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HELENE ROOS - "La langue française permet de s'ouvrir sur le monde"

Hélène Roos francophonieHélène Roos francophonie
F. de la Mure /MEAE
Écrit par Grégory Rateau
Publié le 4 février 2019

Notre rédaction est allée à la rencontre de la nouvelle directrice de l'Institut français de Bucarest, Madame Hélène Roos, pour essayer de comprendre ensemble les enjeux présents et futurs autour de la langue française. Au moment où la saison France-Roumanie bat son plein dans toute la France, pour se prolonger ensuite en Roumanie, Mme Roos nous parle des actions de ses équipes, de l'importance historique de continuer à échanger entre nos deux cultures et des objectifs communs à tous les Instituts français en Roumanie pour les cinq années à venir.

 

 


Grégory RATEAU : Connaissiez-vous la Roumanie? Quelles sont vos premières impressions sur le pays, les Roumains?


Hélène ROOS: Je ne connaissais pas du tout la Roumanie avant de venir. Je suis donc venue en éclaireur en juillet et c’était mon premier contact avec la Roumanie. Un très bon premier contact je dois le dire, simple, plutôt facile. On se comprend vite avec nos amis Roumains et ils sont très accueillants. Ce fut une belle surprise pour moi.



Avez-vous visité d'autres villes que Bucarest?

La première fois non, je n’ai pas eu le temps de le faire, mais depuis, ma fonction m’a permis de voyager en Roumanie, ne serait-ce que pour visiter nos différentes antennes à Iasi, Timisoara et Cluj. J’ai également visité Suceava et Oradea car il y a des projets d’ouverture dalliances françaises dans ces deux villes. L’Institut français est avant tout un réseau, on travaille donc en équipe avec mes collègues des différentes antennes, mais aussi avec les lecteurs. J’espère continuer mon exploration du pays.




La Roumanie constitue un pivot de la francophonie dans la région, mais la langue française a l'air de connaître une régression en Roumanie.

Selon les chiffres, il n’y a pas de régression de la langue française. Il y a plutôt une stabilisation, surtout en tant que deuxième langue. La diffusion de la langue française est forcément plus faible qu’avant 1989, en tant que première langue, mais sur la dizaine d’années qui vient de s’écouler, c’est plutôt stable. Cette langue reste une force selon moi. Pour revenir sur votre précédente question en ce qui concerne mes premières impressions. Je dois dire que ce qui m’a impressionnée d’emblée, c’est l’incroyable francophonie de ce pays, la vivacité de cette langue que nous partageons. A mon arrivée, j’étais avec une amie française, on était un peu perdues, nous ne savions pas où aller, et tout de suite, les gens sont venus à notre rencontre pour nous indiquer notre chemin et en français!




Quels atouts, selon vous, la langue française apporte-t-elle encore aujourd'hui?

Je note parfois une timidité liée à cette francophonie, la peur d’écorcher le français, une façon de sacraliser un peu trop cette langue. Il faut donc encourager les Roumains à se lancer, à utiliser ce merveilleux bagage, témoin d’une amitié de longue date entre nos deux cultures car je crois que le français peut être un atout important pour eux. Nous y travaillons avec des évènements, des formations, nous soutenons cette francophonie mais nous ne sommes pas les seuls. Il y a aussi le siège de l’organisation internationale de la francophonie, il y a un groupement des ambassadeurs francophones avec l’ambassadrice du Liban, Madame Rana Mokaddem, qui en est la présidente et fait preuve d’un dynamisme assez rare. Il y a aussi nos collègues roumains du ministère des Affaires étrangères, et surtout les professeurs qui enseignent le français en Roumanie. On a un slogan ici, à l’Institut : «et en plus je parle français». On essaye de montrer aux gens que l’on peut aussi se singulariser par la connaissance d’une autre langue.




Le nombre important d’entreprises françaises s’installant en Roumanie est-il un levier pour promouvoir le développement de la langue française ?

