A la mi-octobre, la Cour d'appel de Cluj a annulé de façon irrévocable le Plan zonal d'urbanisme (PUZ) approuvé par la mairie de Bucarest en 2006 pour permettre la construction de l'imposant boulevard qui doit bientôt relier le nord au sud de Bucarest. Des dizaines de bâtiments ont été détruits dans le vieux quartier Buze?ti-Berzei sur la base de ce plan. Nicu?or Dan, président de l'association Salva?i Bucure?tiul, analyse cette décision juridique et fait le point sur l'urbanisme en Roumanie.
Photo : hotnews.ro
Le petitjournal.com/Bucarest - Que signifie la décision de la Cour d'appel de Cluj ?
Nicu?or Dan - Ce procès visait le PUZ qui a été à la base de tous les travaux pour la construction du boulevard Buze?ti-Berzei. Du coup, toutes les autorisations et toutes les expropriations sont devenues illégales. Il y a trois conséquences juridiques à la décision de la Cour d'appel de Cluj. La première est qu'elle offre un appui pour déposer des plaintes pénales contre les fonctionnaires de la mairie de Bucarest responsables de cette erreur, dont Sorin Oprescu (le maire de la capitale, ndlr). La deuxième concerne ceux qui ont été expropriés et qui n'ont pas reçu de dédommagements. Ils vont pouvoir désormais en demander légitimement. Troisièmement, les procès que notre association a démarrés pour la reconstruction de bâtiments importants détruits lors de ces travaux auront un nouvel argument devant le juge.
Vous allez déposer une plainte pénale contre Sorin Oprescu ?
Oui, avec d'autres ONG.
Il y a deux semaines, deux bâtisses du siècle dernier ont été détruites au bulldozer dans la rue Christian Tell. Comment en est-on arrivé là ?
C'est malheureusement un schéma classique. Des requins immobiliers ont détruit ces maisons pour construire un hôtel de six étages. Ce qui est un peu particulier dans cette affaire, c'est le fait que Vladimir Ghika, récemment béatifié par l'Eglise catholique, a vécu dans l'une de ces maisons. Les deux bâtiments ne faisaient toutefois pas partie de la liste des monuments historiques. Mais celle-ci a été faite à la va-vite en 1992, et beaucoup de bâtiments importants ont été oubliés. Le ministère de la Culture peut rajouter ou enlever des édifices dans cette liste. Tous les ans, il y introduit une quarantaine de nouvelles adresses et en enlève une vingtaine. Pour les deux maisons de Christian Tell, l'Ordre des architectes (OAR) avait envoyé au début de l'année une demande au ministère pour qu'elles soient introduites sur la liste. Mais le secrétaire d'Etat chargé de transmettre le document à la commission nationale d'urbanisme a refusé de passer cette demande. C'est un abus de sa part.
Les autorisations de destruction ont-elles été légales ?
Les deux maisons dont on parle sont à moins de 100 mètres du musée de la littérature roumaine, qui est un monument historique encadré dans la classe A. Or la loi dit qu'il doit y avoir un avis du ministère de la Culture dans ce cas précis. Les propriétaires n'avaient que l'avis de la commission d'urbanisme de la mairie de Bucarest.
Plus généralement, comment a évolué la situation de l'urbanisme ces dernières années ?
Je dirais que l'intérêt des Roumains sur ce sujet a grandi. L'urbanisme est davantage présent dans le débat public. Sur le plan législatif par contre, on a fait un pas en arrière. Il y a quelques mois, la loi a été modifiée et permet de nouveau des dérogations sur 20% de la densité construite. C'est-à-dire sur la taille d'un bâtiment par rapport aux bâtiments qui l'entourent. On était passé à 0% en 2011, mais l'actuel gouvernement est revenu sur l'ancienne pratique. On a aussi réduit le nombre de postes à l'inspectorat d'Etat pour la construction, ce qui n'est pas pour aider un urbanisme responsable. Quant au respect de la loi, s'il y a eu des améliorations ces dernières années, elles sont insaisissables. La seule qui peut être mentionnée est le changement de la loi de l'urbanisme en 2008 et 2009 suite à nos pressions. Avant cela, quasiment tout était permis. Propos recueillis par Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) mercredi 30 octobre 2013