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PORTRAIT – Le combat de Sophea

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 13 novembre 2012

Dès qu'il s'agit de dénoncer les attaques à l'acide, Sophea Chhun Chenda, est dans tous les journaux. Devenue une figure de la lutte contre le silence qui entoure ces faits divers toujours plus nombreux, la responsable des relations publiques de Cambodian Acid Survivors Charity a, malgré elle, fait de sa vie un combat. Rencontre

Elle sourit, mais son visage est grave, sa poignée de main, ferme. Malgré son air enjoué, ses traits durs traduisent sa force, sa lutte quotidienne contre la souffrance. Sophea n'a pas été défigurée par de l'acide, mais par la vie. Un parcours qui l'a amenée à dévouer sa vie aux victimes de vitriolage.

Sophea est née au Cambodge mais elle a grandi au Cambodge de Pol Pot. Un pays alors étranger à lui-même, défiguré par la violence, qu'elle a eu la chance de fuir. Elle a 16 ans quand elle s'enfuit en Thaïlande avec sa famille. Dans le camp de réfugiés, elle aide comme elle peut, à l'hôpital, et rêve de devenir docteur. Un rêve vite rattrapé par la réalité de la guerre qui l'oblige à fuir, une fois encore, en Australie.

La paix, enfin. Mais une nouvelle vie à construire, dans un pays dont elle ne parle même pas la langue. Sophea s'accroche, et devient infirmière. Depuis sa terre d'accueil, elle envoie de l'argent aux réfugiés qui n'ont pas eu, comme elle, la chance de fuir. Alors, quand la guerre finit, c'est naturellement qu'elle organise le retour au pays de ces réfugiés, qu'elle rejoint à Phnom Penh. Et qu'elle adopte deux petites orphelines de 7 ans.

Une vie de combats
A son retour au Cambodge, Sophea a déjà vécu plusieurs vies. Celle d'une petite fille à qui l'enfance a échappé, celle d'une réfugiée, celle d'une rescapée, celle d'une sauveuse. C'était beaucoup plus qu'il n'en fallait, mais pas encore assez. Il y a deux ans, une de ses filles est enlevée. Deux ans après, sa fille est toujours disparue. L'enquête ?si enquête il y a encore- piétine, le principal suspect est libre. Sophea craque. "J'ai passé ma vie à aider les autres, et personne ne m'aide à retrouver ma fille." Une fille qui a disparu juste après être allée boire un verre avec un prétendant qu'elle repoussait depuis plusieurs mois. L'homme refuse de parler et n'a pourtant jamais été inquiété. Pourquoi ?

Une question qui hante Sophea. Mais elle tient bon. "Je ne peux partir et laisser tomber. Ma vie est ici, je suis engagée dans quatre associations (Afesip, Impact Cambodia, Friends et CASC). Et je sais que si je porte plainte, je n'aurai plus aucun espoir de la retrouver. Parfois, j'ai l'impression de sacrifier ma fille pour continuer à aider les autres." Et à vivre. Malgré la corruption, l'intérêt, l'injustice.

L'injustice. C'est le sentiment qui domine chez les victimes de vitriolage. Au centre de Cambodian Acid Survivors Charity, les patients ne sont pas en colère. Ils sont encore abasourdis par l'incompréhension. Pourquoi eux ? Pourquoi de l'acide ? Pourquoi les agresseurs ne sont-ils pas punis ?

Des pourquoi qui résonnent avec l'histoire de Sophea. Des questions auxquelles elle essaie, chaque jour, d'apporter des réponses. Pour les aider, et continuer à avancer. "J'ai besoin de cet engagement auprès des victimes car personne ne m'aide et je sais combien c'est dur. Et pendant ce temps, je ne pense pas à la perte de ma fille. Et puis, c'est une manière de retrouver la dignité qu'on m'a volée", ajoute Sophea dans un souffle, celui de la vie. Lutter contre l'indifférence, pour survivre.

Anna Villechenon (www.lepetitjournal.com/cambodge.html) mardi 14 septembre 2010

Relire notre article du 13 septembre 2010 : L'acide, une arme devenue trop banale

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Publié le 14 septembre 2010, mis à jour le 13 novembre 2012

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