Absolument, cela fait partie bien sûr des avantages que l’apprentissage du français peut offrir aux Roumains car ces entreprises sont parmi celles qui recrutent le plus sur le marché du travail. Nous travaillons justement avec les entreprises sur la valorisation des filières francophones, il y en a 116 en tout dans les universités roumaines, ce qui n’est pas négligeable, et nous travaillons également au développement de la formation professionnelle en coopération avec les autorités roumaines. Aujourd’hui tout le monde parle plus ou moins bien l’anglais mais cela ne doit empêcher en rien l’apprentissage du français qui sera un plus, une valeur ajoutée. La langue française permet de s'ouvrir sur le monde, sur une vraie diversité culturelle.




Bucarest est une ville très riche et dynamique sur le plan culturel. Quelle est la place de l’IFB sur la scène culturelle bucarestoise?

J’ai parlé du réseau, de nos antennes. Pour parler plus spécifiquement de Bucarest, il y a ici une présence historique importante. On a cette discussion aujourd’hui dans un bureau qui était autrefois la librairie française, on a parlé de cette émotion particulière de savoir que Roland Barthes a travaillé ici même comme bibliothécaire documentaliste. Il y a donc cette responsabilité avec cet héritage de plus de 80 ans. L’Institut français, c’est aussi une institution qui a accompagné l’histoire de ce pays et j’espère qu’elle accompagnera aussi son futur.




Pouvez-vous nous parler aussi des évènements que vous organisez avec la librairie Kyralina ?

C’est un lieu formidable dirigé par une personne fantastique, Virgile Prodhomme, qui est quelqu’un de dynamique et de passionné. C’est important d’avoir quelqu’un comme lui pour créer un véritable écosystème francophone. On a organisé, il y a peu, la nuit de la lecture ensemble. Virgile a orienté la soirée plutôt vers des lectures avec des enfants, c’était très émouvant car les enfants arrivaient avec leurs parents pour lire un livre en français devant les autres ! Ici, à l’Institut, il y avait toute une série d’activités plutôt orientées vers les adultes. Nous travaillons donc en toute complémentarité. Pour "la Nuit des Idées", nous avons également collaboré étroitement. Le projet a été initié à l’origine par l’Institut français au quai d’Orsay à Paris, mais ici nous avons organisé des évènements importants ouverts à un très large public. Nous avons réuni un panel d’experts (historien, archiviste, réalisatrice, photographe, universitaire) pour échanger avec les spectateurs sur l’utilisation et le détournement des archives au prisme de la manipulation de l’information et nous avons eu le grand honneur d’y accueillir le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères,  M. Jean-Yves Le Drian.





Une touche personnelle que vous souhaitez apporter ?
 

Quand je parle de l’Institut, je parle donc, comme je vous l’ai dit, de toutes ses antennes en province mais aussi des différentes équipes. Pour construire un avenir avec nos amis Roumains et s’inscrire dans cet héritage commun, je crois qu’il faut collaborer, tous ensemble, développer des concepts communs qui feraient de tous nos lieux des scènes ouvertes pour les artistes, les intellectuels, pour toutes personnes désireuses de créer, d’échanger, de partager et d’apprendre. Pour y arriver, j’ai la chance de travailler avec des équipes soudées et dynamiques.

 

 

Quels sont les thèmes importants, vos priorités à venir à l’Institut ?

Le débat d’idées sera au cœur de nos actions dans la droite ligne de "la Nuit des Idées" qui vient d’avoir lieu ; nos efforts porteront avant tout sur la francophonie : comment attirer la jeune génération vers la langue et la culture française ? L’Europe, les projets européens, sont bien sûr au centre de notre action. La formation professionnelle est un secteur essentiel. Et puis, le soutien aux industries culturelles et créatives. En France, c’est un secteur  qui apporte, selon les études, une richesse supérieure à celle de l’industrie automobile, par exemple. Ce n’est pas neutre. Par l’action culturelle, il y a donc pour notre pays un enjeu économique qui rejoint l’enjeu plus large du rayonnement.

 

Alliance Française Bucarest
crédit : Cristian Nistor

 

grégory rateau
Publié le 4 février 2019, mis à jour le 4 février 2019

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