Parmi les membres de l’Académie roumaine, on trouve le professeur Constantin Balaceanu-Stolnici, le descendant d’une vieille famille de boyards. On peut dire qu’il est aussi une âme mélancolique, le dor roumain pur transparait justement dans les lignes des Mémoires d’un boyard de bonne famille, aussi que le regret de la disparition de l’âge d'or bucarestois. À la fin du XIXe siècle, les Principautés Unies s’enorgueillissaient avec une capitale florissante du point de vue économique, social et culturel, bondée de résidences dont plusieurs furent anéanties par la rage destructive du couple Ceausescu : […] même si elles n’étaient pas trop élégantes, elles avaient leurs histoires propres, et dégageaient le parfum de ce qu’on appelait « la Belle Époque ».
Le palais du député Nicolae Cesianu (ou Cezianu) fait partie des belles maisons résidentielles appartenant aux boyards bucarestois, un témoin d’une époque depuis longtemps révolue, pendant laquelle les quatre décennies de paix dans l’ouest de l’Europe, se reflétaient dans la croissance de la Roumanie. Aujourd’hui, cet immeuble situé dans le centre-ville de Bucarest, est connu sous le nom du Palais Cesianu-Racovita, qu’il a adopté suite au mariage de la fille aînée, Alexandrina, avec le prince Alexandru Racovita.
La construction et la décoration de l’énorme ensemble formé de trois corps, dans le style néo-Renaissance, ont duré dix ans, les travaux se déroulant entre 1892 et 1902. Les plans appartenaient à l’architecte suisse John Elisée (Jules) Berthet. En ce qui concerne son intérieur aux influences éclectiques, l’Occident s’est montré généreux avec l’homme politique roumain, en lui offrant une véritable pépinière de spécialistes dans les arts décoratifs. Pendant sa période de gloire, ce palais pouvait rivaliser avec toutes les résidences royales de l’ouest, avec celles des monarques roumains ou avec l’Ermitage de Petersburg, reprenant l’élite des principes architectoniques, le bon goût et le raffinement de ses prédécesseurs. Même du point de vue technique, il ne cédait en rien aux autres, ayant les installations thermiques et sanitaires les plus modernes, dont seulement la famille royale bénéficiait.
Si on regarde l’immeuble de l’extérieur, on se rend compte du fait que le rez-de-chaussée et le niveau supérieur ont des volumétries disproportionnées - Berthet avait utilisé pour cette construction la technique italienne de l’étage noble (piano nobile), aux influences anglaises. Ainsi, l’aspect élancé de l’étage supérieur est soutenu par la grandeur des pièces, pourvues de hauts plafonds richement décorés, mais aussi de fenêtres de grandes dimensions ; en général, on le considère comme étant le cœur de la demeure, abritant les chambres destinées aux événements mondains ou aux rencontres culturelles et l’entrée principale. Pour la résidence Cesianu, on y a intégré aussi les appartements privés, occupés par ses propriétaires, le rez-de-chaussée étant destiné aux activités commerciales.
Aujourd’hui, le Palais Cesianu-Racovita ne conserve que deux de ses célèbres salons, le Salon Rouge et le Salon Espagnol, baptisés, selon les coutumes de l’époque, en fonction de la chromatique dominante ou du style culturel abordé. On dit qu’il y avait beaucoup d’autres salons similaires, décorés avec des peintures murales à l’huile, représentant des scènes idylliques aux couleurs vives dans le style des fêtes galantes du peintre Watteau. Les meubles, les tapisseries et les tapis provenaient de la France, de l’Espagne ou de l’Autriche, à l’exception des objets du Salon Maure. A cet ensemble cosmopolite, on peut rajouter les chandeliers Empire en cristal, la bibliothèque bondée de volumes reliés en cuir de Cordoba, les couverts et les services en argent Alvin ou en porcelaine de la meilleure qualité.
Pour le finissage des ornements intérieurs, on a utilisé des colonnes en marbre, des éléments en bois noble, des stucages en plâtre ou en bronze et même des ouvertures en verre ; les détails dorés et le jeu des miroirs couronnaient l’ensemble - la maison de Nicolae Cesianu brillait dans le centre-ville de Bucarest, élevant les standards des résidences privées appartenant à la société mondaine de la capitale.
Sources : Cesianu-racovitza.ro, Fundatiacaleavictoriei.ro
Ana Maria Rosca
Article réalisé dans le cadre du Programme Culturel București - Centenar avec le soutien de Primăriei Municipiului București à travers Administrația Monumentelor și Patrimoniului Turistic