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Frictions entre le gouverneur et le gouvernement du Tamil Nadu

R.R. Ravi, le gouverneur et M.K. Stalin, le ministre en chef du Tamil NaduR.R. Ravi, le gouverneur et M.K. Stalin, le ministre en chef du Tamil Nadu
Écrit par lepetitjournal.com de Chennai
Publié le 23 janvier 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

L'Assemblée du Tamil Nadu a été le théâtre de scènes inédites, le 9 janvier 2023, lorsque le gouverneur de l’Etat, R.N. Ravi, lors de son discours de début d’année, a omis certains paragraphes du texte préparé par le gouvernement de l'État. Le ministre en chef, M.K. Stalin, a alors présenté une motion pour que seule la transcription distribuée aux législateurs soit enregistrée, ce qui a poussé le gouverneur à quitter la Chambre avant la fin du discours du ministre en chef.

 

Le système de gouvernement des États de l’Inde ressemble beaucoup au système national, l’exécutif est assuré par le gouverneur et le conseil des ministres dirigé par le ministre en chef, le législatif par l’assemblée législative élue directement par les électeurs de l’Etat. 

Quel a été le point de départ du face-à-face entre gouverneur et gouvernement du Tamil Nadu ?

Lors de son discours d'ouverture de la session de l’assemblée législative locale, début janvier 2023, le gouverneur a omis de citer des références à des dirigeants nationaux et régionaux, ainsi que l'expression "modèle de gouvernance dravidien", qui est un des mottos du pouvoir local. Il n’a pas non plus parlé du Tamil Nadu comme "un havre de paix" dans le contexte de la situation de l'ordre public ni de la capacité de l’Etat à attirer "de nombreux investissements étrangers" et à "devenir un précurseur dans tous les secteurs”, comme cela était prévu dans le discours préparé par le gouvernement.  Pourtant, selon le ministre en chef du Tamil Nadu, le gouverneur avait approuvé le texte avant sa distribution aux membres de l’assemblée.

Quelles ont été les réactions des partis politiques du Tamil Nadu ?

Depuis cet événement, la relation entre le gouverneur et le ministre en chef s’est encore détériorée. 

Le parti au pouvoir, le Dravida Munnetra Kazhagam (DMK), un parti régional, ses alliés et une partie des juristes ont critiqué le  comportement du gouverneur.

Les partis d’opposition, l'AIADMK, l'autre parti régional et le BJP, le parti au pouvoir au niveau national, ont défendu le gouverneur en affirmant que les événements survenus à la Chambre constituaient une "attaque personnelle" contre lui. 

Les deux parties affirment qu'il y a eu une violation des traditions de l'Assemblée. 

Le 12 janvier, une délégation de représentants du gouvernement du Tamil Nadu a rendu visite à la présidente Droupadi Murmu à Delhi et lui a remis la lettre du ministre en chef de l’Etat, qui sollicitait son intervention pour que le gouverneur agisse conformément à l'article 163 (1) de la Constitution. Le même jour, à Chennai, le gouverneur a organisé un événement au Raj Bhavan (ndlr : la résidence du gouverneur) pour célébrer le festival de Pongal, qui a été boycotté par le DMK au pouvoir et ses alliés.

Quelques jours plus tard, le procureur général de Chennai a déposé une plainte pour diffamation criminelle au nom du gouverneur, contre un membre du parti DMK pour avoir prétendument diffamé ce dernier. Selon la plainte, dans une video qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux, l’accusé utilise un langage extrêmement abusif, diffamatoire et désobligeant.

Qu'est-ce qui a conduit à ce face-à-face entre le gouverneur du Tamil Nadu et le gouvernement de l’Etat ?

Depuis son entrée en fonction en septembre 2021, le gouverneur n’a pas approuvé plusieurs projets de loi adoptés par l’assemblée législative du Tamil Nadu.

En décembre 2021, le chef du parti parlementaire DMK avait exigé sa démission pour ne pas avoir transmis au Président de l'Inde, un projet de loi, adopté par l’Assemblée de l’Etat.

Début 2023, quelques jours avant le début des réunions de l'assemblée, le gouverneur a déclenché un débat en exprimant sa préférence pour le terme "Tamizhagam" pour désigner l'État, plutôt que Tamil Nadu. Quelques jours après, le chef de l'unité du BJP au Tamil Nadu a déclaré que les commentaires du gouverneur étaient inutiles. Selon lui Tamil Nadu et Tamizhagam sont des mots qui véhiculent un "esprit similaire" et le BJP n'est pas d'accord avec l'idée de changer le nom de l'Etat.

Cherchant à mettre fin à cette controverse, le gouverneur a publié une déclaration précisant qu'il ne voulait pas suggérer que le nom du Tamil Nadu devait être changé en "Tamizhagam".

Combien de fois le Tamil Nadu a-t-il été confronté à une telle situation ?

