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Séra secoue les mémoires avec son récit graphique Concombres amers

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Extrait du récit graphique Concombres Amers. Crédit : Marion Joubert
Écrit par Marion Joubert
Publié le 16 mai 2019, mis à jour le 17 mai 2019

Avec son oeuvre graphique Concombres amers, présentée le 9 mai à Carnets d’Asie, Séra effectue un travail de mémoire portant sur les années qui ont précédé l’arrivée des Khmers rouges.

Aliment apprécié au Cambodge, le concombre se mange en soupe et peut servir de remède. Une légende khmère raconte que les deux branches actuelles de la famille royale, Norodom et Sisowath, proviennent des descendants du roi régicide, le roi aux concombres sucrés. Le dernier roi d’Angkor aurait confié à son jardinier une lance afin qu’il puisse défendre ses légumes préférés contre les voleurs. Une nuit, le roi a voulu s’introduire dans le potager afin de vérifier si son jardinier faisait bien son travail. Celui-ci, voyant une ombre passer, lança son arme et tua le roi. Selon la légende, le jardinier obéissant ne fut pas seulement déclaré innocent, mais également couronné roi.

Le titre du dernier ouvrage de Séra, auteur-dessinateur de BD, s’inspire de cette légende. Mais ses concombres à lui sont amers. Récit graphique paru en septembre 2018 aux éditions Marabout, Concombres amers secoue les clichés, la mémoire et rappelle une période méconnue, celle de la République khmère de Lon Nol, avant l’arrivée des Khmers rouges au pouvoir.

A coup de questions « qu’on aurait dû se poser » et « qu’on aurait pu se poser », incluses dans le roman graphique, Séra dénoue le fil de l’histoire, remonte aux sources, retrace chaque événement, même ceux insignifiants en apparence. « J’investis un champ qui est celui de l’histoire et je remets en perspective la lecture qu’on a pu faire du passé. Il s’agit de lectures avant tout idéologiques avant d’être pragmatiques », souligne-t-il.

Sept années de travail

En creusant le passé, Séra déterre des récits qui permettent de mieux appréhender l’histoire. Des histoires qui impliquent des responsables, des causes et des conséquences. Concombre amers a pour ambition de clarifier les rôles de chacun, hommes, pays, organisations. Comment leurs interactions complexes ont mené à des changements de mentalités, à la haine et aux crimes de masse perpétrés par les Khmers rouges.

Concombres amers est l’aboutissement de sept années de réflexion, de recherche, et de dessin. Si la partie graphique a nécessité quatre ans et demi d’efforts, le travail de mémoire de l’auteur n’a jamais cessé. « J’accumule les informations depuis 1975, lorsque je suis arrivé en France à 13 ans et demi après l’évacuation de l’ambassade de France à la suite de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges. Ce n’est pas fini, aujourd’hui je continue à les rassembler », déclare-t-il.

Séra a en effet grandi à Phnom Penh jusqu’à l’arrivée des Khmers rouges dans la capitale. A 11 ans, il vendait ses premières bandes-dessinées à ses camarades de classe du lycée Descartes.  Si l’artiste a été un témoin direct des événements, il n’introduit cependant aucun élément autobiographique dans son récit graphique. Il souhaite retranscrire son histoire personnelle à travers la suite de Concombres amers. « Dans ce futur roman autobiographique je remettrai en perspective l'histoire de mes parents et les éléments qui n’ont pas pu être développés dans le livre ». Une oeuvre qui sera donc plus narrative que Concombres amers, qui ne suit pas l’histoire de personnages en particulier.

                                    

L’ouvrage documentaire de plus de 300 pages a pourtant bel et bien un protagoniste. « J’ai voulu construire l’ensemble du récit autour d’une identité, celle du Cambodge. Mon personnage principal dans Concombres amers, c’est le Cambodge », insiste l’auteur.  Le récit s’appuie sur des événements, qu’il illustre en utilisant des images d’époque alliant rapports militaires, coupures de presse, photographies et discours officiels. Séra a choisi de redessiner l’ensemble des archives afin de garder une continuité narrative et visuelle. Afin de rappeler la provenance de ses illustrations, toutes les images sont tramées (technique de points qui permet de reproduire un document tel qu’une photographie). Son coup de crayon est précis et détaillé, jusqu’aux numéros des avions qui correspondent à ceux de l’époque. L’artiste souhaite transmettre ce travail de mémoire via ce support écrit et visuel car « la bande-dessinée permet de divertir, mais aussi de comprendre la complexité du monde », confie-t-il.

Le récit graphique est en vente à Carnets d’Asie, librairie située à l’Institut français.

photo cv annecy
Publié le 16 mai 2019, mis à jour le 17 mai 2019

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