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SCIENCES - Du sang artificiel développé à Cluj

Écrit par Lepetitjournal Bucarest
Publié le 5 avril 2015, mis à jour le 6 janvier 2018

Une équipe de chercheurs roumains est sur le point de produire du sang artificiel. Si cette découverte ne pourra remplacer complètement le sang humain, elle permettra en revanche de sauver des milliers de vies grâce à sa qualité de transporteur d'oxygène. L'avancement du projet a été ralenti par le manque de fonds publics destinés à la recherche, mais Radu Silaghi-Dumitrescu, son coordinateur, reste optimiste. Interview.

Photo : Raul Stef - www.gandul.info

Lepetitjournal.com/Bucarest - En quelques mots, pourriez-vous nous expliquer ce qu'est le sang artificiel ?

Radu Silaghi-Dumitrescu - On utilise plusieurs termes dans la littérature de spécialité pour nommer le liquide sur lequel nous travaillons. Celui de sang artificiel est sans doute le moins fréquent. On parle plutôt de transporteur artificiel d'oxygène ou bien de substitut sanguin. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il remplace le sang seulement dans sa fonction de transporteur d'oxygène. Par contre, il ne possède pas ses attributs en ce qui concerne les défenses immunitaires ou l'apport nutritionnel. Ce qui nous intéresse dans ce liquide de substitution, c'est la capacité d'oxygéner les organes par le biais d'une transfusion dans un contexte de perte importante de sang comme lors d'un accident ou d'une opération.

Depuis quand travaillez-vous sur ce projet  ?

Nous avons commencé les premières expériences en 2007. Nous partions de zéro. Aujourd'hui, nous sommes arrivés à la phase des tests sur des animaux, souris et rats, ainsi que sur des cellules humaines. Nous sommes en train de vérifier que les substances que nous avons créées, même si elles semblent se comporter normalement sur l'organisme d'un rat, ne provoquent pas la mort ou des effets non-désirables sur une cellule humaine. Ces expériences sont indispensables avant les tests cliniques sur des patients.

Avez-vous de la concurrence dans ce domaine ?

Il existe d'autres équipes de chercheurs dans le monde qui travaillent sur cette problématique. Certains depuis des dizaines d'années. Mais le substitut sanguin auquel nous sommes arrivés aujourd'hui offre des résultats supérieur à tout ce qui existe actuellement, inclusivement à ce qui est déjà commercialisé. À l'heure actuelle, deux pays, l'Afrique du sud et la Russie, ont approuvé l'utilisation d'un substitut sanguin. Mais celui-ci n'a pas rempli les critères de qualité des pays développés. En ce qui nous concerne, nous pouvons dire que nous avons des preuves claires que notre découverte peut améliorer ce qui existe déjà et nous n'avons aucun motif pour penser que celle-ci ne va pas fonctionner sur l'homme. Je m'attends à ce que les tests sur les animaux et les cellules humaines se finissent d'ici la fin de l'année et que nous puissions travailler avec des médecins pour débuter les études cliniques dès l'année prochaine.

Concrètement, que contient ce liquide ? 

Nous travaillons dans deux directions différentes. L'une d'entre elles est la plus commune puisqu'elle utilise une protéine du sang animal et humain : l'hémoglobine. Le liquide produit est donc rouge et ressemble à celui sur lequel travaillent d'autres équipes de chercheurs dans le monde. La deuxième direction est par contre totalement novatrice puisqu'elle utilise des protéines qui proviennent de vers marins, qu'on retrouve également dans certaines bactéries. Le liquide qui en résulte est donc incolore et nous sommes actuellement les seuls à explorer cette piste. Pour l'instant, ces deux versions offrent des résultats similaires.

Comment qualifierez-vous l'état de la recherche en Roumanie ?

Elle est de plus en plus compétitive. Il y a eu une expansion fabuleuse dans les années 2000, à la fois du nombre de projets, mais aussi de celui des chercheurs. Cela a coïncidé avec le retour de l'étranger de nombreux scientifiques très bien préparés. Les financements ont fait forcément défaut. L'arrivée de la crise a détérioré un peu plus la situation. Cela n'a pas mis en péril l'existence de notre projet mais nous a obligé à ralentir notre rythme de travail. Or, il existe le risque qu'un autre institut de recherche dans le monde nous devance en proposant un substitut sanguin suffisamment satisfaisant pour être commercialisé. Nous travaillons donc aussi rapidement que nous le pouvons et avec les moyens que nous avons. 

Que pensez-vous de la proposition du Sénat de réformer l'autorité en charge de la distribution du budget pour la recherche ?

Vous savez, le budget destiné à la recherche a augmenté de 1000 fois depuis le début des années 1990. Cette évolution est singulière dans la région. Mais étant donné que nous sommes partis de presque zéro, celui-ci reste l'un des plus faibles d'Europe en rapport au PIB. L'autre problème de la recherche en Roumanie tient de son aspect administratif, notamment les critères de sélection des projets financés. Peut-être que la proposition du Sénat de scinder en deux cet organisme, qui s'occupe actuellement à la fois de la gestion des fonds alloués à la recherche et de la surveillance de leur bonne utilisation, va avoir des résultats bénéfiques, mais elle ne s'attaque pas au fond du problème. L'augmentation du budget et l'utilisation plus efficace de cet argent sont les vraies priorités.

Propos recueillis par Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) Lundi 6 avril 2015

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Publié le 5 avril 2015, mis à jour le 6 janvier 2018

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