Philippe Dupré est un grand chef. Mais aussi un grand voyageur. Les cultures différentes, les langues nouvelles... sont pour lui autant de défis excitants. Il y a sept ans, il a monté un restaurant à deux pas de la Pia?a Romana, en plein centre-ville de Bucarest. Sa clientèle lui est fidèle et lui reste fidèle, pour l'instant, à la Roumanie.
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Ne cherchez pas du porc sur sa carte. Vous trouverez à la rigueur un peu de volaille. Mais rien d'autre qui n'ait trait à la cuisine roumaine. Dans son restaurant, il cuisine presque exclusivement du b?uf - et du poisson. ''Ma clientèle veut surtout retrouver les saveurs de France'', justifie Philippe Dupré. Peu loquace, parfois presque taciturne, ce chef français, formé au lycée hôtelier François-Rabelais de Dardilly, près de Lyon, devient par contre très bavard quand il s'agit de s'exprimer dans la langue des gourmets. ''Je n'ai pas de carte mais une ardoise. Je change un à deux plats par semaine'', nous explique-t-il. En cuisine, il a dû former son équipe. Pas facile en Roumanie où les formations du genre sont bien loin d'apporter aux jeunes apprentis la rigueur française. ''Alors je leur demande de m'observer'', lâche Philippe Dupré. Même si les choses ont bien changé depuis l'ouverture de son restaurant, en 2007, les produits de qualité sont encore difficile à trouver sur le marché local. Souvent, il doit importer. Comme une partie de sa viande de b?uf, par exemple. ''Ici, les carcasses sont bien plus petites qu'en France et, du coup, on coupe un peu différemment les morceaux'', précise-t-il. Sa clientèle est majoritairement composée d'expatriés, mais il aimerait bien recevoir plus de Roumains. Car c'est un pays qu'il aime. ''Je m'y sens très bien. Je n'aime pas la routine, je la fuis. En France, la vie est très stable, trop stable. Ton quotidien est chronométré. Ici, par contre, c'est en dents de scie et tu en arrives à apprécier bien plus les moments où tout va bien. Ça créé de l'optimisme dans la société'', développe-t-il. Cet état des choses ne cache toutefois pas les difficultés de ce pays où le manque de stabilité entraine stress et irrégularité.
Globetrotteur
Dans le paysage constamment en mouvement des rues de Bucarest, où les devantures des magasins, cafés, bistrots disparaissent et réapparaissent aussi rapidement que les saisons qui passent, son restaurant, Ici et là, fait figure de vétéran. Philippe Dupré n'est pourtant pas du genre à aimer rester en place. Lyonnais d'origine, il aime visiter le monde. Et à 48 ans, il a déjà bien roulé sa bosse. Après avoir fait ses gammes de cuisinier avec des chefs étoilés dans la capitale de la gastronomie, il a plié bagages pour Saint Barthélemy, une petite île des Antilles. L'expérience a duré trois ans. Puis il a choisi un retour en douceur pour retrouver son Europe natale, et pour ne pas être trop dépaysé, il a fait une escale sur une autre île : la Grande Bretagne. Là, il travaille dans les cuisines d'un grand hôtel pendant un an. Et c'est la France. Mais le retour à la maison n'est intéressant pour Philippe Dupré que s'il s'accompagne d'un défi de taille. Alors il ouvre son propre restaurant dans le Beaujolais, près de Lyon. ''L'objectif de départ n'était pas du long terme'', dit-il. Et l'aventure dure sept ans avant que des fourmis l'empêchent de rester en place plus longtemps, car l'envie de repartir à l'étranger se fait de nouveau sentir. Mais où ? Le hasard fait que l'un de ses amis doit créer une filiale de son entreprise en Roumanie. Philippe Dupré l'accompagne. C'est en 2004. Le pays lui plait, les perspectives dans le domaine de la restauration sont nombreuses. Mais ce sont d'autres aspects plus pratiques qui vont guider son choix. Car il est désormais papa. ''Proximité avec la France, pas de décalage horaire, retour facile... C'est surtout ces choses qui m'ont décidé'', reconnait-il. Le reste, on le connait. Ici et là entre dans sa septième année. Dans une bâtisse du vieux Bucarest dont la façade a été refaite au profit d'une véranda, son restaurant domine la petite rue de Mendeleev, à deux pas de la Pia?a Romana. Et - pour l'instant - Philippe Dupré ne sent pas le besoin de nouveaux horizons.
Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) Lundi 1er juin 2015
L'adresse web du restaurant de Philippe Dupré : www.icietla.ro
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