Arrivée par hasard en Inde il y a 10 ans, Isabelle Pacaud n'est plus jamais repartie. Aujourd'hui résidente de Pondichéry, elle nous raconte, avec ses mots, son quotidien où le Coronavirus est plus que jamais présent.
« Comme l'oxygène manque à la planète, l'oxygène manque aux patients »
La pleine lune orangée se lève majestueusement sur la Baie du Bengale. Me voici à nouveau sur ma terrasse en cette journée qui marque le retour d'un confinement complet à Pondichéry. Le virus s'est emparé de l'Inde pour en faire son épicentre comme titre la presse internationale ; un tsunami, peut-on lire dans les médias pour reprendre un terme bien connu ici, tant les stigmates sont encore palpables un peu plus de seize ans après la gigantesque vague qui à l'époque emmena tout sur son passage. Malgré les signes tangibles du basculement vers une deuxième vague dès janvier, en début d'année, le gouvernement se félicitait d'avoir éradiqué la Covid et de l'atteinte du seuil d'immunité collective...
Il est clair que la pandémie aime la densité de population et en Inde nous sommes servis. C'est dans les grands centres urbains que tout a flambé il y a plusieurs semaines, et c'est à Delhi et Mumbai qu'aujourd'hui la situation devient incontrôlable. Si l'on joue à l'apprenti statisticien ou épidémiologiste, il est aisé de dire que les chiffres sont relatifs par rapport à la population -plus d'un milliard trois cents millions d'habitants-. Mais la question est ailleurs, elle est dans la capacité à gérer la situation avec un système de santé pour le moins désarmé et du coup complètement dépassé comme l'attestent les violentes images au pied des hôpitaux dans le Nord de L'Inde. Comme l'oxygène manque à la planète, l'oxygène manque aux patients qui en ont besoin aujourd'hui.
La politique et le sacré échappent-ils au virus ?
Les élections ont eu lieu dans certains États dont Pondichéry et au Bengale il y a quelques jours seulement. Mon amie Bhawna, réquisitionnée pour l'occasion, m'informe que chaque votant a reçu un gant en plastique pour appuyer sur le bouton de la machine qui permet le vote électronique. Dans la plus grande démocratie du monde et un taux de participation de près de 74%, faites le calcul. Le plastique a encore de beaux jours devant lui. Une violence économique et physique explique en partie ce taux élevé de participation. "je vote pour celui qui donne le plus d'argent" : la pression est forte, elle illustre la corruption. Les partis politiques n'ont pas lésiné sur les moyens, les gigantesques meetings politiques défiant toutes les règles sanitaires en vigueur sont à ce jour largement pointés du doigt.
Le religieux n'est pas en reste non plus. Inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, la Kumbha Mela, a bien eu lieu cette année à Haridwar. Se tenant tous les trois ans alternativement dans quatre villes sacrées indiennes, le plus grand rassemblement humain au monde a réuni plus de cent millions de personnes en 2018. Évidemment, même si ce festival, considéré comme le plus sacré de l'hindouisme, n'a accueilli cette année que cinq millions de pèlerins les jours de grande affluence et seulement sur quarante huit jours au lieu de quatre mois, on ne peut que se demander au prix de quoi il n'a pas été annulé. Les pèlerins viennent ici pour prendre un bain dans le Gange. Depuis la nuit des temps ce festival célèbre la sauvegarde du précieux élixir d'immortalité après une bataille entre dieux et démons. Nous n'échappons pas à la symbolique. L'Inde est vraiment le pays du spirituel et du rituel.
L’approche du départ…
La question de la vaccination est aussi sur toutes les lèvres, le gouvernement peine à remplir les centres de vaccination et les réticences sont nombreuses. Il faut savoir que pour les populations modestes cela signifie prendre un jour de congé. Dans un contexte économique précaire, cela signifie aussi un salaire réduit. C'est sans compter les jours nécessaires en cas de réaction et la nécessité de prendre en charge les aînés qui ne sont, la plupart du temps, pas autonomes.
Ces questions interrogent mon retour prévu fin mai -l'impatience de ma mère, la joie de nous retrouver dépendant des incertitudes qui pèsent à nouveau sur le trafic aérien et la fermeture successives des frontières-. Les arbres appelés Imagination fleurissent à nouveau la ville de leurs grappes lumineuses, la beauté de tous les arbres qui s'épanouissent à l'approche de l'été, 43° degrés ressentis aujourd'hui, m'enveloppe d'une tristesse déjà bien connue à l'approche du départ.
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