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Amours botaniques : la cuscute et l’usnée

Pascal Médeville, khmérologue et épicurieux de la culture cambodgienne, nous plonge aujourd'hui dans l'univers de l'amour, explorant avec curiosité la fascinante symbiose entre la cuscute et l'usnée.

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Cuscuta chinensis (Phototgraphie : Vinayaraj, CC BY-SA 3.0)
Écrit par Pascal Médeville
Publié le 26 novembre 2023

La cuscute (Cuscuta chinensis, 兔丝 ou 菟丝 [tùsī]) est une « plante herbacée annuelle, aux fines tiges jaunes (…) qui parasite des plantes appartenant à différentes familles » (Wikipedia). Elle est petite, d’aspect frêle : ses tiges ont un diamètre d’à peine un millimètre. C’est sans doute la raison pour laquelle, pour les Chinois, elle symbolise l’épouse ou l’amante qui a besoin d’appui et de protection.

Le mot usnée (Usnea sp., 女萝 [nǚluó] ou 松萝 sōngluó]) est un terme générique qui désigne divers lichens fruticuleux (petit et ligneux) du genre Usnea ; elle n’est guère plus grande que la cuscute, mais elle est beaucoup plus robuste. Pour les poètes de l’Empire du Milieu, c’est le partenaire idéal de la cuscute et, à ce titre, l’espèce symbolise l’époux ou l’amant.

Usnea diffracta (Photographie : André Aptroot, CC BY-SA-NC)
Usnea diffracta (Photographie : André Aptroot, CC BY-SA-NC)

Ainsi, le couple formé par la cuscute et l’usnée constitue-t-il pour les poètes chinois le symbole de l’amour profond et indéfectible qui unit un homme et une femme.

Parmi les plus fameuses pièces poétiques qui ont eu recours à cette image de la cuscute s’appuyant sur l’usnée, on peut citer l’un des très célèbres Dix-neuf poèmes anciens (《古诗十九首》 [gǔ shī shíjiǔ shǒu]) (recueil anonyme de l’époque des Han, IIIème s. av. – IIIème s. ap. J.-C.), intitulé « Le bambou solitaire prend racine » (冉冉孤竹生) : « Nouvellement mariée à vous, je suis comme la cuscute qui s’appuie sur l’usnée » (与君为新婚,兔丝附女萝‍ »). Un autre poème célèbre qui utilise cette métaphore est la première des deux Complaintes des cheveux blancs (《白头吟》 [báitóu yín]) de Li Bai (Li Po, 701-762), dans laquelle la belle Zhuo Wenjun se plaint de la trahison de Sima Xiangru, avec lequel elle s’était pourtant enfuie. Dans ce poème, Zhuo Wenjun compare leur union à celle de la cuscute et de l’usnée : « La faible cuscute sans appui vacille sous le vent. Que vienne une branche d’usnée, elle l’embrasse étroitement. Les deux herbes partagent un même cœur, mais le cœur humain ne vaut pas celui de l’herbe » (兔丝固无情,随风任倾倒。谁使女萝枝,而来强萦抱。两草犹一心,人心不如草).

Je pensais que cette métaphore de deux plantes incapables de vivre l’une sans l’autre était une invention de la poésie chinoise, jusqu’à ce que découvre le Lai du Chèvrefeuille de Marie de France (XIIe siècle), dont voici un extrait :

D’eux deux il était ainsi
Comme du chèvrefeuille était
Qui au coudrier se prenait.
Quand il s’est enlacé et pris
Et tout autour le fût s’est mis,
Ensemble peuvent bien durer.
Mais qui les veut ensuite désunir
Le coudrier meurt bien vite
Et le chèvrefeuille avec lui.
« Belle amie ainsi est de nous
Ni vous sans moi, ni moi sans vous. ». 

 

Noisetier déformé par l'enlacement d'un chèvrefeuille, Cessnock Woods, East Ayrshire, Ecosse. (Photographie : Rosser1954, CC BY-SA 3.0)
Noisetier déformé par l'enlacement d'un chèvrefeuille, Cessnock Woods, East Ayrshire, Ecosse. (Photographie : Rosser1954, CC BY-SA 3.0)

 

Article préalablement publié sur telabotanica

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