l'attention. 

 

Dansez bien !     


Pour contacter Natraj :

email - Instagram - Website

 

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Publié le 28 avril 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

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