

Il n'en reste qu'une. C'est ce qu'on appelle une icône, une diseuse, un mythe, une grande interprète. Juliette Gréco, qui vient de fêter ses 80 ans au Châtelet, se livre intacte donc magistrale, sur son dernier album intitulé Le temps d'une chanson
Une douzaine de reprises brossent le portrait d'une femme de toutes les époques, profonde et surprenante
Faut-il avoir la vie et l'amour de son art chevillé au corps pour enregistrer un nouvel album à près de 80 ans ! Spécialement lorsqu'on a la carrière et l'éclat de Juliette Gréco, c'est-à-dire plus rien à prouver. Faut-il être une flambeuse, une ardente toujours prête à remettre la mise sur le tapis ! Ce feu, cette flamme farouche, c'est tout le charme éternel de Gréco.
Son nom évoque à jamais la liberté du Saint-Germain-des-Prés d'après guerre. Il est, pour l'Histoire, associé à ceux de Sartre, Camus, ou Beauvoir. A ceux aussi dont elle se fera l'interprète majeure comme Ferré, Brel, Prévert ou Gainsbourg. Or, l'Histoire n'enregistre pas tous les quatre matins un nouveau cd?
Celui-ci porte, comme pour conjurer son poids, un titre léger comme trois petites notes de musique : "Le temps d'une chanson" disait la Javanaise?
Recréation
Concocté à New York sous la houlette de Gil Goldstrein et Gérard Jouannest et épaulé par des pointures du jazz, le disque cisèle et travaille au corps une douzaine de reprises, de chansons aimées mais jamais chantées. Elles brossent le portrait d'une femme de toutes les époques, profonde et surprenante.
C'est peu dire que Gréco est une interprète. Elle attrape par le col, des mots et des mélodies qu'on croit cent fois connaître, elle désosse, elle maltraite et cajole des airs qu'on ne pensait plus pouvoir nous surprendre. Il y a des classiques, des monuments comme l'impérieuse Mathilde de Brel, Syracuse de Dimey. Il y a Avec le temps, Les amants d'un jour ou l'incomparable bijou de Trenet, La folle complainte, dont elle met en évidence tous les échos souterrains, tous les coups de trique. Il y a aussi des étonnements, des morceaux plus récents, du Julien Clerc (Utile), du Bernard Lavilliers ou un standard américain à priori juvénile comme Over the Rainbow. Juliette Gréco s'approprie chacun d'eux et le réinvente.
On s'assoit, on se tait, on écoute la dame.
Jean Marc Jacob. (www.lepetitjournal.com) 15 mars 2007
Juliette Gréco, Le temps d'une chanson (Polydor)








