C'est la première fois qu'un gouverneur de l'Etat choisit d’omettre certains paragraphes lors de son discours de début d’année. Même lorsque les relations entre le gouverneur Channa Reddy et le ministre en chef Jayalalithaa étaient au plus bas en 1993-1995, rien de tel ne s'est produit. Dans le Kerala voisin, cependant, au moins trois gouverneurs ont omis des paragraphes lors de leur discours à l'assemblée depuis janvier 1969.

Bien que la sortie de l’assemblée par un gouverneur soit une première pour le Tamil Nadu, en février 1965, le gouverneur du Bengale occidental de l'époque, Padmaja Naidu, avait quitté l'Assemblée sans s'adresser à la Chambre, agacé par les interruptions de l'opposition.

Gouverneur et gouvernement : la gouvernance des Etats de l’Union indienne ?

Le système de gouvernement des États ressemble beaucoup au système national.

L’exécutif des Etats de l’Inde

L'exécutif d'un État de l'Union indienne se compose du gouverneur et du conseil des ministres, avec le ministre en chef à sa tête.

Le gouverneur d'un État est nommé par le Président de l’Inde pour un mandat de cinq ans. Seuls les citoyens indiens âgés de plus de 35 ans peuvent être nommés à ce poste. Le gouverneur est investi du pouvoir exécutif de l'État.

Le Conseil des ministres, présidé par le ministre en chef, aide et conseille le gouverneur dans l'exercice de ses fonctions, sauf dans la mesure où il est tenu, en vertu de la Constitution, d'exercer ses fonctions ou certaines d'entre elles à sa discrétion.

Tous les gouverneurs exercent leur propre jugement lorsqu'ils s'acquittent de fonctions constitutionnelles telles que la nomination du ministre en chef d'un État, l'envoi d'un rapport au Président sur le dysfonctionnement de l'appareil constitutionnel d'un État ou sur des questions relatives à la sanction d'un projet de loi adopté par la législature.

Après les élections à l'assemblée législative de l'État, le gouverneur de l'État invite généralement le parti (ou la coalition) ayant obtenu la majorité des sièges à former le gouvernement. Le ministre en chef est nommé par le gouverneur qui nomme également d'autres ministres sur avis du ministre en chef.

Le Conseil des ministres est collectivement responsable devant l'assemblée législative de l'État.

La législature des Etats de l’Inde

Chaque État dispose d'un corps législatif, composé du gouverneur et d'une ou deux chambres, selon le cas.

Au Bihar, au Jammu-et-Cachemire, dans le Karnataka, le Maharashtra et en Uttar Pradesh, il y a deux chambres appelées conseil législatif et assemblée législative. Dans les autres États, il n'y a qu'une seule chambre appelée assemblée législative.

Le Parlement peut, par la loi, prévoir l'abolition d'un conseil législatif existant ou la création d'un conseil législatif là où il n'existe pas, si la proposition est soutenue par une résolution de l'assemblée législative concernée.

Le Tamil Nadu ne dispose que d’une assemblée législative. 

 

L'Assemblée législative (Vidhan Sabha) d'un Etat est composée de 500 membres au plus et de 60 membres au moins, choisis par élection directe dans les circonscriptions territoriales de l'Etat. La délimitation des circonscriptions territoriales doit être effectuée de manière à ce que le rapport entre la population de chaque circonscription et le nombre de sièges qui lui sont attribués soit, dans la mesure du possible, le même dans tout l'Etat. Le mandat d'une assemblée est de cinq ans, sauf si elle est dissoute plus tôt.

La législature de l'État a des pouvoirs exclusifs sur les sujets énumérés dans la liste II de la septième annexe de la Constitution et des pouvoirs concurrents sur ceux énumérés dans la liste III. Les pouvoirs financiers du corps législatif comprennent l'autorisation de toutes les dépenses, les impôts et les emprunts du gouvernement de l'État. L'assemblée législative a seule le pouvoir d'initier des projets de loi de finances.

Le gouverneur d'un État peut réserver tout projet de loi à l'examen du Président. Les projets de loi relatifs à des sujets tels que l'acquisition obligatoire de biens, les mesures affectant les pouvoirs et la position des Hautes Cours et l'imposition de taxes sur le stockage, la distribution et la vente d'eau ou d'électricité dans les projets de développement des rivières ou des vallées inter-états doivent nécessairement être réservés. Aucun projet de loi visant à imposer des restrictions sur le commerce inter-état ne peut être introduit dans une législature d'état sans la sanction préalable du Président.

Les législatures des états, en plus d'exercer le pouvoir habituel de contrôle financier, utilisent tous les dispositifs parlementaires normaux comme les questions, les discussions, les débats, les ajournements et les motions et résolutions de défiance pour surveiller le travail quotidien de l'exécutif. Elles ont également leurs commissions des estimations et des comptes publics pour s'assurer que les subventions accordées par la législature sont correctement utilisées.

 

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