Dans le cadre du Photo Phnom Penh Festival, Sam Ang Ourng documente la transformation de Sihanoukville, révélant ses ruines contemporaines. Soun Sayon, architecte, explore la ville nocturne en noir et blanc, capturant des silhouettes.
SAM ANG OURNG, Cambodge à l'Institut Français du Cambodge
Beaucoup de projets documentaires de qualité se construisent sur la durée. Le retour sur des lieux, le fait de suivre une personne pendant de longues années, l’exploration à divers endroits d’une même situation ou d’une même problématique permettent de dépasser le simple constat et les anecdotes.
C’est le choix qu’a fait Ourn SamAng pour sa pratique de la photographie qu’il conçoit, pour tous ses projets, sur le temps long. Un bon exemple en est donné avec la façon dont il accompagne, depuis 2019, l’évolution et les changements profonds de Sihanoukville. Rien ne destinait ce natif de Kampot à la photographie, ni à cette zone géographique. Il s’est en effet formé à Kep dans la section de journalisme et réseaux sociaux, à l’École technique Don Bosco. C’est là qu’il a découvert la photographie et qu’il a appris à utiliser un appareil. Mais, après ses études, qu’il termina en 2016, il ne pratiqua plus guère la photographie et travailla pour Channel 5 dans une équipe technique de production pour la télévision. De plus en plus passionné par la photographie, il se perfectionne en suivant les ateliers de travail de Sa Sa Art Projects, puis ceux de Philong Sovan et Marie Le Mounier à l’Institut Français, avant un dernier avec Vandy Rattana.
En 2018 il découvre Sihanoukville, la station balnéaire préférée des Cambodgiens et, séduit par le lieu, commence par réaliser là des paysages, qui sont devenus sa pratique favorite, début de son projet The Beloved Kampong Som. A ce moment-là la ville est en profonde transformation. Dans le cadre de La route de la Soie, le plus grand port en eaux profondes du pays est doté de nouvelles infrastructures et les investisseurs Chinois sont massivement présents : en 2019, il n’y a pas moins de 62 casinos ! Si cette activité sera freinée - alors qu’un tiers de la population de la ville est désormais Chinoise - par un décret d’août 2019 interdisant les paris en ligne (qui permettent le blanchiment d’argent) et entrainera le départ d’un certain nombre de Chinois, la folie de la construction immobilière … continue. Jusqu’à la crise du Covid qui stoppe totalement cette forme de tourisme et freine l’activité économique. Il en découle, aujourd’hui, des centaines d’immeubles abandonnés ou à la construction interrompue : des ruines contemporaines.
Ourn SamAng documente cette situation et le contraste entre le calme et la beauté du bord de mer sans emphase, sans insister, sans prendre position. Il révèle les différences entre la plage et les grands immeubles, certains toujours en construction, qui sont montrés avec subtilité dans une grande unité de lumières et de couleurs. Un travail de fond qui va se poursuivre.
SOUN SAYON Cambodge Maison de la Photographie
Au Cambodge, peu de photographes travaillent ou ont travaillé en noir et blanc. Le travail de l’image argentique permit tant aux professionnels qu’aux amateurs de travailler avec la couleur, puis de tirer en noir et blanc. Enfin le numérique s’imposa, et avec lui les couleurs qui ne sont pas toujours celles produites par la pellicule, notamment dans les verts.
Mais pour Soun Sayon, qui est avant tout un amateur passionné de photographie, celle-ci se doit d’être en noir et blanc. Il est architecte de formation, c’est sa profession ; l’image étant un plaisir qu’il pratique dans ses rares moments de loisirs.
On retrouve l’architecte dans son exploration de la ville la nuit, documentaire mais non descriptive, assez mystérieuse, très contrastée, jeu d’ombres et de lumières qui trace
les structures et laisse apparaitre les personnages en silhouette.
Celui qui s’était initié à la photographie en 2008 à Battambang avec l’association Phare Ponleu Selpak, puis en suivant les stages organisés par le festival Photo Phnom Penh et l’Institut Français du Cambodge, a développé une série de portraits liée à son activité. Comme il se rend fréquemment sur les chantiers dont il a la charge, il a demandé à des ouvriers de poser pour lui. Sa série de portraits, développés en chambre noire, a été exposée à Photo Phnom Penh en 2017, mais il en montre d’autres pour la première fois : des recherches en format carré ou avec le fragile et délicat film Polaroïd avec négatif.