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ARNAUD PICHARD - ''Le marché de l'immobilier reste irrationnel à Bucarest''

Jonas Mercier
Écrit par Lepetitjournal Bucarest
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 26 juin 2016

Entre fantasmes, rumeurs et réalités, le marché de l'immobilier bucarestois a fait autant de fortunes que de faillites. Depuis quelques années, les prix semblent se stabiliser, mais comment appréhender ce secteur si imprévisible ? Fondateur de l'agence immobilière Vantage properties (www.vantageproperties.ro), Arnaud Pichard nous offre son analyse.

 Photo : Jonas Mercier

Le Petitjournal.com/Bucarest ? Ces 15 dernières années, les aléas de l'économie roumaine se sont toujours reflétées sur le marché de l'immobilier, les prix au m2 connaissant des variations du simple au double. Pouvez-vous nous faire un état de lieux de la situation actuelle ?

Arnaud Pichard ? Il y a deux types de marché  : la vente et la location. Le marché de la vente est, à l'heure actuelle, en stagnation et contrairement à ce qui a été dit l'année dernière, je pense que la situation n'est pas prête de changer. Avec le vote de la fameuse loi de la ''dation en paiement'' (elle permet aux personnes ayant contracté un crédit hypothécaire et se voyant dans l'impossibilité de le rembourser, de s'acquitter de leur obligation en cédant à la banque le ou les biens immobiliers pour le(s)quel(s) l'argent a été emprunté, ndlr) et l'augmentation jusqu'à 40% des avances demandées par les banques pour les crédits hypothécaires, je vois même une baisse cette année, contrairement à l'avis des spécialistes.

Du coup, peut-on dire qu'aujourd'hui, les prix sont plus proches de la normalité ?

Il est difficile de parler de normalité. J'habite depuis vingt ans en Roumanie et en 1999, 2000, les appartements dans des immeubles communistes se vendaient à 500 euros du m2. Aujourd'hui, nous sommes à des prix moyens en centre-ville de 1000 à 1100 euros du m2. Durant la bulle immobilière, on était monté à 2000, voire 2500 euros du m2. Et je parle du marché de l'ancien. Dans le neuf, il y a encore aujourd'hui toute sorte de prix. Donc, quel est le prix normal...

Mais les prix d'aujourd'hui reflètent-ils l'offre et la demande ou le marché de l'immobilier reste-t-il irrationnel ? 

Il reste irrationnel. La Roumanie compte 90% de propriétaires, son marché de l'immobilier est donc forcément déséquilibré. Pendant plusieurs années, l'accès aux crédits a été difficile. La bulle immobilière a débuté en 2003 parce que la possibilité d'emprunter de l'argent a été largement facilitée. L'entrée dans l'UE, en 2007, a fini de faire perdre les pédales au marché. Le paroxysme de cette période a été atteint en 2008. A cette époque, j'ai connu à Primaverii, le quartier le plus côté de Bucarest, des prix à 6000, voire 7000 euros au m2. Il s'agit du prix moyen à Paris. Et il y avait des acheteurs ! Entre 2008 et 2011, ça a été le plongeon : - 50% sur les locations, sur les ventes et sur le prix des terrains.

Avec la Bulgarie, la Roumanie est, comme vous le disiez, le pays qui compte le plus grand nombre de propriétaires de l'Union européenne. Cela veut dire qu'il y a moins d'acheteurs sur le marché ?

Il y a toujours des acheteurs, car les jeunes générations veulent toujours acheter. Mais les Roumains sont très familles et beaucoup d'appartements restent dans le cercle familiale. En 1989, un appartement valait 5000 dollars. Du coup, tous les Roumains sont devenus propriétaires. Puis, beaucoup d'entre eux ont acheté une résidence secondaire. En France, la tendance est plutôt 50% de propriétaires, 50% de locataires.

Le pouvoir est donc aux propriétaires...

Oui. D'ailleurs, on a eu un gros problème sur la période 2008-2011 car la demande a chuté, mais les propriétaires ont gardé en tête les niveaux de 2008. J'ai entendu des propriétaires dire qu'ils étaient prêts à attendre, même si le prix qu'ils proposaient était surévalué, car ils n'avaient pas forcément besoin d'argent. Certains ont fini par céder et le marché s'est un peu régulé. Mais il y a toujours une couche de vendeurs qui n'a pas besoin d'argent et donc campe sur des prix très élevés.

Le marché des villas et petits immeubles construits avant la période communiste, répond-il aux mêmes mécanismes ?

C'est un marché assez particuliers, car la zone sismique sur laquelle se trouve Bucarest effraie beaucoup les acheteurs. Nous faisons des estimations des biens et les immeubles construits durant cette période ne sont pas forcément à risque, mais tous n'ont pas été expertisés. A cela s'ajoute le fait que les banques sont très réticentes quand il est question de prêts pour cette catégorie de biens immobiliers. Du coup, c'est un marché qui perd de la valeur.

Pour résumer, le marché de l'immobilier de la capitale roumaine est-il difficile pour un agent immobilier ? 

Il a été très facile entre 2000 à 2008. Il y avait beaucoup d'acheteurs et beaucoup d'argent sur le marché. Les prix augmentaient du jour au lendemain. Aujourd'hui, nous allons vers un marché plus mature. Seules les agences immobilières solides vont rester en place et elles réussiront à se différencier sur les services, comme en France.

Propos recuillis par Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) Lundi 27 juin 2016 

lepetitjournal.com bucarest
Publié le 26 juin 2016, mis à jour le 26 juin 2016

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