Avec 10% de sa population appartenant aux peuples minoritaires, le Cambodge est un pays multiethnique où Khmers, Chinois, Vietnamiens, Laotiens, Chams et peuples indigènes vivent en parfaite harmonie. C'est dans la province du Ratanakiri que le petitjournal.com Cambodge est parti à la rencontre des Tampuans qui, après une visite du village, nous en ont appris un peu plus sur les traditions et le mode de vie de ces quelques milliers de personnes bénéficiant du statut "d'indigènes" au Cambodge
Maisons inoccupées à l'entrée du village (crédit: Emilie TÔN)
On ne connait que trop peu les ethnies minoritaires au Cambodge. Pourtant, elles existent en nombre. Situées principalement dans le nord-est du Royaume, "pour certaines, elles étaient présentes bien avant les Khmers", explique Reaksmey, guide touristique appartenant à l'ethnie Kroueng. Elles ont leur langue, leurs traditions et tentent de les préserver du mieux qu'elles peuvent, ce qui est loin d'être évident?
En route vers un village Tampuan
Le point de départ : Banlung, capitale du Ratanakiri. Il faudra une heure de moto sur pistes noyées puis une heure de pirogue le long de la rivière pour atteindre un village Tampuan, isolé sur les rives du Mékong.
80 familles soit 300 personnes y résident, un tiers de la population Tampuan du Cambodge réunit dans un village, où ils ne passent que très peu de temps d'ailleurs. Ce soir, ils ne seront qu'une centaine à retrouver leur demeure car la plupart resteront à l'intérieur des terres, plus proches des rizières où ils travaillent. Nombreux sont ceux à y avoir construit une résidence secondaire, laissant à l'abandon le foyer principal qu'ils occupent en ménage depuis leur 14 ans, âge auquel ils se marient et commencent à fonder une famille.
L'agriculture est centrale pour les Tampuans qui fonctionnent selon un système d'autosuffisance : "Ils cultivent pour se nourrir et non pour exporter. Tout ce que les Tampuans font, ils le font pour alimenter la communauté : culture, chasse, cueillette? C'est ce qui les occupe toute la journée", explique Reaksmey. A chacun sa tâche : il n'y a que les hommes qui chassent, les jeunes gens travaillent plus souvent dans les rizières de riz gluant situées en hauteur, les autres travaillent dans les rizières classiques à l'aide de buffles qui eux-mêmes ont une place très importante dans la société Tampuan. "Je cultive aussi mon propre tabac", indique Ngiam Choy, 56 ans, résidant du village.
Un village d'hommes et d'esprits
Ngiam Choy, 56 ans, prépare un piège à lapin (crédit: Eléonore Sok-Halkovich)
Ngiam se dit très heureux de voir des touristes dans le village : "Si chaque personne qui visite le village et le cimetière verse un dollar à la communauté, nous pourrons acheter plus de bêtes à sacrifier pendant les fêtes et ça, c'est une très bonne chose pour nos disparus".
Car à chaque fête ses sacrifices. Il faut veiller à rester en bon terme avec les esprits si l'on ne veut pas qu'ils se fâchent car, si aujourd'hui les touristes peuvent visiter le cimetière de ce village, c'était celui d'un autre village que les guides touristiques proposaient avant. A présent interdit d'accès à toute personne extérieure au village, "les visites trop fréquentes dans le passé auraient agité les esprits qui, agacés par tant de bruits et de photos, auraient prévenu le chef du village à travers un rêve que si cela ne cessait pas, les gens tomberaient malades et mourraient. Il ne faut pas mettre les esprits en colère", confie Reaksmey. Dans le village Tampuan, ce n'est pas un problème : "On aimerait juste voir les photos de temps en temps", explique Ngiam alors qu'il prépare un piège à lapin.
Une tombe du cimetière tampuan (crédit: Eléonore Sok-Halkovich)
Si ce n'est pas un problème, c'est que les disparus vivent en totale harmonie avec les vivants : "Les esprits vivent aussi dans le village. Ils sont calmes car les cérémonies mortuaires ont été correctement réalisées ".
Il faudra pourtant un an pour célébrer le disparu qui sera enterré selon un rite animiste bien particulier. Cinq jours de festivités pour les villageois d'abord, qui correspondent à cinq jours de larmes pour la famille, au bout desquels le corps sera déposé au cimetière où de nouveaux parents, dessinés sur la tombe, veilleront au bien être de l'esprit tout récemment décédé. De nombreux sacrifices doivent être réalisés. Leur importance dépend alors de la situation hiérarchique (et donc financière) que la famille du défunt occupe au sein de la communauté : des buffles pour les mieux placés, du petit bétail pour les plus pauvres. Ce rang social influence également la taille de la tombe ainsi que sa décoration. Après avoir déposé les offrandes, l'esprit reçoit encore quelques "cadeaux", références à sa vie d'avant, à ses passions qu'il pourra perpétuer dans l'au-delà : instruments de musique, accessoires de chasse... En paix pendant une année, la famille reviendra un an après exactement pour célébrer sa mort une dernière fois.
Emilie TÔN (www.lepetitjournal.com/cambodge) mardi 27 septembre 2011
Plus d'informations la préservation des cultures minoritaires et indigènes sur www.icso.org.kh